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Extrait de l’hebdo n°3950
La 7e édition du baromètre Syndex-Ifop sur le dialogue social en entreprise montre combien l’investissement des élus du personnel est apprécié des salariés. Si leur travail est reconnu par leurs collègues, les élus sont pessimistes quant à leur capacité à peser face aux directions. La dégradation du climat économique explique en partie cette baisse de moral.
C’est devenu un rendez-vous incontournable. À chaque début d’année, le cabinet d’expertise Syndex, avec l’aide de l’Ifop, publie un baromètre sur l’état du dialogue social en France. Pour cette septième édition, les avis de 1 303 salariés, 1 878 élus du personnel et 400 chefs d’entreprise ont été recueillis en septembre et octobre 2024. Ce remarquable travail permet de prendre le pouls des entreprises.
Des élus appréciés
1. Comité social et économique.
2. Institut français d’opinion publique.
Première bonne nouvelle, les salariés font toujours autant confiance à leurs élus. De fait, 68 % des premiers ont une bonne ou très bonne image de leur CSE1, et seulement 20 % en ont une mauvaise – un pourcentage en baisse de 3 points par rapport à 2023… mais qui reste extrêmement élevé. « Quand on voit la défiance des Français envers les politiques, la presse et plus généralement toutes les “élites”, il est frappant de constater que les élus syndicaux paraissent épargnés par ce phénomène », analyse Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion et stratégies d’entreprise de l’Ifop2. Globalement, la grande majorité des salariés se sent bien représentée. Ce sentiment est même en hausse de 3 points par rapport à l’année dernière. D’ailleurs, 78 % des salariés déclarent connaître au moins un membre du CSE, et 63 % ont confiance en leurs élus quand il s’agit de les représenter.
Un dialogue social difficile
Néanmoins, faire confiance à ses représentants ne signifie pas considérer le dialogue social comme allant de soi. Les salariés sont plutôt mitigés si on leur demande d’attribuer une note globale à la qualité du dialogue au sein de leur entreprise. En moyenne, ils accordent la note de 6 sur 10. Plus pessimistes (ou réalistes, c’est selon), les représentants du personnel n’attribuent, eux, que la note de 5,3 sur 10.
Autre source d’inquiétude cette année, la moyenne de la plupart des indicateurs évaluant la qualité du dialogue sociale est en baisse. Ainsi, la capacité à produire des accords ne récolte que 5,9 sur 10 (contre 6,4 en 2023). Et la capacité à suivre un accord 6,1 sur 10 contre 6,7 en 2023. À l’autre bout du spectre, les dirigeants d’entreprise attribuent la note de 7,8 sur 10. La vision de la qualité du dialogue social est donc loin d’être partagée. En guise d’explication, on peut déjà avancer que le contexte économique incertain pèse sans nul doute sur l’évaluation de la qualité du dialogue social par les élus du personnel. Seuls 67 % estiment que la situation économique de leur entreprise est bonne ; c’est 7 points de moins qu’en 2023… et le plus faible score depuis 2018.
L’instance CSE est vivement critiquée
Les critiques engendrées par les ordonnances travail vis-à-vis des instances représentatives du personnel sont toujours aussi présentes. Dans les mêmes proportions que pour le baromètre 2023, les représentants des salariés estiment que la mise en place des CSE s’est accompagnée d’un affaiblissement du poids des élus au sein de l’entreprise, que les ordres du jour trop chargés de cette instance ne permettent pas de traiter à fond les sujets ou encore que le travail des élus nécessite de plus en plus de temps (qu’ils n’ont pas, d’ailleurs).
« Année après année, ce baromètre confirme l’analyse de la CFDT : il se produit une dégradation de la qualité du dialogue social depuis la mise en place des CSE en 2017, souligne Marylise Léon. Les ordonnances Macron étaient un pari risqué, et un pari perdu. Le comité d’évaluation des ordonnances Travail l’a d’ailleurs bien mis en avant. C’était un pari sur la maturité des acteurs qui auraient dû négocier le cadre du dialogue social dans leur entreprise. Malheureusement, ce n’est pas ce qui s’est passé. Au lieu d’ouvrir une négociation avec les représentants des salariés, les entreprises se sont contentées de se mettre en conformité juridique. »
Priorité aux conditions de travail
Ce baromètre 2025 révèle aussi quelques invariants. Ainsi, les quatre premiers sujets jugés prioritaires à traiter selon les représentants des salariés restent identiques : les conditions de travail et la charge de travail (93 %), la santé et les risques psychosociaux (92 %), la sécurité au travail (86 %), le pouvoir d’achat, la rémunération et le partage de la valeur (83 %).
D’autres sujets centraux quant à l’avenir ont manifestement encore du mal à se faire une place dans le dialogue social. Ainsi, les enjeux environnementaux sont loin d’être considérés comme prioritaires (32 %, stable par rapport à 2023). En matière d’intelligence artificielle (IA) et de son impact sur l’activité de l’entreprise, il semblerait que les opinions soient en train d’évoluer puisque 16 % des élus la juge prioritaire, soit 6 points de plus que l’année dernière. « Chez nous, l’intelligence artificielle a été identifiée comme une priorité en 2025. Le sujet devrait faire l’objet d’un travail spécifique dans toutes les commissions », explique Valérie Delacourt, déléguée syndicale CFDT Crédit Agricole SA.
Le CSE, ce lieu où l’on doit pouvoir parler du travail
« Les équipes CFDT vont devoir s’emparer de sujets comme la transition écologique juste ou l’intelligence artificielle, même s’ils peuvent sembler complexes et que les directions peinent à associer les représentants des salariés à leurs réflexions, souligne Marylise Léon. Une des difficultés à lever est que le CSE n’est souvent pas considéré comme le lieu où l’on parle du travail, donc pas le lieu permettant d’aborder les conséquences de l’IA ou de la transition écologique sur le travail. Or le CSE devrait justement être ce lieu où l’on construit les équilibres nécessaires entre des intérêts parfois divergents. »
Selon la CFDT, le renouveau du dialogue social passera inévitablement par un plus grand pouvoir donné aux représentants des salariés au sein de l’entreprise, que ce soit au CSE ou dans les conseils d’administration. Le baromètre Syndex rappelle d’ailleurs depuis plusieurs années qu’il s’agit d’un souhait partagé par les élus comme par les salariés. Et ces derniers jugent nécessaire de mieux tenir compte de ce qu’ils ont à dire sur le travail… Une revendication estampillée CFDT !