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Une crise… et des innovations
Alors que la crise du logement renforce les tensions sur le marché du travail, des entreprises innovent pour loger leurs salariés. Une démarche à la fois sociale et stratégique qui a fait ses preuves. Reportage dans le Morbihan, à La Bergerie Yves Rocher, un lieu pionnier en la matière.

À La Gacilly (Morbihan), Yves Rocher a toujours fait partie intégrante du paysage. Pas étonnant, dès lors, que La Bergerie Yves Rocher, dernière-née de la « famille Rocher », se soit fait un nom. Perché depuis deux ans sur les hauteurs du bourg, cet « Orni » (objet rural non identifié) est le premier du genre en France. Cofinancé par Action Logement, ce tiers-lieu est le moyen qu’a trouvé l’entreprise de répondre à la pénurie de logements et ainsi d’attirer des salariés. Chaque année, les entreprises du territoire recrutent en effet plus de 300 jeunes, souvent en contrats courts. Mais l’offre de logements adaptés à ce type de contrats temporaires, elle, ne suit pas… les bailleurs préférant louer à l’année.
L’ancien Ehpad qui trônait sur ces terres a donc été réhabilité et transformé en 27 studios équipés et meublés afin d’accueillir les travailleurs saisonniers et jeunes en apprentissage des alentours. Une occasion inespérée pour Bastien, 21 ans, qui y a séjourné pendant plusieurs semaines en 2023 : « Ici, je louais mon studio environ 90 euros la semaine. Il y a un micro-ondes dans la chambre et un accès à une cuisine commune, une lingerie et un espace de vie où on peut croiser tout un tas de jeunes. Jamais je n’aurais pu me loger autrement, ou alors dans un taudis. »
Comme Bastien, 450 jeunes travailleurs ont élu domicile à La Bergerie depuis son ouverture, en juillet 2022. Souvent pour quelques semaines, parfois pour quelques mois. En haute saison, la rotation atteint 95 %. Une bonne chose. Car contrairement au turnover des entreprises, une forte mobilité est ici un indicateur de l’utilité du dispositif. En basse saison, les profils qui y séjournent sont des stagiaires et des alternants, pour l’immense majorité des cas. L’été venu, c’est au tour des saisonniers embauchés dans la restauration ou les structures touristiques d’occuper les lieux.
Le succès de ce que certains appellent désormais « le mouton à cinq pattes » ferait-il des émules ? « À l’époque, La Bergerie était le premier projet porté par une entreprise dans le cadre de notre programme Innovation, admet Action Logement. Un beau projet qui ne rentrait dans aucune case. Le bouche-à-oreille semble avoir fonctionné. Depuis l’année dernière, ce genre de projet se multiplie dans les dossiers que nous recevons. De plus en plus d’entreprises disent avoir du foncier, un terrain sur lequel elles aimeraient construire des logements pour leurs salariés. »
De la même manière, de plus en plus de collectivités décident d’investir dans des « résidences relais » ou de transformer des chambres d’hôtel en studios avant de les louer à des entreprises locales. Le début d’une collaboration stratégique pour sortir par le haut de la crise du logement que connaissent les salariés ?