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Extrait de l'hebdo n°3962
La section CFDT de l’université de Tours propose un plan et 68 actions pour construire l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. La lutte contre les discriminations et les violences sexistes et sexuelles y occupe une place à part.

L’université de Tours a connu, au cours des cinq dernières années, de véritables traumatismes. Mise en cause à plusieurs reprises pour agressions sexuelles et agissements sexistes, la faculté de médecine a fait récemment l’objet d’une nouvelle enquête de la part de l’IGÉSR1. Les conclusions rendues publiques le 7 mars dernier sont accablantes. Diligentée après une soirée d’intégration d’étudiants en médecine qui avaient affiché une banderole sexiste, l’enquête a révélé des pratiques régulières de violences sexistes et sexuelles et de bizutage, des actes dégradants et humiliants et des rapports sexuels non consentis. « Les faits dénoncés par l’enquête remontent à 2023 mais ils s’inscrivent dans un ensemble plus vaste de comportements répréhensibles depuis plusieurs années », affirme Benoît Wolf, coordinateur de la section syndicale CFDT.
De fait, avant même l’affaire de la banderole, un ancien président a été condamné, il y a quelques années, pour harcèlement moral et sexiste. Un autre directeur a dû démissionner après la révélation de propos sexistes dénoncés par un média alternatif… En 2020, l’université a été prise en défaut pour avoir permis à un étudiant de poursuivre ses études dans une autre ville en dépit de cinq plaintes déposées contre lui pour agressions sexuelles… « Beaucoup de signaux, donc, mais souvent étouffés dans un établissement où l’on compte 60 % de filles, y compris en médecine. Si elles refusent de se faire bizuter, elles risquent d’être mises à part, discriminées dans leur recherche de stage, etc. C’est très difficile pour elles », explique la section CFDT. Des dysfonctionnements existent aussi dans les autres services, composantes et unités, entre agents et salariés, entre les encadrants et leurs étudiantes. Le problème semble systémique.
Sortir d’un plan égalité sans perspectives
L’université de Tours compte 26 000 étudiants, 1 489 enseignants et enseignants-chercheurs et 1 199 personnels et contractuels. La CFDT y est l’organisation syndicale majoritaire depuis la mise en place des commissions techniques paritaires (CTP). Depuis cinq ans, elle se mobilise pleinement en faveur de l’égalité femmes-hommes et de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles « au nom des valeurs de la CFDT » et parce que les mesures proposées par la direction ne sont pas jugées à la hauteur.
Si le premier plan égalité (2021-2024) de l’établissement permettait quelques avancées, il est très vite apparu en deçà des enjeux autour de l’égalité professionnelle, de la lutte contre les stéréotypes et contre les violences sexistes et sexuelles. Le deuxième plan (2025-2028), quant à lui, n’était qu’une pâle copie du précédent, sans changements significatifs. Ainsi, la section n’a pas du tout été convaincue par son contenu. « Les adhérents exprimaient même une certaine colère », se souvient Benoît.
Certes, la direction a mis en place un réseau de référents égalité, sur la base du volontariat, et la parole a commencé à se libérer. « Seulement, on ne sait pas comment sont traités les signalements. Que deviennent les plaintes ? On ne sait pas. Donc cela ne règle rien. Pire, cela crée parfois des tensions puisqu’on ignore qui va recevoir cette parole. Le fait que ce soient des personnes en interne est un souci. Nous voulons que les conflits soient gérés par des professionnels, extérieurs à l’établissement. »
Dix-huit mesures consacrées aux VSS
Il y a quelques semaines, lorsque la direction a présenté son nouveau plan égalité, la section lui a clairement signifié qu’elle s’y opposerait et boycotterait le CSA2. Dans le même temps, elle lui a remis son propre plan avec 68 propositions « pour construire l’égalité réelle », déclinées en sept axes.
À elle seule, la partie consacrée aux violences sexuelles et sexistes (VSS) contient une vingtaine de mesures. Parmi celles-ci, la CFDT demande tout d’abord de clarifier les modalités de traitement des situations de sexisme, de harcèlement ou d’agression sexuelle et de délocaliser les possibilités de signalement. Elle propose notamment d’intégrer les VSS comme un risque « à part entière » dans le Duerp3 et de déployer un grand plan de sensibilisation et de formation pour tous les personnels et les étudiants.
Un autre axe met l’accent sur la santé des femmes au travail, comme cela est préconisé par le plan interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2023-2027. La section CFDT souhaite que ce plan national soit décliné au niveau de l’établissement et recommande, entre autres, de mieux accompagner les femmes qui reviennent de congé maternité. Elle a aussi fait émerger la question du congé menstruel, de l’endométriose et de la ménopause, pour laquelle un groupe de travail spécifique va être créé.
Les deux tiers des mesures reprises par la direction
Dans l’ensemble, l’apport de la CFDT a fait progresser tous azimuts le plan égalité de la direction. Il a permis d’impulser une méthode, un calendrier de travail et une clause de revoyure. Finalement, les deux tiers des propositions ont été reprises par la direction de l’université de Tours, qui présentera ce plan étoffé le 24 avril au CSA et le 5 mai au conseil d’administration. « Nous avons travaillé sur ce document de manière collégiale, comme nous le faisons toujours pour préparer nos réunions d’instance. Nous sommes répartis sur cinq sites et nous organisons pour cela des “cafés syndicaux” thématiques sur Teams », explique Benoît.
Dans ces cafés virtuels, adhérents et sympathisants sont les bienvenus. « Sur ce sujet, j’ai été surpris par le nombre de collègues impliqués, note-t-il. D’une manière générale, notre force est d’associer tout le monde, personnes syndiquées ou non, à nos groupes de travail. Redonner le pouvoir aux salariés, c’était une de nos promesses de campagne. » La démarche fait ses preuves. Un nouveau groupe de travail est déjà lancé en ce qui concerne la qualité de vie et les conditions de travail, autre point faible de l’établissement. « C’est encore beaucoup de travail en perspective mais la direction nous respecte pour cela ! »