Extrait du magazine n°511
Chaque hiver, plusieurs milliers de saisonniers rejoignent les stations de ski pour prêter main-forte dans l’hôtellerie, la restauration, à l’entretien des pistes et dans d’autres secteurs clés du tourisme montagnard. La CFDT est là pour leur rappeler qu’en station aussi, leurs droits ne sont pas en vacances…

Le soleil se lève à peine sur Isola 2000, station de ski emblématique des Alpes-Maritimes, que déjà s’active tout le petit monde des restaurateurs, serveurs, skimans, vendeurs, pisteurs… Depuis l’ouverture de la saison d’hiver, le 7 décembre dernier, plus de 600 travailleurs saisonniers sont venus prêter main-forte.
« L’hiver, la station peut accueillir plus de 15 000 personnes par jour. Mais, à l’année, nous ne sommes pas plus de 200, explique ainsi un commerçant. Entre les remontées mécaniques, les pistes, les caisses… le plus gros employeur, c’est la société des remontées mécaniques des Cimes du Mercantour. Mais nous avons aussi besoin de renfort dans les restaurants, les supérettes. Dans le petit supermarché de la galerie marchande, le nombre de saisonniers peut monter jusqu’à 17 », poursuit-il.
Chaque année, les entreprises françaises ont recours à de la main-d’œuvre supplémentaire, dite saisonnière, pour pallier les absences ou un surcroît d’activité. Selon l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), en 2017, 2,5 millions de salariés ont travaillé comme saisonniers en France. Ils représentaient alors 11 % des salariés du privé.

Max est saisonnier depuis plus de quinze ans et vit à Isola à l’année. « C’est un choix, j’adore la montagne. Je ne me verrais pas vivre ailleurs », avoue-t-il. Mais son activité est dictée par le rythme de la station. « L’été, j’ai mon propre magasin de location de vélos ; l’hiver, je suis saisonnier chez Ski Pro. Je suis responsable de magasin. Nous sommes trois saisonniers en tout. Les deux autres viennent de Bretagne et de Nice. »

“C’est vrai que les conditions de travail sont plus difficiles en altitude. Il faut monter les livraisons, dégager la neige. Mais le salaire est pas mal et les heures supplémentaires sont bien payées. En plus, je suis logé et nourri… ”
En haut des pistes, Ali, la trentaine, déblaie la neige sur la terrasse d’un restaurant d’altitude avant l’arrivée des premiers clients. Il est venu en décembre 2024 pour « faire la saison ».
« J’habite sur la Côte mais je viens ici chaque hiver depuis dix ans. Le patron, Bastien, est un copain. On s’est connus lorsqu’il était saisonnier à La Plage, un restaurant de la Côte d’Azur. Le Schuss était le restaurant de son père. Il l’a repris il y a quelques années, avec son frère. Ici, c’est comme une famille. On passe de bons moments, on rigole, c’est pour ça que je reviens, explique-t-il. C’est vrai que les conditions de travail sont plus difficiles en altitude. Il faut monter les livraisons, dégager la neige. Mais le salaire est pas mal et les heures supplémentaires sont bien payées. En plus, je suis logé et nourri… »
Des difficultés à se loger
Le logement, en effet, est l’un des points les plus problématiques dans ce secteur d’activité. Un quart des saisonniers n’habitent pas la région où ils travaillent. Or, en saison, les prix des logements flambent dans les stations de ski. Ces dernières années, les employeurs n’ont eu d’autres choix que d’améliorer les conditions d’emploi. Le rapport de force a eu tendance à s’inverser.
« Lorsqu’on a des saisonniers sérieux, c’est important de les fidéliser et de les faire revenir d’une année sur l’autre car, depuis le Covid, les jeunes ne veulent plus travailler, raconte Jérôme, patron d’un restaurant au pied des pistes, passablement énervé. Ici, ils touchent 1 800 euros par mois, plus les pourboires et les primes, 10 centimes par couvert. Ce qui fait facilement 350 euros en plus chaque semaine. Et ils sont nourris, logés et blanchis puisque nous mettons gratuitement à leur disposition un lave-linge et un sèche-linge. »
Autre spécificité de l’emploi saisonnier, la durée des contrats, parfois très courts, et le temps de travail réduit obligent certains à cumuler plusieurs activités. Ainsi, selon l’Insee, un saisonnier occupe en moyenne 3,3 postes pendant l’année (contre 1,6 pour l’ensemble des salariés), et 20,9 % des saisonniers occupent plusieurs postes en même temps (contre 7,4 % pour l’ensemble des salariés).
Clara, 23 ans, fraîchement diplômée d’une école de mode, voulait « faire une année de coupure » après ses études. « J’ai la chance d’avoir pu signer un contrat à temps plein de six mois chez Skiset. Ma patronne a besoin de moi en continu pour accueillir les clients et surveiller le magasin. Mais, à l’atelier, mes collègues ont des contrats beaucoup plus courts. L’employeur adapte en fonction des besoins. Cette année, par exemple, ils ont peu travaillé avant Noël, car la neige n’était pas bonne », explique-t-elle.
Face à cette précarité, la CFDT se positionne comme un acteur majeur de la défense des droits des saisonniers. Elle organise toute l’année des actions militantes à destination de ces salariés. Le 23 janvier, une vingtaine de militants CFDT de la région se sont rendus à Isola 2000 pour les rencontrer et les informer de leurs droits.
« Pour beaucoup, les conditions de travail sont éprouvantes, les horaires atypiques, et les salaires modestes. Tous n’ont pas la chance d’être logés et nourris, même si les employeurs ont bien compris que pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre, ils doivent proposer des conditions de travail plus attractives. En outre, la durée des contrats saisonniers ne permet pas toujours de bénéficier de certains droits sociaux, comme la formation continue ou la couverture chômage pendant la période creuse. Nous sommes là pour leur rappeler qu’ils ont des droits et leur expliquer que la CFDT est là pour les aider à les faire valoir », précise Stéphane Mollet, responsable de la CFDT Provence-Alpes-Côte d’Azur.
L’application « Ma Saison »
Créée par la CFDT et accessible depuis l’espace adhérent, l’application pour smartphone « Ma Saison » donne accès : au guide pratique Saisonniers, qui comporte des informations sur le contrat de travail, la fin de contrat, les droits au chômage, la formation ou encore le droit au logement ; à toutes les informations, dates et lieux des actions et des évènements saisonniers organisés dans les régions par la CFDT ; à un espace leur permettant de contacter directement la CFDT et de poser leurs questions au sujet de leurs droits ; à un calendrier numérique et interactif « Note tes heures »,
utile au quotidien, notamment pour comptabiliser ses heures supplémentaires.