Vers une prochaine réforme relative au temps de travail ?

Retrouvez le dossier complet
Que reste-t-il des 35 heures ?

La question du temps de travail n’a pas disparu des entreprises. Une nouvelle réduction générale n’est plus à l’ordre du jour, mais l’idée de redonner des marges de manœuvre aux salariés est toujours d’actualité.

Par Fabrice Dedieu— Publié le 01/01/2025 à 10h11

Séance au Sénat lors des débats sur le budget de la Sécurité sociale. Paris, 20 Novembre, 2024.
Séance au Sénat lors des débats sur le budget de la Sécurité sociale. Paris, 20 Novembre, 2024.© Xavier Bouzas/ Hans Lucas

Le temps de travail fait toujours parler de lui. Récemment, c’est au Sénat, lors des débats sur le budget de la Sécurité sociale, que le sujet a été évoqué. Des sénateurs de droite et du centre ont proposé d’augmenter le temps annuel de travail de sept heures. Il s’agissait de créer une nouvelle journée de solidarité – comme ce fut le cas en 2003, à la suite de la canicule particulièrement meurtrière – en plus du lundi de Pentecôte. Le gouvernement n’y étant pas favorable, la mesure a été abandonnée. Cette initiative ponctuelle révèle aussi que, de l’avis de certains politiques, la question du temps de travail mérite que l’on revienne dessus… Les 35 heures ne sont pas encore forcément une évidence pour tous.

Un des principaux thèmes de négociation collective

Plus régulièrement, c’est dans les entreprises que le temps de travail fait débat. C’est d’ailleurs l’un des principaux thèmes de négociation collective. Avec près de 21 % des accords signés en 2023, c’est le troisième sujet le plus abordé (après l’épargne salariale et les salaires). Des accords qui se penchent surtout sur l’aménagement du temps de travail (modulation, annualisation).

Selon Jean-Yves Boulin, sociologue et chercheur associé à l’Université Paris-Dauphine : « La réduction du temps de travail s’est faite en contrepartie d’une flexibilité du point de vue de l’employeur. Ce qui a provoqué une augmentation des horaires atypiques, des périodes travaillées tôt le matin, tard le soir, le week-end. »

Il ajoute : « Il y a eu une période où on ne réfléchissait plus au temps de travail et, depuis cinq ou six ans, on se repose cette question dans sa dimension qualitative, d’aller dans le sens d’une amélioration du bien-être, avec la question des effets des horaires atypiques sur la santé, la vie sociale. La flexibilité a mis à l’agenda l’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle, que les employeurs, publics et privés, sont bien obligés de traiter. »

Le télétravail s’inscrit dans cette réflexion sur le temps au travail, même s’il n’est pas forcément synonyme de plus de liberté, estime Jean-Yves Boulin : « On a l’impression d’être plus autonome, de pouvoir mieux articuler sa journée de travail avec ses activités familiales et sociales, mais on reste à disposition de l’employeur… »

La semaine de quatre jours apparaît comme une voie prometteuse pour mieux articuler les temps de vie des salariés. Si le bruit médiatique autour de cette mesure est inversement proportionnel au nombre des employeurs qui passent à l’acte, quelques collectivités territoriales comme les métropoles de Lyon, de Strasbourg ou la Ville de Drancy l’expérimentent sous la forme de semaine comprimée. Dans le secteur privé, les démarches pour la mettre en place restent rares mais elles sont en progression ces dernières années.

Quatre jours et de l’intensification

« En donnant une journée libre par semaine au lieu d’une heure par jour, on dégage un segment de temps plus long, donc un effet plus visible pour les salariés », note le sociologue. Pour autant, la semaine de quatre jours soulève de nombreuses questions, d’autant qu’elle s’entend le plus souvent sans réduction du temps de travail hebdomadaire. Les journées s’allongent en conséquence, avec de possibles effets sur la santé car la quantité de travail, elle, ne diminue pas.

Selon la CFDT, l’intensification est un risque. Qui plus est, « un certain nombre de salariés ne vivent pas un travail soutenable. Ils préfèrent comprimer leur semaine sur quatre jours pour fuir en quelque sorte des conditions de travail dégradées », estime Isabelle Mercier, secrétaire nationale de la CFDT. « Avant de passer aux quatre jours, il faut considérer la charge de travail individuelle », insiste-t-elle.

Un compte épargne-temps pour tous

À propos de l'auteur

Fabrice Dedieu
Journaliste

Pour une plus grande autonomie des travailleurs dans la gestion de leur temps de travail, mais cette fois-ci à l’échelle de leur carrière, la CFDT défend la création d’un compte épargne-temps universel (Cetu). Chaque salarié pourrait y épargner des congés, des primes, des RTT… Ce compte ne serait pas lié à une entreprise ou une administration. « Dans les différentes enquêtes que l’on a menées, les salariés nous ont dit qu’ils avaient une aspiration à pouvoir moduler leur temps de travail tout au long de leur carrière, avec des phases où l’on travaille plus et d’autres où l’on travaille moins », indique Isabelle Mercier.

« Ce Cetu permettrait aussi de gommer des inégalités entre les grosses entreprises, qui proposent des comptes épargne-temps, et les petites, qui n’en ont pas », précise la secrétaire nationale.

La revendication a failli connaître une concrétisation : la CFDT a conclu, le 23 avril 2024, un accord avec l’U2P (elle représente les très petites entreprises) pour créer un tel dispositif. Cet accord a été emporté par la dissolution de l’Assemblée nationale quelques semaines plus tard et n’a, depuis, pas été réinscrit à l’agenda politique pour une éventuelle transposition dans une loi. Une question de temps, sans doute.