“Nous défendons un syndicalisme de service au sens noble du terme”

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iconeExtrait de l’hebdo n°3948

Traditionnellement, la CFDT est très solide à la division ingénierie des centrales nucléaires du groupe EDF. Ses militants y défendent un syndicalisme qui allie une démarche de terrain, au service des agents, et des revendications collectives fortes. Ce subtil équilibre fait leur force et leur légitimité auprès de leurs collègues.

Par Jérôme Citron— Publié le 14/01/2025 à 13h00

De g. à dr. : Nathalie Capuano, Didier Charewicz, Arnaud Monnier, Agnès Fromant et Frédéric Petitalot.
De g. à dr. : Nathalie Capuano, Didier Charewicz, Arnaud Monnier, Agnès Fromant et Frédéric Petitalot.© Syndheb

Pas facile de s’y retrouver lorsqu’on évoque EDF. Entreprise nationale monopolistique au sortir de la Seconde Guerre mondiale, EDF s’est transformée à marche forcée au milieu des années 90 avec la libéralisation du marché de l’énergie. Après une période d’ouverture du capital, dans les années 2000, le gouvernement a d’ailleurs décidé de renationaliser totalement l’entreprise. Tout un symbole à l’heure de la transition écologique et de la relance du parc nucléaire français – annoncée par le président de la République en février 2022. Si, aujourd’hui, l’entreprise est le premier producteur et le premier fournisseur d’électricité en Europe, EDF reste à part, notamment parce qu’elle gère les dix-neuf centrales nucléaires de l’Hexagone. Une entreprise « pas vraiment comme les autres », donc, avec une culture interne très forte, des salariés qui restent attachés à son histoire et où la notion de service public est particulièrement présente.

Une présence sur le terrain qui paye

1. Division de l’ingénierie du parc et de l’environnement.

La DIPDE1, qui pilote l’ingénierie de l’ensemble du parc nucléaire français, emploie 2 600 salariés. Elle est composée à 70 % de cadres ingénieurs et à 30 % de chargés d’affaires et fonctions supports. C’est une « place forte » de la CFDT, qui, avec 34,79 % des voix, est arrivée en deuxième position aux dernières élections en 2023, juste derrière la CFE-CGC (à 37,56 %) mais loin devant la CGT (13,91 %) et FO (13,74 %). Même si la CFDT n’a pu conquérir la première place (rappelons que les élections de 2023 chez EDF ont vu la CGT perdre sa première place à l’échelle du groupe au profit de la CFE-CGC), son bon score reflète l’implication des militants de terrain de la section.

Que ce soit au siège, à Marseille, ou au sein des centrales nucléaires qui accueillent une partie des salariés de la division, les membres de cette équipe dynamique se déplacent partout pour répondre aux questions de leurs collègues. « Nous défendons un syndicalisme de service au sens noble du terme, résume Nathalie Capuano. Tous les salariés de la division savent qu’ils peuvent compter sur nous s’ils ont des questions au sujet de leurs droits ou de leur carrière. Certains nous demandent même des conseils. Notre ancienneté nous permet de prendre du recul et d’avoir des contacts un peu partout dans la division et dans le groupe en général. C’est une vraie richesse. »

Ce service proposé par la CFDT est d’autant plus précieux que de nombreux jeunes sont en train de rejoindre la division, qui recrute 200 personnes en moyenne chaque année. Après des années de vaches maigres (hormis l’EPR de Flamanville, le dernier réacteur est entré en service… en 2002), le nucléaire français fait sa révolution. Emmanuel Macron a annoncé la construction de quatorze nouveaux réacteurs, et EDF est en première ligne. Les enjeux en matière de recrutement et de formation sont considérables en vue de répondre à un tel défi.

Défendre la culture EDF

2. Négociation annuelle obligatoire.

Pour la section CFDT, il est donc impératif de rester ferme sur les valeurs de solidarité, de défense du service public et de respect des conditions de travail… tout en accompagnant les transformations du groupe. « Les collègues sont très attachés à la culture EDF mais si les conditions de travail de travail se dégradent, ils iront voir ailleurs – surtout les ingénieurs, qui ne manquent pas d’opportunités », explique Nathalie. Le logement, par exemple, doit faire partie des sujets prioritaires, selon la CFDT, qui fait en sorte que l’entreprise réinvestisse cette question un peu laissée de côté ces dernières années. « Nous avons de plus en plus de collègues qui ne parviennent plus à se loger alors que c’était une des forces d’EDF de posséder des appartements en propre. » Plus généralement, ici comme ailleurs, la question du pouvoir d’achat constitue une préoccupation majeure. Signe révélateur : le débrayage d’une heure organisé en décembre 2024 afin de mettre la pression sur la NAO2 a été particulièrement suivi : près de 30 % des personnels ont participé au mouvement.

Renouveler des accords novateurs

La politique en matière de handicap est également un des sujets phares de la section. Le dossier était porté par Georges Coker, militant charismatique, dont le récent décès a beaucoup marqué les élus. Il avait réussi à influencer la négociation d’un accord très novateur… qui arrivera à son terme à la fin de cette année. Toute la section CFDT a à cœur de remettre l’ouvrage sur le métier afin que cet héritage perdure et que des moyens financiers suffisants soient maintenus pour pouvoir intégrer au mieux les travailleurs souffrant d’un handicap. « Georges donnait envie de se battre pour tout le monde. Il avait aussi mis en place une épicerie solidaire et militait dans de nombreuses associations. Il n’est pas resté très longtemps à la section, mais il nous a tous marqués », souligne avec pudeur Nathalie, qui a la ferme intention d’aboutir à un nouvel accord avec la direction d’EDF.

Maintenir le lien dans une entreprise en mutation

À propos de l'auteur

Jérôme Citron
rédacteur en chef adjoint de CFDT Magazine

D’autres sujets sont en discussion. La section travaille évidemment sur les questions d’égalité professionnelle ou de transition écologique. « Notre rôle est de faire avancer l’ensemble de ces dossiers tout en répondant aux questions de chaque salarié, explique Arnaud Monnier. C’est un vrai travail d’équipe. Chacun joue son rôle mais tout le monde va sur le terrain. » Il se trouve que dans les couloirs, ces derniers temps, le malaise est palpable. « Les salariés sont inquiets car l’entreprise est en pleine transformation », affirme Arnaud. De fait, les périmètres entre les divisions d’EDF sont en train de changer, et beaucoup de salariés se demandent quelles seront leurs missions dans les années à venir. « À notre niveau, nous essayons de répondre au mieux en fonction des informations que nous avons. Notre force est de pouvoir compter sur tous les élus CFDT du groupe pour essayer d’y voir le plus clair possible. » Fidèle à une revendication phare de toute la CFDT, la section ne cesse d’exiger d’être davantage associée aux décisions prises. Un grand classique !