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Extrait de l’hebdo n°3925
Depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, la CFDT multiplie les débats, webinaires, opérations de tractage en vue des élections législatives. Parce que l’extrême droite pourrait arriver à Matignon, elle bouleverse son agenda, décidée à ne pas laisser place au pire des scénarios. Tour d’horizon des différentes opérations lancées par les structures CFDT.
1. Un second débat est prévu à Lille le 26 juin.
Débattre, à tout prix. « Dans cette période si particulière, il n’y a rien de pire que le silence et l’évitement. Je préfère au silence un débat musclé où l’on se confronte et argumente de part et d’autre », plaidait Marylise Léon devant le Bureau national de la CFDT, le 20 juin dernier. Dès le lendemain, la CFDT des Hauts-de-France accueillait militants et adhérents CFDT pour un premier temps d’échange1 à Arras. « On n’est pas en terrain favorable, glisse d’emblée un participant. Dans le département, la moitié des gens ont voté Rassemblement national aux dernières élections. Clairement, ce n’est plus un vote contestataire ou un vote d’essai. Aujourd’hui, ceux qui votent pour le RN ont lu le programme », s’inquiète-t-il. Le changement de sociologie du vote est perceptible par tous.
Pourtant, les raisons pour lesquelles le vote RN progresse dans les Hauts-de-France ne sont pas les mêmes qu’en Paca, rappelle Perrine Mohr, secrétaire générale de l’URI Hauts-de-France : « Ici, une notion revient systématiquement : la peur du déclassement. Le lien entre désespérance sociale et déshérence démocratique est réel, et le RN agit comme une voiture-balai. Elle ramasse toute la misère humaine sur son passage. » Aussi, la responsable régionale s’inquiète-t-elle du risque de bascule politique : « Si l’offre de reprise de Metex, annoncée juste avant la dissolution, fut un soulagement pour tout le territoire, rien ne garantit qu’à l’avenir d’autres entreprises en difficulté [dans une région hantée par les pertes d’emplois industriels depuis 1975] seront sauvées. Les investissements étrangers promis sur les projets de décarbonation de Dunkerque ou de gigafactory seront-ils toujours d’actualité en cas de victoire du RN ? »
Dans les entreprises, il y a sans doute là une carte que peuvent jouer les équipes syndicales afin de montrer concrètement les conséquences sur les travailleurs et leur emploi d’une victoire de l’extrême droite… « Il va peut-être aussi falloir déconstruire les conneries diffusées par certains médias », alerte Fétouma. Cette jeune adhérente cumule : originaire du bassin minier, point d’ancrage du RN, elle travaille à Hénin-Beaumont, fief électoral de Marine Le Pen. « Cela fait vingt ans que je vis et travaille au niveau local. Je n’ai jamais vu ceux qui répètent à longueur de journée qu’ils sont proches des gens ! », assure-t-elle.
La peur du clash
De fait, comment « réarmer les militants avec des outils de communication et des méthodes d’approche différents ? », s’interroge régulièrement les mandatés de l’URI Hauts-de-France, bien conscients que les argumentaires envoyés par la Confédération ne sont pas toujours partagés ou diffusables… Dans la salle, beaucoup de militants pointent en effet cette difficulté d’aborder la lutte contre l’extrême droite sur les lieux de travail, par peur du clash ou de la désertion d’adhérents qui considèrent qu’il n’est pas du ressort d’un syndicat de se positionner sur ces questions. « La perte d’adhérents est un risque, concède Olivier Guivarch, secrétaire national. Mais tout, dans notre histoire et dans notre ADN, est incompatible avec le RN. Nous avons tout intérêt à faire campagne sur nos valeurs, d’autant que la CFDT sera sans doute un refuge et un rempart pour les salariés si le pire devait advenir. »
À Toulon, un air de déjà-vu
À environ mille kilomètres, dans le Var, une dizaine de militants CFDT s’était donné rendez-vous sur le parvis de la gare de Toulon pour aller à la rencontre des voyageurs qui rejoignent leur travail. Tout un symbole, là aussi, dans une ville dirigée par le Rassemblement national de 1995 à 2001 et qui a voté à 45 % pour l’extrême droite aux dernières élections européennes. « Il ne faut rien lâcher, assure Pierre, militant de La Poste. On ne va pas se cacher ou s’excuser de penser qu’il faut combattre le Rassemblement national ! » Ici, tous les militants se souviennent des dérives pendant ces années où le FN administrait la ville. Stéphane, trésorier de l’Union départementale du Var et cheville ouvrière de cette opération, n’a qu’une idée en tête : « Appeler à voter et à faire barrage au RN, sans état d’âme et sans avoir peur de perdre des adhérents qui seraient partis, de toute façon. » S’ils ne se font guère d’illusion quant au résultat des votes, tous les militants et adhérents présents estiment nécessaire de défendre des valeurs chères à la CFDT, telles que la non-discrimination, l’égalité femmes-hommes ou l’aide aux plus démunis.
Étonnamment, les passants prennent les tracts ou les refusent gentiment, mais peu revendiquent de voter Rassemblement national. L’accueil est poli, à défaut d’être véritablement chaleureux. Certaines rencontres donnent même du baume au cœur, comme lorsqu’une femme, après avoir lu le tract, revient en demander d’autres « pour les afficher à son travail ». Et puis il y a les collègues des autres organisations syndicales qui remercient la CFDT de l’initiative avec un sourire complice. « On n’est pas dans une région facile pour combattre l’extrême droite, mais cela ne signifie pas qu’il faille abandonner le terrain, renchérit Isabelle, de l’Union régionale.
Des webinaires pour libérer la parole
Afin de sensibiliser le plus grand nombre et d’armer le mieux possible les militants à l’occasion de cette campagne électorale express, des webinaires ont été mis en place par la Confédération dès l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale sur le thème « Législatives 2024 : Faire entendre la voix des travailleurs et travailleuses, faire le choix de la démocratie ».
Le premier, le 21 juin dernier, a réuni plusieurs centaines de participants. Ce qui a donné l’occasion au secrétaire général adjoint de la CFDT, Yvan Ricordeau, de répondre aux questions des militants en expliquant notamment que « les militants CFDT ne sont pas monologiques. C’est pour cela qu’au premier tour nous ne donnons pas de consigne de vote – excepté contre l’extrême droite – pour les laisser libres de leur choix ».
D’ores et déjà, quatre nouveaux webinaires sont prévus, les 26, 27 et 28 juin, pour les adhérents CFDT qui le souhaitent et qui devront alors s’inscrire sur la plateforme https://jeparticipe.cfdt.fr/webinaires.
Coalition 2024
2. Précédemment appelée « Plus jamais ça ».
Toujours à l’échelle nationale, et parce que dénoncer ne suffit pas si l’on n’a rien à proposer, « la société civile organisée appelle à la mobilisation autour de 16 mesures prioritaires à engager » au lendemain des élections législatives, explique la déclaration de la Coalition 2024, regroupant de manière inédite les organisations membres du Pacte du pouvoir de vivre et de l’Alliance écologique et sociale2. Parmi les mesures sociales, figure la nécessité de revenir sur les réformes des retraites et de l’assurance chômage, la revalorisation des salaires, pensions et autres minima sociaux mais aussi la rénovation des logements ou la taxation des superprofits et très hauts revenus afin de financer la transition écologique.
« L’extrême droite n’a pas changé, affirmait Christophe Robert, l’un des deux porte-parole du Pacte du pouvoir de vivre. Nous en appelons à un sursaut collectif, à la mobilisation collective pour faire en sorte que l’extrême droite ne gagne pas les élections législatives. » En dehors de toute dynamique partisane, ce collectif de la société civile se dit prêt à travailler ensemble et est engagé « pour défendre une société plus juste, qui ne laisse personne de côté, affirme de son côté la CFDT. Associations, syndicats et ONG seront les garants sur le temps long de la défense de ces mesures ».