Au Cojop, la CFDT en forme olympique

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iconeExtrait de l’hebdo n°3935

À l’instar de tout employeur, le Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop) a mis en place un CSE, a négocié des accords et a dû préparer un PSE pour l’accompagnement de ses salariés à l’issue de Paris 2024. Une expérience unique, intense et riche pour la jeune équipe CFDT, seule organisation syndicale présente.

Par Emmanuelle Pirat— Publié le 01/10/2024 à 12h00

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© Eliot Blondet/Pool/RÉA

Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 auront occupé une très grande place dans l’espace médiatique ces derniers mois : les performances des sportifs, la magie des cérémonies d’ouverture et de clôture, les gros plans sur les volontaires, l’enthousiasme et la liesse populaire… Tout cela, donc, aura été largement commenté. Nettement moins mises en lumière, en revanche, ont été les coulisses du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, une association créée en 2017. S’il n’y avait que quelques salariés au départ, ils ont été de plus en plus nombreux au fil de l’avancée du projet : on est ainsi passé d’une petite centaine en 2018 à 2 500 en 2023 et 4 200 salariés pendant les Jeux – en CDI pour ceux recrutés avant mars 2023, en CDD pour ceux arrivés après.

1. À la demande des intéressés, les prénoms ont été changés.

Au début de septembre dernier, les effectifs ont fondu, « divisés par deux tous les quinze jours », précise Antoine1, l’un des membres de la jeune section CFDT. Trois semaines après la fin de l’événement, il n’y avait plus que 700 salariés. Cette décrue devrait d’ailleurs se poursuivre jusqu’à la clôture définitive des comptes, en juin 2025. Une telle situation se révèle inédite pour le monde syndical : à la fois des obligations et des contraintes partagées par toutes les entreprises ou associations (installation d’un CSE, négociation d’accords, respect du droit du travail, accompagnement des salariés, etc.) mais également des modalités totalement atypiques compte tenu de la spécificité de l’événement. Y compris en matière de négociation d’un PSE (signé en janvier 2024), alors que les Jeux n’avaient pas encore eu lieu…

La CFDT très présente dans le monde du sport

Dans ce contexte très particulier, la jeune équipe du comité social et économique, élue en janvier 2022 sous la bannière CFDT, mériterait bien une médaille. Si aucun de ses membres n’a été syndiqué auparavant, le choix de la CFDT, lui, semblait relever de l’évidence, souligne Solenn. « La CFDT est l’organisation syndicale la plus présente dans le monde du sport, et ses valeurs étaient bien alignées avec les nôtres », ajoute Antoine. Une fois en place, l’équipe, totalement novice mais redoutablement efficace, a épluché sans tarder les dossiers puis s’est installée à la table des négociations. « Tout était à faire », rappelle Solenn.

2. Négociations annuelles obligatoires.

Six mois à peine après les élections, les élus CFDT signent leur premier accord d’entreprise, relatif au temps de travail et aux congés. En décembre 2022, ils obtiennent des NAO2 une prime inflation. Au CSE, ils multiplient les initiatives et créent diverses commissions (dont un fonds de solidarité afin d’aider les salariés traversant des difficultés ou connaissant une situation de précarité). Dès début de l’année 2023, ils abordent le chantier délicat qu’est la préparation du plan social. Un PSE bien particulier du fait du profil des salariés concernés (tous de niveau bac + 4 ou bac + 5) et parce que chacun savait, en se lançant dans l’aventure, qu’elle arriverait rapidement à son terme.

Besoin d’accompagnement ou de liberté ?

« Nous ne connaissions rien au sujet. Nous avons commencé par prendre conseil auprès d’avocats mais aussi recueilli les attentes des salariés. Avaient-ils besoin d’accompagnement ou plutôt de liberté ? », explique Solenn. Quelques réunions se sont enchaînées avec la direction. « Mais à raison d’une séance tous les quinze jours, nous n’avions pas l’impression d’avancer. Or on commençait à sentir monter l’inquiétude des salariés à propos de l’après-JO. On s’est alors mis d’accord sur une méthode : on a décidé de s’installer dans une pièce et de n’en ressortir que lorsqu’on aurait trouvé un accord », ajoute Antoine.

Mission accomplie : ledit accord est trouvé au tout début janvier 2024. Les mesures du PSE répondent bien aux différents besoins des salariés, entre ceux qui, inquiets de se retrouver sur le marché du travail, avaient exprimé le besoin d’être encadrés et accompagnés et ceux qui avaient d’autres projets (création d’entreprise, formation, etc.). Les premiers pourraient bénéficier d’un congé de reclassement et d’un accompagnement très poussé avec le cabinet Randstad (qui assure notamment le recrutement nécessaire aux prochains JO d’hiver, à Milan, en 2026). Les seconds pourraient partir réaliser leur rêve, tout en ayant au préalable validé la solidité de leur projet. « On ne voulait pas juste donner un chèque et que les gens partent dans la nature sans garantie que leur idée tenait la route », précise Solenn. De l’avis général, la bonne qualité de dialogue social avec la direction a été porteuse. La Charte sociale (signée avec les partenaires sociaux) et le cadre qu’elle a ainsi défini ont-ils constitué une sorte d’aiguillon ?

« Cette charte nous a été utile, au sein du Cojop, mais elle l’a surtout été pour notre environnement, dans nos relations avec les partenaires et sous-traitants, par exemple », souligne Antoine. « En interne, nous avions la volonté, partagée avec la direction, de mettre l’humain au cœur du projet. On avançait vraiment dans la même direction », ajoute Solenn. Cette attention portée aux salariés s’est également manifestée dans la préparation de l’après…

À propos de l'auteur

Emmanuelle Pirat
Journaliste

Un cycle de conférences (lors desquelles sont intervenus, entre autres, l’ancien directeur des ressources humaines des JO de Londres et une philosophe venue parler des étapes du deuil…) et de rencontres avec des partenaires (permettant éventuellement de poser des jalons dans l’optique de postuler chez eux…) a été mis en œuvre pour préparer les esprits à l’atterrissage, adoucir le choc du retour sur Terre après l’euphorie de l’aventure olympique et paralympique. « Ce que l’on a vécu était incroyable. C’est dur de vivre cette fin, de voir les gens partir, démonter les tribunes et les installations… Mais comme tout, à un moment, il faut que ça s’arrête, que l’on passe à autre chose », conclut Solenn. Passer à autre chose, certes, mais poursuivre l’engagement dans le syndicalisme ? La question reste posée. Pour l’heure, l’équipe CFDT a besoin de souffler un peu…