Chez Orange, l’inquiétude des salariés progresse face à l’accélération des réorganisations

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icone Extrait de l'hebdo n°3961

L’enquête triennale du Comité national de prévention du stress, créé après la période noire des suicides chez France Télécom, révèle une dégradation des indicateurs. L’inquiétude majeure des salariés porte sur les réorganisations, jugées trop rapides, déstabilisantes et trop peu accompagnées.

Par Emmanuelle PiratPublié le 15/04/2025 à 12h00

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© Wingz - CFDT

C’est toujours un moment attendu : la présentation des résultats de l’enquête triennale du Comité national de prévention du stress (CNPS), instance paritaire créée après la période noire des suicides chez France Télécom et base d’un nouveau contrat social à partir de 2010.

Les résultats de la sixième enquête – qui viennent d’être présentés en diverses occasions, début avril, aux délégués syndicaux d’Orange puis à l’ensemble des médecins du travail et des préventeurs du groupe – vont donc être scrutés et analysés avec la plus grande attention. Et pour cause : ce document essentiel permet d’évaluer les variations du climat social dans chacune des activités du groupe Orange (Orange SA et ses filiales). Un préalable nécessaire permettant de « définir et initier des démarches de prévention », affirme François Cochet, du cabinet d’experts Secafi, auquel a été confiée l’étude.

Un sentiment d’insécurité professionnelle

L’enquête, ouverte à partir du 2 décembre 2024, a reçu 34 534 réponses (soit un taux de participation de 52 %, contre 43 % en 2021) ; et ce qu’elle révèle est préoccupant. « On constate une dégradation de l’ensemble des indicateurs de risques psychosociaux », souligne Céline Marata, déléguée syndicale adjointe et responsable du dossier conditions de travail. Un point ressort particulièrement : le sentiment d’insécurité professionnelle exprimée par les répondants. En cause, les réorganisations, toujours plus nombreuses, plus rapides et perçues comme étant moins bien accompagnées.

Une journée de présentation de la sixième enquête triennale CNPS aux délégués syndicaux CFDT d’Orange a eu lieu à Paris, le 1er avril, en présence du secrétaire national Luc Mathieu.
Une journée de présentation de la sixième enquête triennale CNPS aux délégués syndicaux CFDT d’Orange a eu lieu à Paris, le 1er avril, en présence du secrétaire national Luc Mathieu.© Syndheb

« C’était déjà un sujet pointé lors de la précédente enquête. Pourtant, la direction continue d’accélérer le rythme. Ils sont revenus au “bougisme” des années Lombard », pointe François Cochet. La confiance dans l’entreprise et la fierté d’appartenir au groupe sont quant à elles en forte baisse. « La fierté de travailler pour Orange est de plus en plus souvent évoquée au passé, comme appartenant à une époque révolue », ajoute l’expert.

2 500 pages d’expression libre révélant un fort besoin d’écoute

Selon l’enquête, les répondants qui ont connu deux réorganisations ou plus, depuis l’édition de 2021, passent de 12 % à 31 % ! « Les réorganisations fréquentes et mal accompagnées sont identifiées comme une cause majeure de dégradation des conditions de travail », pointe Céline. « Les salariés sont aujourd’hui soumis à différentes transformations à la fois : des déménagements, des changements d’organisation, l’arrivée de nouveaux outils mais aussi des transformations profondes des métiers… Quand cela se cumule sur un même individu ou une même équipe, ça fait beaucoup ! », ajoute Olivier Berducou, délégué syndical central d’Orange. Heureusement, tout n’est pas noir : le management de proximité est toujours apprécié, et les rapports sociaux dans l’entreprise sont jugés plutôt positivement. Les forces commerciales, à propos desquelles la précédente enquête alertait sur un haut niveau de stress, vont manifestement mieux.

À propos de l'auteur

Emmanuelle Pirat
Journaliste

Enfin, ce que révèle également l’enquête, c’est un fort besoin des salariés d’être écoutés. La dernière question, ouverte, leur offrait la possibilité de s’exprimer librement au sujet de leurs préoccupations. « C’est l’équivalent de 2 500 pages qui ont été rédigées, contre 1 600 dans l’enquête précédente ! Ce qui démontre un véritable besoin des répondants de s’exprimer à propos de leurs conditions de travail et d’être écoutés », indique Céline. Désormais, une analyse fine, activité par activité et entité par entité, va être déclinée de manière à affiner les revendications et les mesures de prévention. Et cet immense travail, tous les représentants CFDT d’Orange sont invités à y prendre part.