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Extrait de l’hebdo n°3941
Le 5 novembre, Auchan a présenté aux organisations syndicales un plan de sauvegarde de l’emploi qui surprend par son ampleur. Au total, 2 389 emplois seraient menacés. Gilles Martin, délégué syndical central d’Auchan Retail France, répond aux questions de “Syndicalisme Hebdo”.
Qu’a annoncé aux organisations syndicales, le mardi 5 novembre, la direction d’Auchan Retail France ?
Un plan social d’envergure, avec 2 389 suppressions de postes. Dans le détail, trois entrepôts à Lille (Nord), Mions (Rhône) et Chilly-Mazarin (Essonne) vont fermer. Cela concerne 224 salariés. Ensuite, 784 postes sont menacés au sein de différentes entités des sièges. Auchan prévoit de fermer trois hypermarchés – ceux de Clermont-Ferrand Nord (Puy-de-Dôme), Bar-le-Duc (Meuse) et Woippy (Moselle) –, un supermarché, celui d’Aurillac (Cantal), et plusieurs magasins de proximité, ce qui concerne 466 salariés. Enfin, dans les hypers, 915 postes sont menacés. C’est la première fois que nous avons un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) qui touche autant d’entités à la fois.
C’est une surprise ?
L’ampleur du plan annoncé est une surprise, même si c’est quelque chose que l’on redoutait, compte tenu des mauvais résultats économiques de l’entreprise. Ça fait une dizaine d’années qu’Auchan a du mal à renouer avec des résultats positifs. Ce sont les conséquences d’erreurs stratégiques, avec des changements de direction à répétition. Nous avons compté plus de 17 changements en vingt-quatre ans, ce qui a créé une instabilité managériale et une mauvaise dynamique, avec des projets flous ou mal gérés comme l’implantation des caisses automatiques, par exemple. En deux ans, 70 % du parc d’encaissement a été automatisé, et l’on constate dans le même temps plus de 100 millions d’euros de démarques inconnues [différence entre le chiffre d’affaires réel et le chiffre d’affaires théorique]. Les remparts contre le vol qu’étaient les hôtesses de caisse ont disparu.
Comment réagit la CFDT et, surtout, comment va-t-elle agir ?
Avec la Fédération CFDT des Services, nous avons été reçus devant le Comité interministériel de restructuration industrielle, au ministère de l’Économie, le 8 novembre dernier. Pour ma part, j’ai vraiment insisté sur une demande claire : combien Auchan a perçu d’argent public, et à quoi cela a-t-il servi ? Une entreprise privée ne devrait pas recevoir des subventions sans contrepartie. Il faut réellement que le gouvernement s’engage, pour que l’on sache ce que touchent les entreprises qui licencient mais aussi ce qu’elles font de cet argent.
Au-delà de ces rendez-vous, il y aura un CSE central cette semaine afin d’entrer dans le détail des annonces. Nous allons devoir composer avec l’entreprise et trouver un compromis sur ce que nous souhaitons par rapport au plan de départs volontaires et au plan de sauvegarde de l’emploi. La négociation, elle, débutera le 28 novembre. Notre exigence est claire : personne ne doit rester sur le carreau. Le plan de sauvegarde de l’emploi devra être à la hauteur du sacrifice demandé. La famille Mulliez possède les moyens économiques de reclasser les salariés et de les accompagner financièrement ; elle devra le faire. Il faut que les salariés puissent passer dans d’autres entités du groupe Mulliez, ça aurait du sens. Pour l’instant, juridiquement, ce n’est pas possible.
C’est le troisième plan social en quatre ans et, pour la première fois, des magasins sont touchés. Faut-il craindre d’autres mauvaises nouvelles dans les prochaines années ?
Espérons que non. Maintenant, nous ne sommes jamais à l’abri de mauvaises nouvelles. Ce que l’on peut craindre dans les prochaines années, c’est le développement de la franchise chez Auchan. À court terme, la franchise rapporte. Est-ce qu’elle rapporte à long terme ? Pas sûr. Mais si Auchan se focalise sur le court terme, la franchise va l’intéresser. Là aussi, le gouvernement devra agir contre cette façon de se délester des salariés, en passant d’un modèle intégré à la franchise.