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Extrait de l'hebdo n°3954
Selon le baromètre de la Fédération des associations générales étudiantes (Fage) publié le 19 février, un nombre croissant d’étudiants doivent sacrifier des postes de dépenses comme la nourriture et la santé, sans qu’aucune aide ne leur soit apportée.
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Le constat est inquiétant. Selon le dernier baromètre de la précarité étudiante, publié le 19 février par la Fédération des associations générales étudiantes, 66 % des étudiants sautent des repas toutes les semaines, dont 86 % par manque d’argent. D’après cette étude menée entre février et décembre 2024 auprès de 825 étudiants bénéficiaires des AGORAé (les épiceries sociales et solidaires de la Fage), l’alimentation est devenue « une variable d’ajustement budgétaire » subie par de nombreux étudiants. Et elle n’est pas la seule puisque 40 % des sondés ont également dû renoncer à des soins, dont près de la moitié pour des raisons financières. Ce choix contraint a un impact sur la santé physique et mentale des étudiants. Les répondants évaluent leur état de santé à 6,8 sur 10 en moyenne ; le niveau d’anxiété déclaré atteint, quant à lui, 6,7 sur 10.
Des arbitrages difficiles entre étudier, se nourrir et se soigner
« Ces chiffres révèlent les arbitrages impossibles auxquels sont confrontés de trop nombreux jeunes, contraints parfois de choisir entre étudier et se nourrir ou se soigner. Nous lançons un cri d’alerte face à la hausse alarmante du nombre de jeunes dépendant de l’aide alimentaire », interpelle la Fage. Ces constats, malheureusement, la CFDT les partage. « Concernant l’alimentation, cela fait longtemps que nous sommes en contact avec des jeunes étudiants qui nous indiquent effectivement ne pas manger tous les jours à leur faim. C’est pourquoi certaines de nos structures CFDT organisent des actions de solidarité au sein des universités. Les militants collectent dans des supermarchés des denrées alimentaires et les distribuent aux étudiants. Nous alertons régulièrement les pouvoirs publics sur ce problème », explique Marie Bretonnière, secrétaire confédérale chargée du dossier jeunes à la CFDT.
À propos de la santé des jeunes, même constat : « Nos enquêtes internes montrent que les jeunes en précarité ne se soignent pas, notamment parce qu’ils n’ont pas les moyens d’avancer les frais. La crise sanitaire a aggravé cette situation, entraînant une hausse préoccupante des troubles psychologiques parmi des jeunes qui ne trouvent pas forcément de réponses aux problèmes qu’ils soulèvent. Dans certaines régions, ils doivent parfois attendre plus d’un an avant de pouvoir accéder à des structures de soins en santé mentale », poursuit Marie Bretonnière.
Un système de bourses défaillant
Alors qu’ils semblent particulièrement vulnérables, 63 % de ces jeunes ne touchent aucune bourse afin de poursuivre leurs études, indique la Fage. D’ailleurs, 58 % d’entre eux n’y sont même pas éligibles. Seulement 30 % des bénéficiaires interrogés sont boursiers sur critères sociaux. Conséquence, une telle situation de précarité chronique contraint 42 % de cette population à se salarier afin de financer ses études. « Pour 87,5 % des bénéficiaires qui ont un emploi étudiant, le recours au salariat n’est pas un choix mais une nécessité absolue pour couvrir leurs besoins », rappelle la Fage.
« Il devient urgent que le gouvernement engage une réforme en profondeur de notre système d’aides. Celui-ci doit devenir un véritable rempart contre les vulnérabilités sociales qui frappent la jeunesse aujourd’hui », pointe le premier syndicat étudiant de France. D’autant que cette situation nuit fortement à la poursuite d’études. « Toutes les enquêtes montrent un lien de causalité entre le nombre d’heures de travail et les échecs et abandons d’études, ainsi qu’une augmentation du taux d’endettement de ces jeunes, souligne Marie Bretonnière. L’émancipation et la responsabilité passent par une autonomie financière, et la CFDT demande de longue date, à l’instar de la Fage, une réforme systémique des bourses incluant leur revalorisation, la révision des règles d’attribution et l’engagement d’une réflexion sur la base des ressources, notamment pour les jeunes en rupture. »