Pour une égalité des droits

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1964 - 2024 : 60 ans

À partir des années 1970, la CFDT va s’engager auprès des travailleurs immigrés, de plus en plus nombreux dans les usines. Daniel Richter, qui fut délégué syndical central à Renault-Flins, est le témoin de cet engagement qui se poursuivra auprès des travailleurs sans papiers.

Par Nicolas Ballot— Publié le 01/11/2024 à 10h05

Daniel Richter fut délégué syndical central 
à Renault-Flins, est témoin 
de l’engagement de la CFDT auprès des travailleurs migrants/exilés dans les années 70, et qui se poursuivra auprès des travailleurs sans papiers.
Daniel Richter fut délégué syndical central à Renault-Flins, est témoin de l’engagement de la CFDT auprès des travailleurs migrants/exilés dans les années 70, et qui se poursuivra auprès des travailleurs sans papiers.© Emmanuelle Marchadour

En 1973, l’usine Renault-Flins (Yvelines) – qui avait doublé ses effectifs depuis 1968, avec pour conséquence l’embauche massive de travailleurs immigrés – est paralysée par l’une des grandes grèves des ouvriers spécialisés (OS). Lors des élections des délégués du personnel après le conflit, les immigrés, qui ont enfin obtenu le droit de se présenter, sont nombreux sur les listes CFDT et CGT. Mais une partie de la hiérarchie organise une campagne de rayures des noms à consonance étrangère. S’engage alors une longue bataille juridique portée par la CFDT qui ira jusqu’en cassation pour faire reconnaître ce scandale.

Meeting devant l’entrée de l’usine Renault, à Flins (Yvelines), le 27 avril 1973.
Meeting devant l’entrée de l’usine Renault, à Flins (Yvelines), le 27 avril 1973.© Gamma

Les militants agressés

Les premières restructurations, avant Citroën et Renault, concernent Talbot-Poissy dès la fin 1983. Les 1 900 licenciements prévus, la plupart touchant des immigrés, déclenchent la colère des ouvriers et l’occupation du site. La CFDT s’implique à tous les niveaux contre la brutalité des mesures envisagées. Le conflit est violent, le syndicat maison et la hiérarchie veulent en découdre.

Edmond Maire, alors secrétaire général de la CFDT, qui avait été sollicité par l’Union départementale des Yvelines quelques années auparavant, avait participé à une distribution de tracts au personnel pour marquer le coup face aux agressions physiques permanentes visant les militants CFDT et CGT. Cette fois-ci, il se saisit du contexte pour mettre en cause la façon dont sont prises les décisions industrielles et sociales.

Le combat des sans-papiers

La première moitié des années 1990 voit la situation des étrangers se dégrader avec les lois Pasqua-Debré. À la suite de la grève de la faim des déboutés du droit d’asile kurdes à Mantes-la-Jolie, soutenue par la CFDT de Renault Flins, le SMVSO (Syndicat de la Métallurgie des Vallées de la Seine et de l’Oise), (désormais Symétal) s’engage dans une action interassociative de défense des étrangers.

C’est ainsi qu’en lien avec le CCFD-Terre Solidaire, la Ligue des droits de l’Homme et le Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) naît le Cefy (Collectif étrangers-Français en Yvelines). Interlocuteur régulier de la préfecture lors de la grève de la faim des parents étrangers d’enfants français de la cathédrale Saint-Louis, à Versailles en 1996, le Cefy prend part au long combat du collectif des sans-papiers de l’église Saint-Bernard, à Paris. Pour autant, les années 1990 constituent un moment difficile de la prise en compte de l’immigration sur le terrain par les structures CFDT.

Pour beaucoup de militants, la situation des salariés sans papiers ne fait plus forcément partie des priorités. Les permanences qui leur sont consacrées deviennent plus rares.

Un nouvel engagement

En 2008, une loi entrouvre la porte, non sans ambiguïté et restrictions, à la régularisation des salariés sans papiers. À l’initiative du SMVSO, l’Union départementale CFDT des Yvelines met en place des permanences dans trois communes. Dans un premier temps, 300 dossiers sont ainsi constitués et présentés au préfet. L’Union départementale assume plusieurs conflits collectifs avec occupation par les salariés sans papiers de lieux symboliques : en 2009 aux Mureaux, en 2010 à Versailles et en 2014 à Carrières-sous-Poissy.

François Chérèque, secrétaire général de la CFDT au début des années 2000, confirme que cette prise en charge de la régularisation des salariés sans papiers entre pleinement dans le rôle de la CFDT. Depuis 2008, la CFDT des Yvelines a présenté plus d’un millier de dossiers avec un taux de régularisation supérieur à 60 %.

Tout au long des années 2000, la CFDT dénonce avec force et sans complaisance toutes ces évolutions législatives sur l’asile et le droit au séjour qui mettent en cause les « droits humains » et les conventions internationales. Ces positions sont réaffirmées en permanence avec le mouvement associatif au sein du Pacte du pouvoir de vivre. L’Union régionale interprofessionnelle d’Île-de-France s’est engagée dans le programme européen Migr’action, avec la CSC (Belgique) de la région de Mons - La Louvière et la CISL (Italie) des Abruzzes, qui a abouti notamment à un Guide de bonnes pratiques.

En conclusion, si l’appropriation n’est pas toujours simple pour les équipes CFDT – y compris dans les entreprises qui emploient des salariés sans papiers –, le sujet est souvent conflictuel avec les employeurs tandis que d’autres organisations syndicales usent d’une radicalité qui souvent ne mène nulle part.  Concernant la défense des travailleurs immigrés et des sans-papiers, la cohérence et la persistance du positionnement de la CFDT ne sont plus à démontrer mais elles doivent se renforcer dans le domaine de la prise en charge sur le terrain.

Parcours

Marqué dans sa jeunesse par l’histoire et les cultures juives, Daniel Richter n’était pas spécialement destiné à se tourner vers une organisation syndicale chrétienne telle que la CFTC. C’est en militant à l’Unef (syndicat étudiant), de 1960 à 1962, qu’il découvre la CFTC lors des grandes manifestations communes contre la guerre d’Algérie. Les grèves de mai et juin 1968 finissent par le convaincre du rôle primordial de la CFTC, devenue CFDT depuis sa déconfessionnalisation, en 1964.

Au début des années 1970, jeune embauché à Renault, il prend contact avec la CFDT. S’ensuivent vingt années de syndicalisme avec un investissement tout particulier auprès des ouvriers immigrés de l’automobile à Renault-Flins et Talbot-Poissy, d’abord, puis auprès des travailleurs sans papiers.