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Extrait de l’hebdo n°3909
Les partenaires sociaux ont débattu du compte épargne-temps universel pour la première fois depuis l’ouverture de la négociation “Pacte de la vie au travail”. La CFDT a défendu le dispositif qu’elle a imaginé face à un patronat qui n’a pas hésité à montrer son opposition.
Après plusieurs séances consacrées à l’emploi des seniors et aux questions de transition et de reconversion professionnelles, les partenaires sociaux ont abordé, ce vendredi 23 février, le troisième objet de la négociation relative au « pacte de la vie au travail » : le compte épargne-temps universel (Cetu). Imaginé par la CFDT, repris par le président de la République lors de sa campagne en vue de l’élection présidentielle de 2022, le Cetu reste à l’ordre du jour pour l’exécutif, le nouveau Premier ministre Gabriel Attal l’ayant encore évoqué lors de son discours de politique générale, à la fin janvier.
Un dispositif comprenant trois étages
Venue devant la presse à l’issue de la matinée de négociation, Isabelle Mercier, négociatrice et secrétaire nationale CFDT, a rappelé que le Cetu « pourrait être la seule innovation réelle de cette négociation ». La CFDT a détaillé un « dispositif pensé à trois étages ». Le premier étage consiste à installer l’universalité, la portabilité et l’opposabilité du compte épargne-temps. « Aujourd’hui, on voit bien que le CET est plus spécifique des moyennes et grosses entreprises et concerne plutôt des populations de cadres, a souligné Isabelle Mercier. Nous souhaitons donc mettre en place le Cetu pour tous les salariés, quel que soit leur statut. » Concernant la portabilité, ça voudrait dire que le compte épargne-temps universel serait « attaché au salarié et non plus à son contrat de travail », contrairement au CET actuel. Afin que soit atteint cet objectif, les Cetu seraient gérés par un organisme paritaire interprofessionnel et non plus par les entreprises, et ils fonctionneraient avec un système à points. Le temps épargné (sous la forme de congés ou de primes versées sur le compte) par le salarié serait versé à cet organisme.
Le deuxième étage de la mise en place du Cetu, c’est l’alimentation par les employeurs, « qui, telle qu’on l’avait pensée, était de cinq jours par an » et par salarié, et un « abondement éventuel pour compenser de la pénibilité, des horaires atypiques, donner de l’attractivité à des métiers », a précisé Isabelle Mercier. Un abondement des pouvoirs publics en cas de « missions citoyennes » pourrait aussi être imaginé.
Enfin, le troisième étage, c’est la « dimension solidaire » du Cetu, c’est-à-dire la possibilité de donner à une ou un collègue des jours Cetu. « Nous, l’idée que l’on a aujourd’hui, c’est vraiment de cranter le dispositif, et qu’il puisse évoluer au fil des années, s’ajuster, se renforcer par le biais de la gestion paritaire interprofessionnelle, qui permet d’avoir une gouvernance qui travaillerait à la fois à affiner les droits et les modes de financement », a précisé la négociatrice CFDT. Et d’ajouter : « Nous tenons à ce que le Cetu ait sa place, à la fin de la négociation. »
Face à ces propositions, la CFTC s’est dit « hautement intéressée ». « Nous avons envie de pousser la négociation sur ce sujet, a fait savoir Anne Chatain, secrétaire générale adjointe. Selon nous, il faut créer un droit universel, simple et lisible, qui peut renforcer l’attractivité des métiers pénibles. Ou peut-être un outil pour la fin de carrière. » La CFTC rejoint la CFDT en ce qui concerne la gestion par un organisme tiers paritaire. « Le Cetu est dans le document d’orientation, donc ça devra figurer dans l’accord », a affirmé Anne Chatain.
Côté FO, on est plus mitigé. « La porte n’est pas complètement fermée, a indiqué Patricia Drevon, secrétaire confédérale. Nous avons quand même quelques propositions mais nous ne voulons pas que ça conduise le salarié à faire un arbitrage entre alimenter le Cetu et se reposer. » FO voit le Cetu comme un outil ciblé sur les fins de carrière, par exemple. La CFE-CGC, elle, souhaite plutôt une généralisation du CET à tous les salariés, mais que celui-ci ne soit pas transférable d’une entreprise à une autre.
Un sujet non prioritaire pour le Medef et la CPME
En face, Medef et CPME ont fait part de leur opposition. « Ce projet de Cetu n’a pas sa place dans cette négociation, a estimé Hubert Mongon, le négociateur du Medef. L’objectif que nous poursuivons a trait à l’emploi, le taux d’emploi, à travers la question des parcours, de l’employabilité… Le Cetu, lui, s’inscrit dans une logique différente, d’environnement de travail, de qualité de vie au travail, de répartition du temps de travail. Ce sujet n’apparaît pas comme prioritaire. » Un point d’accord avec la CFDT, selon qui cette négociation doit justement parler du travail, dans la suite de l’expression des salariés durant le mouvement contre la réforme des retraites de 2023. La CPME, enfin, a fait clairement savoir qu’elle ne voulait pas du Cetu.
Les partenaires sociaux vont se retrouver le 1er mars pour un nouveau tour de discussions concernant tous les sujets de la négociation (emploi des seniors, usure, transition et reconversion professionnelles, et le Cetu). Un projet d’accord devrait être sur la table pour la séance du 7 mars. Celui-ci sera débattu encore le 20 mars et, enfin, le 26 mars, qui est (à ce stade) la date de la séance conclusive de cette négociation.