“Une organisation résolument féministe”

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1964 - 2024 : 60 ans

Cécile Guillaume, maître de conférences à l’Université de Surrey, au Royaume-Uni, et professeure affiliée à Sciences Po Executive Education, revient sur l’engagement constant de la CFDT en faveur des droits des femmes aussi bien dans le syndicat que dans l’entreprise et dans la société.

Par Nicolas Ballot— Publié le 01/11/2024 à 10h05 et mis à jour le 01/11/2024 à 13h21

Cécile Guillaume, maître de conférences à l’Université de Surrey, au Royaume-Uni.
Cécile Guillaume, maître de conférences à l’Université de Surrey, au Royaume-Uni.© DR

La CFDT s’est toujours engagée dans la lutte contre toutes les formes de discrimination, d’exclusion, de sexisme, de racisme et de xénophobie, et elle s’est en particulier distinguée par son engagement pionnier en faveur des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes. Dès sa création, l’organisation s’est appuyée sur les dispositifs hérités de la CFTC en faveur de la place des femmes dans le syndicat (comme les sessions de formation travailleuses ou la Commission confédérale femmes), tout en affirmant le principe de non-discrimination entre les femmes et les hommes.

Cet engagement s’est intensifié dans les années 1970, époque où les militantes – parfois qualifiées de « vierges rouges » en interne, mais malgré tout soutenues par la première femme élue à la Commission exécutive, Jeannette Laot – ont fait entrer des revendications féministes (droit à l’avortement, à la contraception, au partage des tâches domestiques) et égalitaristes (réduction du temps de travail pour tous, retraite à 60 ans, égalité salariale) dans les syndicats, via notamment des groupes femmes sur les lieux de travail.

En 1971, la CFDT a pris part au débat houleux (y compris en interne) sur l’avortement et tranché en faveur d’un soutien à sa légalisation, ainsi qu’à son remboursement par la Sécurité sociale.

Jeannette Laot, première femme élue à la Commission exécutive en 1970. 
Et Simone Troisgros, secrétaire générale adjointe de la CFTC / CFDT de 1949 à 1969.
Jeannette Laot, première femme élue à la Commission exécutive en 1970. Et Simone Troisgros, secrétaire générale adjointe de la CFTC / CFDT de 1949 à 1969.© Archives CFDT

Négocier l’égalité professionnelle

Ces revendications globales construites en lien avec certaines associations féministes, comme le Mouvement français pour le planning familial, ont cédé progressivement la place à une politique davantage centrée sur la défense de l’égalité professionnelle dans les entreprises.

À la suite de l’adoption de la loi Roudy en 1983, l’organisation a mis en place des formations à la négociation de l’égalité professionnelle, avec un recentrage sur les questions du travail et de l’emploi (temps partiel, conditions de travail, chômage, précarité).

 

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© Archives CFDT

La CFDT n’a cependant pas perdu de vue certaines questions sociétales telles que la double journée de travail des femmes et les violences sexistes et sexuelles. La CFDT s’est félicitée de l’allongement du congé paternité à vingt-huit jours en 2021, une revendication qu’elle a longtemps portée dans le souci de favoriser la coparentalité et une meilleure répartition des tâches domestiques et éducatives, ainsi qu’une plus grande reconnaissance, dans la société comme dans les entreprises, de la responsabilité et de l’engagement des pères. En 2024, la CFDT a publié un manifeste féministe dont la tonalité rappelle ses engagements historiques en faveur du droit des femmes à disposer de leur corps, et son action en faveur de la représentation des femmes, en interne comme dans la sphère du travail.

Dans l’organisation

Dès 1979, le principe de mixité au sein de l’organisation et la volonté d’avoir une analyse mixte des réalités ont ainsi été inscrits dans la résolution générale du congrès de Brest. Après de longs débats sur l’opportunité de fixer des quotas et contre l’avis de ceux qui défendaient une « progression naturelle » des femmes, le congrès de Metz en 1982 a instauré un quota de 25 % de femmes au Bureau national.

En 1985, ces mesures sont devenues statutaires, et le congrès confédéral a décidé d’élargir la Commission exécutive (CE) pour y augmenter le nombre de femmes. Si elle a abandonné les formations pour femmes au début des années 1980, la CFDT a mis en place des formations pour sensibiliser les militants à la question de l’égalité femmes-hommes. Du fait de son implantation dans le secteur tertiaire, les adhérentes ont continué à affluer.

Et, en 1992, Nicole Notat est élue à la tête de la CFDT, devenant la première secrétaire générale de syndicat en France. La CFDT a introduit la parité femmes-hommes au sein de sa CE en 2010, et une politique de parité stricte au Bureau national et au sein de la CE en 2018. Ces mesures ont permis la promotion de nombreuses femmes à la tête des fédérations et unions régionales, et Marylise Léon a été élue secrétaire générale en juin 2023. La CFDT compte aujourd’hui plus de femmes que d’hommes parmi ses adhérents (54 %), et de nombreuses militantes sont élues déléguées syndicales ou représentantes du personnel dans les entreprises et les administrations.

Ce mouvement de féminisation atteste de l’efficacité des mesures paritaires et de celles visant la représentation proportionnelle aux élections professionnelles introduites par la loi Rebsamen (2015). La progression historique de la représentation de certaines femmes à la tête des plus gros syndicats, en France et dans d’autres pays comme le Royaume-Uni et l’Allemagne, ne doit cependant pas occulter les difficultés persistantes, en particulier pour les militantes qui occupent des emplois mal rémunérés et précaires, dans l’articulation de leurs vies professionnelle, syndicale et privée, et l’accès aux responsabilités syndicales.