Pourquoi un nouveau préavis de grève à la SNCF ?

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iconeExtrait de l’hebdo n°3942

Les quatre organisations syndicales de la SNCF ont déposé un préavis de grève portant sur deux dates, le 21 novembre puis le 11 décembre. Dénonçant des choix contraires aux objectifs de transition écologique et à l’intérêt général, elles alertent sur l’urgence de négocier d’ici au 1er janvier 2025.

Par Claire Nillus— Publié le 19/11/2024 à 13h00

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© François Henry/RÉA

Le préavis déposé le 9 novembre dernier par les quatre syndicats représentatifs des cheminots (CGT, Unsa, SUD-Rail et CFDT) porte sur trois points critiques : la liquidation de Fret SNCF au 1er janvier 2025 ; l’ouverture à la concurrence des TER, Transilien et Intercité en l’absence de garanties sociales suffisantes pour les cheminots qui vont être transférés dès l’année prochaine ; la question cruciale des moyens financiers nécessaires à la maintenance et au développement du réseau.

Liquidation de Fret SNCF

Alors que le ferroviaire est une réponse évidente à la décarbonation de nos modes de transport, « le choix du gouvernement de liquider la société filiale de la SNCF, Fret SNCF, est celui du pire en matière industrielle, sociale et économique », alerte la CFDT Cheminots. La décision de liquider cette société pour en créer deux nouvelles fait suite à l’enquête lancée par la précédente Commission européenne sur des aides que la SNCF aurait versées à Fret SNCF. « Avant même le résultat de l’enquête, le gouvernement a mis en place un “plan de discontinuité” qui la court-circuite et empêche qu’elle aboutisse, ce que nous dénonçons, explique le secrétaire général de la CFDT Cheminots, Thomas Cavel. La prochaine Commission, qui sera mise en place au 1er janvier 2025, décidera-t-elle de la poursuivre ? Rien n’est sûr. » En effet, jusqu’à présent, la Commission européenne a considéré que ces aides avaient été attribuées au détriment de sociétés concurrentes – or il s’agit d’aides de la SNCF à l’une de ses filiales, ce qui, en soi, ne constitue pas un abus sinon une stratégie de groupe. Il faut rappeler que depuis la réforme ferroviaire de 2018, la SNCF est un groupe composé de cinq sociétés anonymes (la société mère SNCF, SNCF Réseau, SNCF Gares & Connexions, SNCF Voyageurs et Fret SNCF).

« La liquidation de Fret SNCF sera suivie de la création de deux sociétés privées [Hexafret et Technis] qui n’ont pas le droit d’aller chercher des marchés sur 23 flux de marchandises pendant dix ans, précise Thomas Cavel. Cela entraîne la suppression de 10 % des agents (environ 500 personnes) et un report modal inévitable sur le transport routier. Car les autres entreprises de fret ne sont pas préparées à absorber ces flux. À moins de pouvoir se doter en un temps record de plus de trains et de conducteurs, elles seront contraintes d’abandonner des flux qui seront transportés par camions. »

Le timing pose également problème. La liquidation, annoncée le 23 octobre dernier, se produit sur une durée bien trop courte pour définir de façon satisfaisante le cadre social dans lequel se trouveront les salariés qui vont être transférés. Les organisations syndicales demandent donc un moratoire afin de pouvoir traiter la question du fret.

Le rail, un bien commun

« Nous savions que ce préavis serait mal accueilli. Les grèves à Noël, ce n’est pas une habitude des cheminots, encore moins un souhait de la CFDT Cheminots ! Ce n’est pas nous qui avons pris cette décision en date du 23 octobre. Nous tirons l’alarme sociale dès maintenant et alertons sur l’impérieuse nécessité de négocier avant les grands départs ; il y a urgence ! », insiste Thomas Cavel.

L’autre sujet brûlant concerne le transfert des cheminots en fin d’année dans des conditions sociales qui ne sont pas encore fixées dans les régions Paca, Pays de la Loire et Hauts-de-France, où d’autres sociétés ont remporté des appels d’offres. Si l’ouverture à la concurrence a été entérinée par la loi en 2018, aucun accord de groupe n’a encore été trouvé en matière d’organisation du temps de travail et de rémunération. Les agents ne savent donc pas quelles seront leurs conditions de travail en 2025…

À propos de l'auteur

Claire Nillus
Journaliste

« En quoi cette ouverture à la concurrence va-t-elle permettre un service de qualité pour les voyageurs ? », interroge enfin la CFDT Cheminots. Actuellement, Trenitalia et Renfe paient un droit de péage mais ne contribuent ni à l’entretien ni au développement du réseau français. Or, sans financement suffisant, il s’avère difficile d’imaginer, quel que soit l’opérateur, que les choses s’amélioreront. Il y a deux ans, le gouvernement d’Élisabeth Borne avait acté le fait qu’il fallait 100 milliards d’euros d’ici à 2040 pour l’entretien du réseau. « Beaucoup de mots mais pas d’euros, déplore Thomas Cavel. Pourtant, il y va de l’intérêt des usagers. Notre mobilisation est une alarme pour l’intérêt collectif. »