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Vélo, boulot, abdos
À La Roche-sur-Yon, la pratique du sport pendant l’heure du déjeuner s’est imposée depuis une dizaine d’années chez les 2 300 agents. La demi-heure hebdomadaire soustraite du temps de travail et prise en charge par l’agglomération permet de lutter contre la sédentarité et de renforcer la cohésion.
À l’approche des douze coups de midi, le long du gymnase Jean-Moulin, une dizaine d’agents de La Roche-sur-Yon se rejoignent pour boxer. Ici, pas de notion de hiérarchie, tout le monde est au même niveau. « L’espace d’un instant, on n’est plus des collègues mais des sportifs », résume Patrice, sac de sport sur l’épaule, qui vient retrouver Olivier pour enfiler les gants. Ce fiscaliste au service financier l’admet volontiers : il a besoin de décompresser. « Ça permet de se défouler, d’évacuer le trop-plein d’énergie. » Et puis la boxe, ça lui parle : « Je pratiquais la boxe étant petit, et ça me donne envie de m’y remettre. » Face à eux, Noël, coach professionnel, rappelle rapidement les règles de base avant de les faire transpirer. Pendant une heure, ils vont tout donner, et muscler un peu plus leurs liens sociaux.
Absentéisme et qualité de vie au travail
Offrir à ses 2 300 agents un temps de respiration, c’est le pari fait depuis une dizaine d’années par l’agglomération, en collaboration étroite avec les organisations syndicales et la médecine du travail.
« En 2013, une étude avait été réalisée sur l’absentéisme et nous a amenés à nous interroger sur les manières d’améliorer, de manière préventive, la qualité de vie au travail, se souvient Sophie Drukker, médecin du travail de l’époque. J’ai proposé de prendre le problème comme un enjeu de santé publique en m’appuyant sur le Programme national nutrition santé 2011-2015, qui faisait la promotion de l’activité physique en entreprise. Mais qui n’existait pas en tant que tel sur le territoire. »
Côté CFDT, un autre point questionne les élus : la sédentarité des postes de travail et ses conséquences sur la santé des agents. « On voulait travailler sur l’environnement de travail en général, mais de manière périphérique, en étant créatifs, résume Mathieu Durquety, élu CFDT. C’est comme cela qu’est né, dans les mois qui ont suivi, le dispositif sport-santé .»
Ensemble, ils ont construit un programme de sport pendant la pause méridienne comprenant cinq activités et, pour chacune d’elles, quatre ou cinq sessions réparties sur plusieurs semaines. En plus de la gratuité du programme, et c’est là la nouveauté, les agents bénéficient de trente minutes offertes par l’agglo sur leur temps de travail pour pratiquer leur activité physique.
« Une demi-heure, c’est le temps qu’il faut pour se rendre sur les lieux et se changer, et c’est souvent ce temps “perdu” qui freine la pratique du sport, pointe Mathieu. Évidemment, il faut un cadre, c’est une question de sécurité. Les agents doivent déclarer aux ressources humaines, via une plateforme, la demi-heure d’absence. Et les sessions ne peuvent être réalisées que sur une journée de travail. »
1. Chaque année, la collectivité verse 0,7 % de la masse salariale au Cosel, qui propose en retour des activités sociales, sportives et culturelles pour les agents.
Parmi les disciplines proposées, il y a les basiques, comme le ping-pong et le tir à l’arc, qui font souvent le plein de participants. Puis, au fil du temps, sont venus s’y ajouter des sports moins conventionnels (l’escrime, l’aviron, la plongée et la boxe), qui attirent de plus en plus de monde.
« Il y a un réel attrait pour la nouveauté, et on essaye de faire tourner chaque année les sports proposés pour que chacun, à un moment ou un autre, puisse trouver son compte. »
Ces derniers temps, la boxe rencontre un franc succès. « Cela joue fortement sur la cohésion d’équipe. Et alors que les agents sont répartis sur 90 sites différents, ça permet aussi de créer du lien entre les collègues qui, sans cela, ne se seraient jamais croisés », reconnaît Murielle, du service communication, qui entame ce mardi midi sa quatrième et dernière session.
La semaine prochaine, la boxe laissera la place au tir à l’arc. Avec d’autres adeptes, sans doute. « Il en faut pour tous les goûts », explique Patrice, élu CFDT. Pourtant, Olivier aimerait bien que le Cosel (comité des œuvres sociales et de loisirs1, géré par la CFDT) reconduise la boxe… et il ne se prive pas de le faire savoir. Deux autres participantes, convaincues par ces séances d’essai, retrouveront Noël prochainement, l’une au club de boxe local, l’autre au Fitness Park. « Le coup est parti, sourit l’entraîneur. Pour beaucoup, ces séances sont un tremplin vers la pratique du sport. »
Rendre la pratique égalitaire
Chaque année, 400 agents bénéficient de ces séances offertes par la collectivité sur le temps de travail. La CFDT, de son côté, aimerait passer à la deuxième étape et faire en sorte que l’accès à cette pratique soit vraiment égalitaire. « Il y a un certain nombre d’agents que l’on ne peut pas toucher, comme les personnels des Ehpad, de l’animation ou de la restauration collective », regrette notamment Marie-Pierre Guillet, ASVP (police municipale). Surtout, la section aimerait une sixième activité sportive : la natation, dans le dispositif. Les discussions sont en cours avec la direction. Bientôt, décliner un déjeuner entre collègues au motif de « j’peux pas, j’ai piscine ! » deviendra du sérieux.
Ça bouge dans la région
En Occitanie, les 3 000 agents des services généraux de la collectivité expérimentent depuis septembre 2023 des ateliers sur le temps de travail. L’expérience, concluante, vient d’être prolongée.
Depuis la fusion des régions en 2016, les agents des collectivités subissent régulièrement réorganisations et changements d’outils de travail. À cette situation s’ajoute la sédentarité des métiers, particulièrement présente dans les services généraux. Pour prévenir les risques professionnels liés à ces bouleversements, la collectivité a lancé l’opération « 12 semaines pour bouger sur son temps de travail ».
Destinés aux 3 000 agents des services généraux, principalement basés à Toulouse et Montpellier, ces ateliers allient exercices d’échauffement et d’assouplissement (pour prévenir les troubles musculosquelettiques) et exercices de respiration. Ils sont intégralement pris en charge sur le temps de travail par la collectivité, à raison d’une heure par semaine. « L’idée, c’est vraiment de s’approprier les bons réflexes et créer une dynamique en réponse à la sédentarité des métiers », explique Véronique Pech, de la CFDT Interco 31-09 (Haute Garonne et Ariège). Mesure cosmétique ? « Absolument pas ! Si on veut préserver la santé physique et mentale de nos agents, il faut agir sur la prévention primaire. Le code du travail le dit d’ailleurs très bien. Il faut “adapter le travail à l’humain”, et non l’inverse. »
Après une phase test de trois mois, le bilan est positif : 260 agents ont déjà participé à ces séances. L’expérimentation a d’ailleurs été prolongée jusqu’en mars 2025, avec quelques ajustements. Certaines séances ont été supprimées, d’autres décalées à la demande des participants pour permettre à d’autres agents de pouvoir y participer. La preuve d’une réelle attente.
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