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Vélo, boulot, abdos
Enseignante-chercheuse à l’université Toulouse III – Paul Sabatier, Sophie Garnier étudie les interactions entre l’activité physique et la santé. Elle défend l’idée d’une politique du mouvement dans les entreprises.
Quel regard portez-vous sur le sport en entreprise ?
Je ne parlerais pas de sport mais d’activité physique. Même si on est encore loin d’un idéal, on commence à voir des choses intéressantes. De plus en plus d’entreprises proposent des activités à la fois adaptées au poste de travail et sur le temps de travail. C’est ce qui me paraît le plus pertinent pour toucher les salariés les plus réticents.
D’un point de vue théorique, les bienfaits de l’activité physique sur le bien-être, la santé, la prévention des risques ou même la productivité des salariés ne sont plus à démontrer.
Les études sont nombreuses et consensuelles. En revanche, on ne sait pas comment passer à l’acte. C’est bien l’engagement dans la pratique qui est problématique.
Justement, y a-t-il des pratiques plus judicieuses que d’autres ?
Les scientifiques ont bien montré que les recommandations de l’OMS [soixante-quinze à cent cinquante minutes d’activité physique intensive par semaine ou cent cinquante à trois cents minutes d’activité d’intensité moyenne] apportent moins de bénéfices si on n’agit pas dans le même temps sur la sédentarité. Or on assiste à une augmentation de la durée de sédentarité dans toutes les classes d’âge de la population. On cumule des heures assis devant un ordinateur, dans une voiture ou les transports en commun, puis assis dans un canapé devant un écran de téléphone ou de télévision.
Cette sédentarité, qui ne fait que croître, est préjudiciable à la santé même si par ailleurs on pratique une activité sportive plusieurs heures par semaine. La priorité est donc de « casser » les heures de sédentarité dans la journée. Pour le dire autrement, dans les entreprises, il vaut mieux faire cinq minutes d’activité sportive par jour qu’une heure par semaine.
Concrètement, à quoi ressemblent cinq minutes d’activité physique quotidiennes ?
Tout dépend des salariés. Dans les métiers physiques, on va privilégier l’échauffement du corps et les « bons » gestes en fonction du travail à réaliser. C’est une approche très spécifique. Dans les métiers plus sédentaires, il s’agira de travailler sur la mobilité. Ce sont des mouvements simples, des étirements pour activer le corps et qu’il faut diversifier pour ne pas provoquer de la lassitude. Certaines entreprises forment des salariés pour animer ces moments (lire ci-dessous). Je trouve cette approche pertinente.
Peut-on s’inspirer d’exemples étrangers ?
“L’activité en plein air dans un espace vert (la « green activity ») a un effet plus positif qu’en intérieur.”
Les comparaisons sont difficiles à établir. On peut toutefois distinguer l’Orient, où il y a une culture de la gymnastique dans les entreprises, à l’Occident, où ce n’est pas dans l’habitus. L’Europe du Nord se distingue aussi par son approche de la mobilité. Les entreprises réfléchissent à leur accès à vélo, prévoient des vestiaires, proposent des aménagements. Il existe une réflexion sur les infrastructures que l’on n’a pas forcément en France.
Est-ce que venir à vélo au travail fait partie du sport en entreprise ?
Cela doit faire partie de la réflexion. Les trajets domicile-travail peuvent être l’occasion de lutter contre cette sédentarité. De plus, des études très récentes ont montré que l’activité en plein air dans un espace vert (la « green activity ») a un effet plus positif qu’en intérieur.
Il faut sensibiliser les entreprises à cette question afin qu’elles permettent à leurs salariés d’avoir accès à un espace vert pour se ressourcer pendant leurs pauses. Cela peut faire l’objet de discussions avec les élus du personnel.
La démarche ne sort-elle pas un peu du cadre ?
Encourager les pratiques sportives en entreprise, comme on l’entend communément, c’est une bonne chose. La plupart des CSE proposent d’ailleurs des activités et encouragent les pratiques par des aides financières. Les directions s’y mettent aussi, parfois en acceptant que le sport se fasse pendant les heures de travail. C’est bien, mais c’est une approche un peu dépassée, à mon sens. Il faut remettre les salariés en mouvement au quotidien. Pour beaucoup, le clic de la souris est la seule activité physique de la journée de travail. C’est catastrophique en matière de santé publique.
Faire de la prévention active
Organiser au travail cinq minutes de mobilité par jour peut contribuer à minimiser les accidents du travail et les troubles musculosquelettiques (TMS). Laurent Tarin accompagne les entreprises dans cette démarche. Rencontre.
Fondateur de Panakeia, qui agit sur « le bien-être des salariés au service de la performance », Laurent Tarin propose aux entreprises une démarche originale qui s’appuie sur cinq à dix minutes de « mise en mouvement » des employés chaque jour. Baptisé P3T (préparation physique pour le travail®), ce protocole, qui vise à lutter contre les accidents du travail et les TMS, nécessite un engagement de toute l’entreprise pour être pérenne. « Avoir une équipe projet à la fois dynamique et soutenue par la direction est essentiel sur le long terme », insiste Laurent Tarin.
La démarche consiste à concevoir des ateliers adaptés aux différents postes de travail, les animer, dans un premier temps, puis passer la main à des salariés de l’entreprise qui auront été préalablement formés. « Lorsque nous intervenons dans l’entreprise, l’une de nos missions est de repérer les personnes les plus motivées, celles sur lesquelles on sent qu’on pourra s’appuyer par la suite », explique-t-il.
Pour bien comprendre la démarche, prenons l’exemple d’une grosse PME industrielle près de Nantes qui a adopté la démarche depuis plusieurs années maintenant. Ses 300 salariés ont été répartis en trois groupes, en trois « protocoles métiers » : la production, la logistique et les bureaux. « Pour chacun de ces métiers, une séance adaptée de cinq minutes a été conçue. Pour la production et les bureaux, les exercices sont davantage axés sur le renforcement musculaire et la levée des tensions. Pour la logistique, en revanche, l’accent a davantage été mis sur l’échauffement des articulations et des muscles et l’initiation aux bons gestes. »
Toujours en fonction des métiers, un horaire a été déterminé. Pour la production et la logistique, les ateliers se déroulent
au début de la prise de poste. Pour les bureaux, ils sont organisés vers dix heures. Prises sur le temps de travail, ces mises
en mouvement de cinq minutes sont obligatoires, elles forment une routine collective. « Pour que cela fonctionne, il faut que les salariés soient bien conscients que ces exercices sont bénéfiques à leur santé et que toute la hiérarchie joue le jeu, conclut Laurent. De notre côté, nous pouvons revenir dans l’entreprise pour diversifier les exercices et former de nouveaux salariés prêts à prendre le relais. » De quoi entretenir la flamme…
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