CDD multi-remplacement : un faible taux de recours et beaucoup de questions en suspens

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icone Extrait de l'hebdo n°3958

Le rapport de la Direction générale du travail, présenté le 17 mars aux partenaires sociaux, tire un bilan globalement positif du dispositif expérimental créé en 2018. L’avis des organisations syndicales est nettement plus mitigé.

Par Anne-Sophie BallePublié le 25/03/2025 à 13h00

Une majorité de CDD multi-remplacements sont conclus dans les secteurs du médico-social et du soin (ici dans un Ehpad de Normandie).
Une majorité de CDD multi-remplacements sont conclus dans les secteurs du médico-social et du soin (ici dans un Ehpad de Normandie).© Benoît Decout/RÉA

L’expérimentation du CDD multi-remplacement touche bientôt à sa fin. Issu de la loi Pénicaud de 2018, le dispositif offrant aux entreprises la possibilité de conclure un contrat afin de pallier plusieurs absences (consécutivement ou simultanément) avait été expérimenté une première fois en 2019 avant d’être suspendu par la crise Covid. Reconduite en avril 2023 pour une période de deux ans sur un champ plus vaste (68 branches étaient alors ciblées contre 11 lors de la première phase), l’expérimentation a fait la semaine dernière l’objet d’un rapport d’évaluation présenté aux partenaires sociaux.

« Au vu des données collectées par le ministère, il paraît bien difficile d’évaluer la pertinence du dispositif », résume la CFDT, qui assistait, comme les autres organisations syndicales et patronales, à la présentation du rapport. La DGT, de son côté, ne dit pas autre chose : « Le bilan sur l’atteinte de ces objectifs est complexe à réaliser en raison du manque de fiabilité et d’exhaustivité des données. » Ce qui ne l’empêche pas d’en tirer un bilan « plutôt positif au regard des objectifs assignés par la loi », au point d’envisager « une pérennisation de celui-ci, en tenant compte des limites observées lors de l’expérimentation », avance le rapport. De quels objectifs parle-t-on ? Avec la création de ce dispositif, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel visait, d’une part, à limiter le recours aux contrats courts, et donc à allonger la durée des contrats ; d’autre part, à tempérer les effets du bonus-malus dans les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre.

Chaque année, 15 000 contrats sur 20 millions de CDD

De ce point de vue, il semblerait que le CDD multi-remplacement ait permis une légère augmentation de la durée de contrat, passant de trente à quarante jours en moyenne… soit treize jours de plus qu’un CDD de remplacement classique. Les secteurs les plus consommateurs de ce type de contrat sont, sans surprise, ceux du médico-social et du soin, qui concentrent à eux deux les deux tiers des CDD multi-remplacements conclus entre avril 2023 et août 2024. « On parle ici de 15 000 contrats1 sur un total de 20 millions de CDD signés chaque année, et qui sont utilisés à plus de 60 % dans le cadre d’absences programmées (du style congés d’été). Ce n’est pas cela qui va résorber la précarité des salariés ni résoudre les problèmes de flexibilité de certains secteurs », développe Chantal Richard, secrétaire confédérale.

Du point de vue des entreprises, le CDD multi-remplacement est globalement perçu comme un dispositif adapté aux besoins des employeurs. Côté syndical, en revanche, il en va tout autrement. « Nous rappelons quand même aux employeurs que le CDD multi-remplacement devait ouvrir la voie à des négociations de branche sur les contrats courts. Or aucune d’elles ne s’est emparée du sujet. »

Une généralisation prochaine ?

À propos de l'auteur

Anne-Sophie Balle
Rédactrice en chef adjointe de Syndicalisme Hebdo

Quelles sont les prochaines étapes ? Alors que les organisations syndicales se sont toutes exprimées contre l’idée d’une généralisation, le dispositif pourrait être pérennisé, mais dans un périmètre plus restreint : les remplacements multiples ne seraient ainsi désormais possibles que pour des emplois présentant les mêmes caractéristiques fondamentales (profession, lieu de travail, statut du salarié…). Le ministère réfléchit actuellement à proposer sa généralisation via un amendement dans le cadre du projet de loi simplification, de manière à ne pas entraîner de rupture avec la fin du dispositif, prévue le 13 avril prochain.