Résister à la pression

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icone Extrait de l'hebdo n°3939

Chez Bureau Veritas, entreprise spécialisée dans l’inspection, l’audit et la certification, la CFDT s’attache à défendre de meilleures conditions de travail pour des salariés sous pression. Rémunérations, temps de travail, contraintes de déplacement liées aux métiers des inspecteurs sur le terrain : la section est sur tous les fronts !

Par Emmanuelle PiratPublié le 29/10/2024 à 13h00

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© Bureau Veritas - https://www.bureauveritas.fr/

Les salariés de Bureau Veritas ne risquent pas de sombrer dans la routine. Le rôle des inspecteurs de cette entreprise comptant 6 700 salariés (répartis dans toute la France) est de vérifier la conformité des installations chez les clients. « Nous intervenons partout, quels que soient les secteurs concernés : du salon de coiffure au kebab, de l’église du village aux écoles et universités, en passant par toutes sortes d’installations industrielles », explique Rémy Lucas, 44 ans, chargé d’affaires à Besançon (Doubs / Bourgogne-Franche-Comté) et délégué syndical CFDT. La liste des domaines d’intervention de ces experts se révèle immense : contrôle et vérification des normes de sécurité (sécurité incendie, sécurité des machines, des appareils de levage, des installations électriques, etc.), recherche d’amiante et de plomb dans les bâtiments, mesurage de la pollution de l’air ou de l’eau…

« Aujourd’hui, on entend beaucoup de gens râler contre l’excès de normes, et des politiciens se targuent de vouloir simplifier ce qu’ils appellent des normes inutiles, s’agace ce professionnel qui travaille depuis vingt ans chez Bureau Veritas. Alors que ces normes sont utiles, voire indispensables au quotidien des Français : qui voudrait conduire un véhicule équipé de plaquettes de frein non conformes ? Qui voudrait vivre dans une maison ayant des fondations non conformes ? Qui voudrait habiter à côté d’une usine dont les rejets atmosphériques dépassent les normes en vigueur ? »

Une incessante recherche de rentabilité

S’ils défendent résolument l’importance de leurs missions, les salariés de Bureau Veritas aimeraient pouvoir exercer celles-ci dans de meilleures conditions. Mais dans cette entreprise, les contraintes sont fortes, et la pression est soutenue, témoignent les élus CFDT. « Bureau Veritas est dans une recherche incessante de rentabilité. Nous sommes sous pression », dénonce Rémy. Cela passe notamment par une chasse perpétuelle aux temps prétendument perdus, que ce soit dans le cadre des interventions chez les clients, des temps de trajet ou du temps consacré à la préparation du matériel avant les tournées. À ce sujet, d’ailleurs, le projet de logiciel visant à rationaliser davantage les tournées des techniciens et inspecteurs inquiète fortement les élus. « Le risque sur la santé et la sécurité des salariés est en jeu », estime la section CFDT.

Les salariés sédentaires, qui occupent les postes administratifs en back-office ou en relation client, ne sont pas épargnés par la politique de réduction des coûts : entre la réduction des effectifs (départs en retraite non remplacés, CDD non transformés…) et les réorganisations à répétition, les signes d’épuisement des salariés se multiplient et alertent évidemment les élus. « Nous sommes un peu comme des oranges : à un moment, vous avez beau changer le presse-agrume, s’il n’y a plus de jus, y a plus d’jus ! », déplore Rémy.

Une spécificité des métiers à mieux prendre en compte

En outre, le quotidien des inspecteurs s’avère fortement contraint par la pression due au risque juridique. En effet, les inspecteurs sont pénalement responsables d’éventuelles erreurs dans les rapports de vérification qu’ils rédigent. À cela, il faut ajouter la fatigue et la tension liées aux déplacements. « 80 % des salariés de Bureau Veritas sont des itinérants. Nous travaillons toute la journée en déplacement chez nos clients, et les zones géographiques que nous devons couvrir sont souvent immenses », précise Rémy. Les nouvelles réglementations – liées aux zones à faibles émissions (ZFE), aux limitations de la vitesse sur les routes ou dans les agglomérations, la suppression des places de stationnement, etc. – constituent autant de contraintes qui compliquent leurs déplacements.

Sans vouloir remettre en question « les politiques environnementales ou la sécurité routière, qui sont de plus en plus sévères », les élus souhaiteraient une meilleure prise en compte de la spécificité de leurs métiers. « Nous devons accéder à nos clients avec le véhicule de l’entreprise, nous n’avons pas le choix. Les politiques de mobilité devraient mieux tenir compte des problématiques des itinérants, par exemple avec un système de laissez-passer », précise Rémy. Tout cela mis bout à bout, son constat est sans appel : « Les conditions de travail se sont énormément dégradées. Nous avons multiplié les procédures de droit d’alerte ou de danger grave et imminent. »

“Un dialogue social compliqué”

Deuxième organisation syndicale de l’entreprise avec 27 % des suffrages aux dernières élections professionnelles (derrière FO, à 34 %, mais devant la CFE-CGC, à 24 %, et la CGT, à 17 %), la CFDT déploie beaucoup d’efforts et d’énergie pour exister malgré « un dialogue social compliqué ». Pourtant, ils ne lâchent rien, en particulier au sujet des rémunérations et du temps de travail, deux priorités de leur action syndicale. « Alors que Bureau Veritas réalise des bénéfices record, les salariés ont perdu en pouvoir d’achat. Depuis 2020, nous n’avons eu qu’une seule augmentation générale, de 3,5 %. Les augmentations de salaire sont inférieures à l’inflation, ce n’est pas normal », plaide Rémy.

Régulièrement, l’équipe CFDT réussit à arracher quelques victoires : ici, le maintien de sites que la direction voulait fermer ; là, le coup de frein à un projet de logiciel de géolocalisation jugé trop intrusif… « Nous bataillons depuis des mois afin que l’outil soit réadapté et développé pour les personnes utilisatrices et qu’il ne mette pas en souffrance des centaines de salariés, une fois qu’il est lancé », explique un membre de la section syndicale.

À propos de l'auteur

Emmanuelle Pirat
Journaliste

Dans la perspective des prochaines élections professionnelles, qui auront lieu d’ici à quelques jours chez Bureau Veritas Exploitation, la principale filiale, l’équipe CFDT espère convaincre les salariés de leur accorder leur confiance, « non seulement pour obtenir des choses concrètes, mais aussi et surtout pour faire reculer la direction lorsqu’elle prend de mauvaises décisions », conclut Rémy.

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