“Pacte de la vie au travail” : le Cetu de la discorde

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iconeExtrait de l’hebdo n°3911

Les partenaires sociaux ont discuté d’une première architecture du projet d’accord national interprofessionnel, jeudi 7 mars. Une proposition rédigée par les organisations patronales et qui ne fait pas mention du Cetu – ce qui ne convient pas à la CFDT.

Par Fabrice Dedieu— Publié le 08/03/2024 à 07h49

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© Syndheb

C’est un document qui est arrivé dans les mains des organisations syndicales en fin d’après-midi, le mercredi 6 mars : une proposition des organisations patronales qui préfigure ce que pourrait être l’aboutissement de la négociation sur le « pacte de la vie au travail ». Le texte de quatre pages – intitulé « avant-projet d’accord national interprofessionnel en faveur de l’anticipation et de l’accompagnement des transformations de l’emploi » (exit le mot « travail ») – repose sur deux axes. Le premier axe, « Mieux anticiper les évolutions des emplois et compétences afin d’accompagner les parcours professionnels des salariés tout au long de leur carrière », traite des questions des transitions-reconversions professionnelles et des parcours, avec une partie sur la prévention de l’usure. Le second axe concerne « des mesures ciblées pour accompagner et sécuriser les salariés en troisième partie de carrière dans l’objectif d’améliorer le taux d’emploi des seniors ». Rien, donc, sur le compte épargne-temps universel (Cetu).

Un premier Cetu ni complexe ni coûteux

Ce document a été discuté durant une nouvelle session de négociation entre les partenaires sociaux, le jeudi 7 mars. Si la CFDT fait remarquer que la disparition du mot « travail » dans le titre du projet d’accord est symptomatique d’une volonté du patronat de ne parler que de l’emploi, c’est bien le Cetu qui a cristallisé une partie des discussions. La première organisation syndicale française a, une nouvelle fois, fait entendre ses arguments.

« Nous avions fait une proposition sur le premier étage du Cetu, qui permet aux salariés volontaires de mettre du temps sur un compte externalisé, sans impact de gestion ni de surcoûts ou de lourdeurs administratives pour les entreprises. Les organisations patronales continuent d’objecter que ce sera compliqué à gérer, avec des coûts élevés », a expliqué Yvan Ricordeau, le chef de file de la délégation CFDT, à l’issue de la rencontre. La CFDT a également rappelé que le Cetu fait partie de l’agenda social autonome… que toutes les organisations patronales et syndicales ont validé avant l’été 2023. « Nous n’avons pas imposé le Cetu, nous l’avons porté ensemble », insiste Yvan Ricordeau.

Face au refus répété du Medef et de la CPME en ce qui concerne le compte épargne-temps universel, Yvan Ricordeau a clairement indiqué que l’avis sera demandé au Bureau national de s’exprimer à propos du mandat de négociation, qui, de facto, change eu égard à l’absence du Cetu. « Première hypothèse, nous tirons les enseignements et nous arrêtons. Seconde hypothèse, nous reconfigurons notre mandat de négociation sur trois blocs (emploi des seniors, usure, transitions-reconversions) et on recommence. Nous taperons plus fort et tout vaudra plus cher ! »

Des droits à la baisse pour les salariés

Sur le reste de l’avant-projet d’accord, la CFDT ne voit « pas d’enseignements notables à tirer » ; par exemple, rien de coercitif quant à une négociation dans l’entreprise sur l’emploi des seniors. « Il y a des attentes énormes sur les parcours professionnels, pour une meilleure prise en compte du travail. Là, on a quelques dispositions financières ou de simplification pour les entreprises, mais pour les salariés, des droits à la baisse », note Yvan Ricordeau.

Un sentiment partagé par d’autres organisations syndicales, comme FO, dont le négociateur, Michel Beaugas, dit ne pas avoir vu « beaucoup de pas de la part du patronat vers nos propositions ». Il a précisé qu’il faut que le Cetu « soit dans l’accord » afin de limiter les risques lorsque le gouvernement le transposera. La CFTC, elle, « doute de la sincérité du Medef quant à sa volonté d’aboutir à un accord, a fait savoir Éric Courpotin. Le patronat évacue systématiquement les propositions faites et ne se concentre que sur les siennes, qui restent évasives ». Concernant le Cetu, la centrale catholique souhaite que son principe soit au moins acté dans l’accord, quitte à trouver une autre date de négociation.

“Des obstacles insurmontables”… selon le patronat

Le Medef et la CPME se sont exprimés ensemble à l’issue de la séance de négociation. Les deux organisations ont redit que le Cetu « n’est pas un dispositif qui répond aux attentes des entreprises et des salariés », que sa complexité et sa dimension universelle, donc sa portabilité, « constituent pour nous des obstacles insurmontables ». Au sujet des autres thèmes de la négociation, « tous les préalables nous laissent penser que l’on peut converger sur beaucoup de choses », a estimé Éric Chevée, de la CPME.

À propos de l'auteur

Fabrice Dedieu
Journaliste

Un nouveau projet d’accord sera présenté le 20 mars, date de la prochaine séance de négociation. D’ici là, les organisations syndicales sont tenues de formuler leurs propres propositions de texte. La synthèse, que le patronat fera, ne comportera pas de chapitre traitant du Cetu, a d’ores et déjà précisé le négociateur du Medef, Hubert Mongon. Et d’ajouter : « Sur le Cetu, il n’y a pas de compromis possible. » Le bras de fer va se poursuivre.