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Extrait de l’hebdo n°3946
Pour sortir de la crise par le haut, la CFDT demande au futur gouvernement de s’appuyer davantage sur les corps intermédiaires. Les trois accords signés début décembre par une majorité d’organisations syndicales et patronales montrent qu’il est possible de trouver des compromis utiles aux salariés. Ces textes doivent à présent être transposés dans une loi.
Les semaines passent sans que l’on voie le bout du tunnel. La crise politique provoquée par la dissolution de l’Assemblée nationale, le 9 juin dernier, est encore devant nous. Le gouvernement Barnier a été censuré au bout de trois mois. Un nouveau Premier ministre a été nommé, mais le sort de François Bayrou apparaît des plus fragiles alors même qu’il a la lourde tâche de faire voter le budget 2025. Signe de cette inquiétude, l’agence Moody’s vient de dégrader la note de la France, estimant peu crédible que le pays s’attaque à son déficit public – qui devrait dépasser les 6 % du PIB.
Face à cette crise à la fois démocratique, politique et économique, les partenaires sociaux sont, eux, parvenus à trouver le chemin du compromis en 2024. Après avoir échoué à se mettre d’accord au printemps sur un « pacte de la vie au travail », ils ont repris langue en fin d’année et sont parvenus à la signature de trois accords.
Un premier sur les règles de l’assurance chômage, un deuxième sur l’emploi des seniors et un troisième sur le cumul dans le temps des mandats des élus CSE. Le pouvoir politique doit à présent s’en emparer pour les transposer dans une loi. Le précédent gouvernement s’y était engagé, et il n’y a guère de raison objective de douter que cela ne soit la ligne de conduite du prochain. « Non seulement ces trois accords apportent des droits nouveaux aux salariés mais ils sont aussi un message à destination des politiques. Ils montrent que l’on peut continuer à avancer en choisissant la voie de la concertation », souligne Yvan Ricordeau, secrétaire général adjoint de la CFDT.
Définir l’intérêt général
Ces trois accords rappellent également que les partenaires sociaux – et, plus largement, l’ensemble des corps intermédiaires – ont un rôle à jouer dans la définition de l’intérêt général. En période de crise politique, ils peuvent être un recours utile, rappelle le Pacte du pouvoir de vivre dans un récent communiqué de presse. « Le président de la République évoque l’intérêt général comme boussole d’un futur exécutif. Cet intérêt général est précisément la boussole de nos organisations depuis des décennies. Partant de cette base, et fort de notre histoire, de nos actions et de nos propositions, il nous semble essentiel que le prochain gouvernement et les parlementaires travaillent concrètement à partager un socle de priorités d’intérêt général qui soit concrètement en mesure de renforcer la cohésion sociale. »
Selon la CFDT, la priorité des prochains mois va donc être de poursuivre ce travail avec les autres organisations syndicales et le patronat. L’idée est de voir comment avancer pour répondre aux attentes des salariés et, plus généralement, de la société. Quatre thèmes ont été identifiés comme prioritaire par la Confédération : le pouvoir d’achat, l’emploi, le travail et la transition écologique.
« Je suis plutôt optimiste quant à notre capacité à trouver des voies de passage, affirme Yvan Ricordeau. Le patronat donne des signes de bonne volonté. Il semble vouloir jouer le jeu de la discussion avec les organisations syndicales. L’heure n’est pas à ajouter de la crise à la crise. » Certes, il est trop tôt pour savoir quelles avancées concrètes seront sur la table des négociations, mais l’idée d’un nouveau round de discussions est actée. Les partenaires sociaux ont en quelque sorte l’occasion de renforcer leur légitimité par rapport au pouvoir politique, d’autant que l’instabilité gouvernementale actuelle risque de durer. Car même si François Bayrou et son prochain gouvernement parviennent à faire voter un budget, la possibilité d’une nouvelle dissolution existera à partir de juin 2025.
Une concertation rapide sur l’emploi et les reconversions
Les nombreuses annonces de fermetures de sites ou de restructurations en cette fin d’année plaident également pour que les organisations syndicales et patronales se remettent très vite autour de la table. Des sujets comme le chômage partiel ou la reconversion professionnelle doivent être abordés dès le début de l’année prochaine. « Nous devons absolument apporter des réponses aux salariés qui risquent de perdre leur emploi, imaginer des outils pour anticiper certaines situations, insiste Yvan Ricordeau. Nous savons pertinemment que certains secteurs professionnels doivent se réinventer, et que cela nécessitera un accompagnement fort des salariés. » Selon la CFDT, la situation économique nécessite que soit mis en place un dialogue approfondi entre les entreprises, les salariés et les pouvoirs publics, d’où l’urgence d’avoir un gouvernement à l’écoute de la société civile.
Dans cette période difficile, en cette fin d’année 2024, la CFDT trouve quand même matière à se réjouir : de nombreux salariés continuent de rejoindre ses rangs. La dynamique de développement entamée en 2023 s’est poursuivie en 2024. Environ 10 000 salariés ont pris leur carte cette année, signe d’une confiance accordée au syndicalisme de dialogue et à la négociation. De plus, les résultats des élections TPE ne sont pas encore connus à l’heure où nous écrivons ces lignes, mais ils ne remettront pas en cause la première place de la CFDT dans le paysage syndical français… Voilà donc autant de raisons d’exiger du prochain gouvernement une bonne résolution pour l’année 2025 : s’appuyer davantage sur le dialogue social pour définir l’intérêt général et apporter les réponses qu’attendent les Français.