Dans le sport, les violences gagnent du terrain

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Pourquoi la société est-elle à cran ?

Le phénomène inquiète. Dans le sport amateur, les entraîneurs et arbitres font face à des incivilités croissantes, notamment commises par les parents.

Par Emmanuelle Pirat— Publié le 01/02/2025 à 09h00

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© Divergence

Il y avait urgence à agir. Les trois dernières saisons ont vu une hausse de 36% des dossiers de violence examinés par les conseils de discipline institués par la FFR [Fédération française de rugby] et ses organismes régionaux. Cette tendance se confirme en 2023-2024. » C’est par ces mots que Sylvain Deroeux, le secrétaire général de la FFR, a annoncé la mise en place du plan de lutte contre les violences et incivilités, à la fin 2024. Une première dans ce sport de gentlemen, négociée avec tous les acteurs de l’écosystème, y compris Tech XV, le Regroupement des entraîneurs et éducateurs de rugby, affilié à la CFDT.

Ce plan, qui comprend quatre axes principaux (sensibiliser, former, prévenir et sanctionner), ne s’adresse pas uniquement aux joueurs. Car dans cette évolution des violences et incivilités qui se manifestent sur les terrains, il y a celles commises par les parents. « On a vu récemment un père entrer dans la zone de jeu et venir mettre un coup de boule à l’entraîneur parce qu’il n’avait pas apprécié que ce dernier remplace son enfant sur le terrain », explique Marion Pélissié, directrice générale de Tech XV.

Ces agressions se produisent aussi en dehors des matchs, sur les réseaux sociaux, les boucles WhatsApp, et peuvent prendre la forme de menaces, voire de harcèlement. Le handball, le basket ou le volley ne semblent pas épargnés. On y observe aussi l’apparition plus fréquente de ces contestations, parfois violentes, de la part de parents.

« Championnite »

Dans le foot amateur, le phénomène est d’autant plus exacerbé que les enjeux liés à la sélection (ou non) des jeunes joueurs sont encore plus importants. « À la différence d’autres sports, dans le foot, les premiers contrats pros sont signés dès 16 ans. La sélection commence très jeune. Or les enjeux financiers sont tels qu’ils mettent une pression infernale sur le jeune, mais aussi sur ses parents et sur l’entraîneur. Car un jeune qui réussit, c’est une famille de dix personnes qui peut vivre sans travailler. Sortir l’enfant du terrain, c’est vécu comme un affront. Pire, comme une menace économique », explique Emmanuel Tregoat, ex-entraîneur du Cergy-Pontoise FC.

« L’un des nœuds du problème, c’est cette “championnite”, le fait que les parents soient totalement focalisés sur la réussite de leur progéniture, complète Bertrand Reuzeau, président de l’Unecatef (Union nationale des entraîneurs et cadres techniques professionnels du football français). Elle crée de la pression et produit aussi beaucoup de frustration si l’enfant n’est pas sélectionné. Récemment, ce sont des parents de jeunes U10-U11 (de 10 et 11 ans), mécontents de la décision de la non-sélection de leurs enfants par l’entraîneur pour un match, qui ont brûlé son véhicule ! »

Face à ces violences, de plus en plus de clubs amateurs sont passés au stade supérieur en matière d’avertissement pour appeler au respect et à la bienveillance : ils interdisent tout bonnement l’accès des parents aux entraînements. Car ces violences finissent par freiner les vocations d’entraîneur ou d’arbitre, chez les jeunes, et incitent même les adultes à raccrocher les crampons. 

Que dit la loi ?

L’employeur doit garantir la santé et la sécurité de ses salariés et, à ce titre, il lui appartient d’assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des travailleurs dans son entreprise (articles L4121-1 à 5 du code du travail).

Cette obligation concerne l’ensemble des risques encourus par les travailleurs, y compris les risques d’agression par des personnes extérieures à l’entreprise (clients, patients, élèves, etc.). En cas d’accident de travail ou de maladie professionnelle, la faute inexcusable de l’employeur peut être engagée.

Depuis mars 2010, l’accord national interprofessionnel relatif au harcèlement et à la violence au travail rappelle également cette obligation de protéger les salariés contre toutes formes de violences sur leur lieu de travail dont celles exercées par des tiers. Par ailleurs, lorsqu’une situation de violence est repérée ou risque de se produire, le CSE peut recourir à la procédure d’alerte prévue en cas d’atteinte au droit des personnes (article L2312-59 du code du travail).

Toutes les agressions, qu’elles soient physiques ou verbales, peuvent entraîner des amendes ou des peines d’emprisonnement lorsqu’elles sont exercées contre toute personne chargée d’une mission de service public, un agent d’exploitant d’un réseau de transport public de voyageurs, un professionnel de santé, une personne exerçant une activité privée de sécurité ou de gardiennage. Ces sanctions dépendent de la gravité des blessures générées ou de l’incapacité de travail provoquées, comme indiquées dans les articles 222-13 et 433-3 du code pénal.