Dans le Morbihan, la CFDT récolte les fruits de son implantation syndicale

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icone Extrait de l'hebdo n°3960

Le Syndicat Santé Sociaux du Morbihan a implanté trois nouvelles sections lors des dernières élections professionnelles dans la fonction publique, en décembre 2022. Depuis, les militants ont réussi à proposer une nouvelle offre syndicale et à remporter des victoires.

Par Fabrice DedieuPublié le 08/04/2025 à 15h04

De gauche à droite : Christèle Berthault, Karen Eveno, Delphine Luet, Angélique Courtois, Laurence Le Moing et Virginie Bourasseau.
De gauche à droite : Christèle Berthault, Karen Eveno, Delphine Luet, Angélique Courtois, Laurence Le Moing et Virginie Bourasseau.© Syndheb

C’est l’envie de faire bouger les choses qui a poussé Laurence Le Moing à s’engager syndicalement. Aide-soignante depuis plus de vingt ans à l’Ehpad de Caudan (Morbihan / Bretagne) – il comprend 72 résidents pour 63 agents –, elle constatait objectivement que « rien n’avançait. Je voulais faire quelque chose en vue des élections ». Laurence en discute avec sa collègue Johanna Brient : « Seule la CGT était présente dans notre établissement depuis une bonne dizaine d’années, mais nous ne voulions pas rejoindre cette organisation », explique celle qui est devenue secrétaire de section CFDT et élue titulaire au comité social d’établissement (CSE).

« Le mari de Johanna est à la CFDT, alors on a pris contact avec le Syndicat Santé Sociaux. Christèle Berthault [secrétaire générale adjointe] et Anne Haurogne [responsable de la branche “public des Ehpad”] sont venues mener une opération de visibilité à l’Ehpad. Nous avons pris nos cartes d’adhérentes et ainsi fondé la section. » Les militantes se retrouvent tout de suite majoritaires dans les instances de l’établissement à la suite des élections : « Nous avons obtenu quatre des cinq sièges ! Les agents aussi attendaient que les choses bougent », note Angélique Courtois, aide-soignante et élue remplaçante du CSE.

Repenser le travail de nuit

Après une nécessaire étape de formation en 2023, l’année 2024 aura été riche en négociations. « Nous n’avons mené une enquête auprès des agents concernant le travail de nuit. Et nous avons négocié pour qu’il y ait une équipe fixe motivée de personnes qui veulent bien faire les nuits, alors qu’avant toutes les aides-soignantes tournaient et effectuaient deux périodes de quinze jours de nuit par an », explique Angélique. « Nous travaillons aussi sur les postes vacants et la fidélisation les personnes contractuelles depuis de nombreuses années. Nous sommes en négociation au cas par cas pour plusieurs CDI. Ça évite le turnover, qui peut être très lourd dans les services », poursuit Laurence, la secrétaire de section.

Faciliter les relations

L’action de la section est vraiment pensée comme facilitatrice des relations entre les agents et la direction. « Nous prenons l’initiative sur les plannings des vacances en centralisant les demandes des uns et des autres et proposons un préplanning pour éviter les conflits avec la direction et que celle-ci impose ses choix, explique Laurence. Quand nous avons réglé tout ce que nous pouvions, nous passons la balle à la direction. » Selon elle et Angélique, « le bilan de cette première partie est positif. Nous avons fait bien avancer les choses, et le dialogue avec la direction a beaucoup évolué depuis l’arrivée de la CFDT. De son côté, le Syndicat est toujours là pour nous répondre, ce qui permet de progresser et d’apprendre ». Et la secrétaire de section de conclure : « Notre plus grande réussite, c’est la communication que l’on a instaurée dans l’établissement, avec la direction et les collègues. C’est notre force ! »

Autre endroit, autre implantation réussie. À Belle-Île-en-Mer, le centre hospitalier emploie environ 200 agents pour 200 lits. Un militant CFDT bien implanté, François Moreau1, tente de monter une liste à l’occasion des élections de décembre 2022, avec succès. Là aussi, « seule la CGT était présente jusque-là », indique Delphine Luet, assistante sociale et élue au CSE. « François était très présent, il a su fédérer », ajoute-t-elle. Et la CFDT a ainsi remporté quatre sièges sur sept, devenant l’organisation syndicale majoritaire.

“Les collègues nous ont bien identifiés”

Devenue récemment secrétaire adjointe de la section, Virginie Bourasseau, animatrice et élue au CSE, pointe une situation RH compliquée et des problèmes en suspens. « Des dossiers retraite ou invalidité bloqués… Le turnover est élevé dans le service des ressources humaines, on ne sait pas toujours à qui s’adresser. Nous sommes aussi interpellés sur des problèmes de planning, qui ne sont pas toujours fixes, alors que, quinze jours avant, ils ne devraient plus bouger ! » La CFDT a réussi à décrocher des augmentations de salaire par des repositionnements d’indices, des réorganisations de poste, ou encore un quatrième poste d’après-midi pour les aides-soignantes. Après le départ de François, « c’est à nous d’y aller… un bon gros défi, résume Delphine ; les collègues nous ont bien identifiés, nous avons toute notre place en instance […] Il y aura du travail mais c’est très intéressant. On voit en instance ce qui se joue politiquement, ce que l’on ne voit pas quand on est dans les services. Et nous avons un rôle à jouer ».

Recréer du lien entre les agents, améliorer la communication au sein de l’établissement, c’est aussi ce qui a motivé Karen Eveno à se présenter aux élections professionnelles. Psychologue en poste à l’Ehpad de Férel, où œuvrent 88 agents pour 99 patients, cette adhérente de longue date est partie elle aussi d’un constat de manque d’information : « Nous n’étions au courant de rien, nous ne savions pas ce qui se passait dans l’établissement. Je me suis dit que l’on avait des choses à faire… et nous nous sommes lancés. » Prise de contact avec le Syndicat Santé Sociaux du Morbihan, réunion d’information… des collègues sont motivés, une liste se forme. Avec, notamment, son collègue secrétaire de la section, Mathieu Andrieux, Karen, secrétaire adjointe, se fait élire. La CFDT décroche deux des cinq sièges. « “Maintenant, il va falloir travailler !”, lui ai-je lancé lors du dépouillement, alors qu’il pensait ne pas être élu », sourit la militante. Le taux de participation, de 51 %, a été l’un des plus élevés dans le département.

Des remerciements qui font du bien

Si le dialogue social est actuellement un peu en panne, dans l’attente de l’arrivée d’une nouvelle direction, la section a néanmoins pu agir pendant un an et demi de mandat. « Nous avons négocié les lignes directrices de gestion [LDG, qui permettent de mener une politique RH] en vue d’inverser le ratio entre contractuels et titulaires. En effet, on était à 40 % de titulaires pour 60 % de contractuels. Là, en moins de deux ans, nous nous approchons des 50 % de titulaires avec ceux qui sont en stagiairisation, détaille Karen. Nous avons aussi négocié pour que, tous les trois ans, les contractuels en CDI montent d’un échelon sans avoir à passer devant le directeur. On était arrivé à des situations où des personnes avaient quinze ans d’ancienneté et étaient toujours au premier échelon ! »

À propos de l'auteur

Fabrice Dedieu
Journaliste

Au sein des équipes de l’Ehpad, la différence se fait sentir. « On a eu des retours de personnes concernées par ces mesures qui nous ont remerciés. Les collègues remarquent qu’ils ont accès à plus d’informations. On a de plus en plus de demandes sur les plannings, la formation, la stagiairisation, etc. », poursuit Karen. Et de conclure : « Les agents nous ont identifiés, nous CFDT, comme des interlocuteurs valables quand il s’agit d’obtenir des réponses à leurs questions. Je suis contente du travail que l’on a effectué. »