La culture syndicale n’est pas monnaie courante dans le monde de l’expertise comptable. Au fil des accords, dont le plus récent porte sur le comité social et économique (CSE), la CFDT a imposé son rythme au dialogue social.

« On a limité la casse ! » C’est ainsi qu’Isabelle Liber, déléguée syndicale, résume la transformation des instances représentatives du personnel (IRP) chez KPMG. L’entreprise est l’un des big four (quatre grands) qui règnent sur le marché de l’audit et du conseil en France. Près de 10 000 salariés, 220 implantations directement rattachées au siège à la Défense : la structure tentaculaire de KPMG ne facilite pas le travail syndical. « L’éloignement constitue un frein, c’est même l’une des difficultés majeures du fonctionnement de notre section, note Isabelle. Nous sommes tous devenus des pros de la téléconférence ! » Il n’est donc pas particulièrement étonnant que les élus CFDT aient eu à l’esprit cet enjeu de proximité au moment de négocier les modalités de mise en place du CSE l’an dernier. « Nous avions rédigé un projet d’accord de dialogue social, se remémore la déléguée syndicale. Il n’a pas été retenu car la direction tenait à ce que la discussion se déroule à partir de son propre texte. Peu importe, ce travail nous a permis de nous mettre au clair sur nos priorités et d’être mieux armés pour amender les propositions de la direction. »
Des délégués de proximité dotés de moyens
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Au final, l’accord signé en mai 2019 prévoit la désignation de 55 délégués de proximité (DP), élus au prorata de la représentativité de chaque organisation, la CFE-CGC et la CFTC étant également présentes. L’existence de ces DP est un acquis CFDT, tient à rappeler Isabelle. Mieux, des moyens supplémentaires ont été accordés vu la dissémination des lieux de travail. « Dans l’ancien système, les délégués du personnel étaient élus localement par les salariés, mais il y avait carence dans la grande majorité des sites. Les DP étaient limités en temps et en moyens et n’avaient pas la possibilité de rayonner, explique Isabelle. La situation actuelle est plus favorable aux délégués de proximité, nous avons obtenu quinze heures de délégation, hors temps de transport, et la prise en charge de leurs frais de déplacement par le cabinet. Rien n’était gagné d’avance, il a fallu y aller au forceps ! » On peut compter sur la détermination d’Isabelle, dont le premier fait d’armes en tant que déléguée syndicale fut d’imposer à la direction de reformuler son rapport d’activité, qui n’était pas assez documenté sur l’égalité professionnelle. « J’étais hôtesse d’accueil, autant dire que je n’étais rien aux yeux des dirigeants, se souvient-elle. Au moment de prendre la parole, j’avais les mains qui tremblaient… »
Les élus CFDT tournent sur les différents postes
Aujourd’hui, le dialogue social est soutenu mais le rapport de force reste déterminant pour obtenir des avancées. La désignation des délégués de proximité en est un bon exemple, et la CFDT compte bien user de stratégie face à la direction. « KPMG a verrouillé les critères de désignation des DP, de sorte que nous devons donner la priorité à un titulaire du CSE, à défaut à un suppléant. Si ce n’est pas possible, le mandat peut être attribué à un DP sortant, explique la DS. Or les ordonnances Macron disent qu’au bout d’une période de douze ans, un DP ne peut pas se présenter à un quatrième mandat ; la solution est donc de faire tourner les élus sur les différents postes pour ne pas risquer une vacance aux postes de DP et CSE dans douze ans. Cela signifie pour nous tous d’oublier les intérêts individuels afin de laisser la place aux intérêts collectifs. » Ce remue-ménage des instances suppose aussi une montée en compétences de tous les jeunes élus. Syndiquer, fidéliser, accompagner les militants, les former : une tâche sans fin. « La difficulté est accentuée par un turnover élevé dans notre activité, explique Carole Cappe, élue CSE. Les jeunes diplômés restent deux ou trois ans avant d’être recrutés par un client ou un concurrent. »
La plupart des droits du CHSCT conservés
L’autre écueil évité lors du passage au CSE était le risque de déperdition des compétences de l’ex-CHSCT. « La suppression des CHSCT est une aberration, juge…