Une trop lente mise en œuvre de l’accord santé au travail

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iconeExtrait de l’hebdo n°3950

Le comité de suivi de l’accord national interprofessionnel “santé au travail” de 2020 s’est réuni pour la première fois depuis deux ans. Au cours de cette indispensable réunion, la CFDT a déploré que les mesures au service de la prévention et de la santé au travail sont encore insuffisamment déployées.

Par Claire Nillus— Publié le 28/01/2025 à 13h00

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© Brigitte Baudesson/RÉA

1. Relatif à la prévention renforcée et à une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail.

À la suite de la réforme de la santé au travail et de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 9 décembre 20201, la Direction générale du travail a piloté une enquête sur l’activité des services de prévention et de santé au travail. Communiqué aux partenaires sociaux fin 2024, ce bilan a été au cœur des discussions du comité de suivi de l’ANI de 2020 qui s’est déroulé le 17 janvier dernier.

Une baisse continue des ressources médicales

L’enquête de la DGT passe au crible le fonctionnement des 176 services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI) qui suivent 92,5 % des salariés du secteur privé. Les résultats, eux, révèlent les faiblesses persistantes du dispositif… qui devait être renforcé dans le sillage de cet ANI. Comme en 2020, la baisse continue des ressources médicales (4 224 médecins du travail pour 17 millions de salariés suivis en 2023) inquiète les organisations syndicales. « L’absence de médecins menace aussi l’existence des cellules PDP [prévention de la désinsertion professionnelle] instaurées par l’accord santé au travail et qui ne peuvent pas fonctionner sans eux », alerte Laurent Picoto, secrétaire confédéral. Le bilan de la DGT fait état de 150 cellules PDP, un nombre nettement inférieur aux besoins, ne serait-ce parce que les inaptitudes sans reclassement représentent près de 40 % du total des inaptitudes prononcées. Le comité de suivi a donc décidé la mise en place d’un groupe de travail centré sur la démographie médicale.

Une faible participation aux enquêtes de santé au travail

2. Surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels.

3. Réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles et environnementales.

Lors du comité de suivi, les organisations syndicales ont également fait part de leurs craintes concernant la faible participation des professionnels de santé au travail aux enquêtes qui permettent de mieux appréhender les risques professionnels à partir des informations communiquées par les médecins du travail. La veille sanitaire et épidémiologique fait en effet partie des missions des services de prévention et de santé au travail. Concrètement, ces derniers doivent participer à plusieurs enquêtes récurrentes – dont l’enquête Sumer2 sur les conditions de travail (tous les sept ans environ), l’enquête MCP (maladies à caractère professionnel), le dispositif Evrest sur les données épidémiologiques de santé au travail et le RNV3PE3 sur les risques émergents. Or, dans le bilan de la DGT, seuls 3 SPSTI (et 42 médecins) ont alimenté l’enquête Sumer, par exemple… Une perte de données considérable et tout à fait dommageable.

L’évaluation des risques professionnels à la traîne

4. Document unique d’évaluation des risques professionnels.

Du côté des employeurs aussi, les données fournies restent très en deçà des préconisations de la loi. Ainsi, seule une entreprise sur deux est en règle avec l’obligation de produire un Duerp4, obligatoire depuis plus de vingt ans. Et seules 5,2 % des entreprises ont transmis ce document à leur SPSTI en 2024, comme l’exige la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail. Enfin, alors que les services de prévention et de santé au travail ont pour mission d’accompagner les employeurs et de les aider à réaliser leur Duerp, cette action de conseil ne représente que 5 % de leurs activités. Un groupe de travail va être créé à ce sujet.

Un paritarisme encore très relatif

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Claire Nillus
Journaliste

En revanche, il n’y a pas eu d’accord patronal visant à créer un groupe de travail relatif à la gouvernance, comme le réclamaient les organisations syndicales. Car, là non plus, le compte n’y est pas. Les SPST restant à la main de l’employeur, l’ANI de 2020 avait introduit un levier permettant d’aller vers plus de paritarisme dans les conseils d’administration, en réservant les fonctions de vice-président et de trésorier à des représentants des salariés des entreprises. « Nous constatons que cette première fonction n’existe pas partout, et, lorsqu’elle existe, elle est parfois contrée par la désignation, côté employeurs, d’un autre vice-président ; le déséquilibre demeure », souligne Laurent Picoto. Ce thème restera donc au programme de la prochaine réunion du comité de suivi, en avril 2025, n’en déplaise aux organisations patronales.