Trois semaines pour faire barrage au RN

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iconeExtrait de l’hebdo n°3924

Le Rassemblement national n’est pas un parti comme les autres. Pour la CFDT, cela ne fait aucun doute, et elle se mobilisera pendant les prochaines semaines pour l’empêcher d’accéder au pouvoir. Manifestations, tractages, débats avec les salariés et agents… Un seul message : votez !

Par Jérôme Citron— Publié le 18/06/2024 à 12h00

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© Syndheb

Passé la stupeur et la sidération, l’heure est à l’action afin d’empêcher le Rassemblement national d’arriver au pouvoir. Le 30 juin et le 7 juillet, il faudra convaincre un maximum de salariés de se rendre aux urnes pour éviter une catastrophe démocratique. « Nous sommes dans une forme d’urgence, explique Marylise Léon. Nous savions qu’il y avait un risque RN mais, comme beaucoup, nous pensions avoir un peu plus de temps pour y faire face et mener la bataille d’idées. Aujourd’hui, c’est aux abstentionnistes que nous devons nous adresser en priorité ; nous devons leur faire prendre conscience du danger que représente l’extrême droite au pouvoir pour le monde du travail et plus généralement pour la démocratie, nous devons les convaincre de se rendre aux urnes. »

La mobilisation de la société civile

Pas question de perdre une minute. Déjà à la manœuvre samedi dernier avec la CGT, la FSU et l’Unsa ainsi que les organisations du Pacte du pouvoir de vivre, la CFDT a porté ce message dans toutes les villes de France. Les militants orange ont répondu présents en un temps record afin d’organiser et de sécuriser des manifestations qui se sont déroulées dans le calme. Environ 650 000 personnes ont défilé à l’appel du monde du travail, et aucun gros débordement n’est à déplorer. Une première victoire.

En tête du cortège parisien, la secrétaire générale de la CFDT a rappelé l’importance de montrer la mobilisation de la société civile. « Il faut faire collectif contre une idéologie qui divise et discrimine. Nous ne sommes pas un parti politique et nous n’appelons pas à voter pour tel ou tel camp politique, mais le Rassemblement national n’est pas un parti comme les autres. Il doit être combattu car il représente une menace pour la démocratie. »

Dans les cortèges, le plaisir de se mobiliser concrètement ne masque pas les inquiétudes d’une population qui « peine à prendre conscience de ce qui est en train de se jouer », qui « ne veut pas y croire », qui ressent « une forme de colère à se retrouver dans cette situation ». Beaucoup s’inquiètent pour les générations futures, et beaucoup en veulent au président de la République d’avoir décidé de dissoudre l’Assemblée nationale. Les mots sont durs, la colère est présente parmi les manifestants – une colère à la hauteur du risque de voir Jordan Bardella devenir Premier ministre.

L’inquiétude des agents de la fonction publique

Présente à la manifestation parisienne, Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT Fonctions publiques, pointe « un risque démocratique jamais connu jusqu’à présent » et une période d’instabilité qui s’annonce, quel que soit le résultat des élections législatives. Cette situation est très mal vécue par beaucoup d’agents, particulièrement dans la haute fonction publique. « Ils craignent d’avoir un énorme conflit de loyauté et se demandent quelle conduite tenir », insiste Mylène Jacquot. Contrairement aux idées reçues, les fonctionnaires ne sont pas protégés par leur statut. Ils se doivent d’obéir aux ordres. La loi dispose que « l’agent public doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public ». Les deux conditions doivent être réunies – ce qui, en soi, n’a rien d’évident.

Lors de la manifestation parisienne du samedi 15 juin, Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT Fonctions publiques (au centre), et Catherine Nave-Bekthi, secrétaire générale de la CFDT Éducation Formation Recherche publiques.
Lors de la manifestation parisienne du samedi 15 juin, Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT Fonctions publiques (au centre), et Catherine Nave-Bekthi, secrétaire générale de la CFDT Éducation Formation Recherche publiques.© CFDT - DR

Cette inquiétude se retrouve également dans les salles de profs, même s’il est encore tôt pour analyser finement l’état d’esprit des enseignants… qui sont déjà extrêmement remontés par les réformes en cours. La profession vote traditionnellement moins à l’extrême droite, mais certaines barrières sont en train de tomber, constate Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale de la CFDT Éducation Formation Recherche publiques : « Nous devons insister sur le fait que l’arrivée au pouvoir du Rassemblement national serait une rupture, un changement de paradigme inacceptable car fondé sur la discrimination. Et même si les enseignants peuvent à juste titre avoir beaucoup de ressentiment envers le gouvernement et les politiques éducatives qu’il a mises en place ces dernières années, nous devons répéter que nous ne mettons pas de signe égal entre la majorité présidentielle et le Rassemblement national. »

Divers outils diffusés par la CFDT

Cette colère du monde du travail, cette confusion, Laure Lamoureux, de la Fédération Chimie-Énergie, la constate aussi, surtout depuis la réforme des retraites et la loi immigration. « Je suis inquiète pour le syndicalisme, qui va se retrouver en première ligne en cas de victoire de l’extrême droite », affirme-t-elle. Il est vrai que le Rassemblement national n’a jamais caché son peu de considération pour les corps intermédiaires. Même s’il n’est pas toujours évident d’aller à la rencontre des collègues et d’aborder la question de l’extrême droite, des opérations de tractage commencent à se mettre en place un peu partout en France. Sur son site internet, la Confédération met à disposition une série de tracts et d’argumentaires. Les associations s’organisent aussi de leur côté, de même que le monde du sport, de la culture et même des réseaux sociaux. La dynamique commence à peine.

À propos de l'auteur

Jérôme Citron
rédacteur en chef adjoint de CFDT Magazine

Si la perception du Rassemblement national a nettement changé dans la population depuis 2002 et l’arrivée, pour la première fois, de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle, cela ne signifie pas que les fondamentaux de l’extrême droite, eux, ont changé. La rhétorique anti-immigrés et la volonté affichée d’en faire les responsables de tous les maux de la société sont constantes. Tout comme est constant le fait d’attiser les peurs (peur du grand remplacement, peur du déclassement, peur des agressions) et de promettre des solutions autoritaires, aussi radicales que simplistes. Autant de raisons de se mobiliser jusqu’au 7 juillet. Rien n’est encore joué.

“Prendre sa part”

Depuis le 11 juin, les organisations du Pacte du pouvoir de vivre appellent à se mobiliser partout dans les territoires et les entreprises pour faire barrage à l’extrême droite. Le collectif du Pacte compte 62 organisations, près de 40 groupes locaux et rassemble maintenant des centaines de milliers de personnes de la société civile organisée. Chacun et chacune peut, dans ces quelques jours qui précèdent les élections législatives, se mobiliser pour faire voter les 30 juin et 7 juillet prochains contre l’extrême droite. C’est le sens de l’appel publié le 11 juin dernier : « Parce que les conséquences de ces élections peuvent être dramatiques pour notre démocratie, nos libertés associatives et publiques, notre capacité à faire face au défi climatique, pour le maintien de nos protections sociales […]. Cet engagement est précieux, salutaire et porteur d’espoir. » Plus que jamais, le Pacte du pouvoir de vivre propose aux groupes locaux répartis sur le territoire d’être un « trait d’union entre les réalités vécues de nos concitoyens et l’action politique ». À eux de relayer le plus possible cet appel auprès des partis politiques et des élus locaux en leur demandant de prendre leur responsabilité en faveur des forces républicaines.

Prendre sa part, c’est aussi prendre le temps d’organiser des discussions dans les territoires, avec les structures de la CFDT, y compris les sections d’entreprise, et de montrer qu’il existe des solutions « pour rendre le quotidien plus juste et plus digne ». C’est aussi multiplier les temps d’échanges, qu’ils soient en présentiel, en visio ou sur la plateforme « Je participe » de la CFDT… C’est enfin, pour ceux qui le souhaitent, se manifester et s’engager avec le collectif via l’onglet « Nous rejoindre » sur le site du Pacte.

Claire Nillus