Retrouvez le dossier complet
Vélo, boulot, abdos
En France, le sport et l’activité physique pour garantir la santé et le bien-être des salariés au sein des entreprises ne se sont pas encore imposés. Les mentalités commencent toutefois à évoluer…
« Le sport, c’est la santé ! » Au travail aussi, même si cela reste très théorique. Car si les bienfaits de la pratique sportive ne sont plus à démontrer, force est de constater que le monde de l’entreprise, comme celui de la fonction publique, accuse un tour de retard. À l’heure où l’activité physique et sportive a été décrétée « grande cause nationale » en 2024 par le gouvernement (Jeux olympiques et paralympiques obligent), le monde du travail est à la peine.
D’après l’Eurobaromètre 2022 « sport et activité physique », seuls 9 % des salariés français exercent une activité sportive sur leur lieu de travail, en dessous de la moyenne européenne (11 %) et bien loin des Lituaniens et des Hongrois (21 %) ou des Slovaques (18 %). Seuls l’Italie, le Portugal (5 %) et l’Espagne (8 %) font moins bien que la France au sein de l’Union européenne. Une étude CSA « Baromètre du sport en entreprise 2023 » (pour le compte d’Harmonie Mutuelle et Amaury Sport Organisation) révèle que seule une entreprise sur quatre propose une activité physique dans le cadre professionnel.
35,5 millions d’adultes exposés à un risque sanitaire
Ce constat peu réjouissant a des conséquences en matière de santé publique, rappelle Perrine Nadaud de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). « En France, 95 % des adultes sont exposés à des risques sanitaires élevés mais évitables. Or 5 % seulement ont une activité suffisante pour être protectrice. » Les activités sédentaires en général, et dans le monde du travail en particulier, sont bien évidemment pointées du doigt.
L’Anses a ainsi défini trois seuils à atteindre : la durée de sollicitation cardiorespiratoire (trente minutes d’activité modérée cinq jours par semaine), le travail musculaire en résistance (quarante minutes par semaine) et la durée d’assouplissement (une ou deux fois par semaine pendant vingt minutes). Autant le dire tout de suite, ces seuils ne sont atteints que par, respectivement, 32 %, 63 % et 30 % des adultes.
Écrans et sédentarité
L’agence estime, dans une étude publiée en 2022, à sept heures le temps sédentaire moyen quotidien. Il convient de noter que la sédentarité au travail (15 %) et dans les transports (6,7 %) ne représente que 21,7 % de la sédentarité totale. La « sédentarité de loisirs » (écrans de télévision, d’ordinateur ou jeux vidéo…) pèse donc pour 78,3 %.
À noter également que les jeunes sont plus sédentaires que leurs aînés. L’Anses pointe un écart de cinquante-huit minutes entre les 18-44 ans (sept heures et vingt-deux minutes) et les 45-64 ans (six heures et vingt-quatre minutes). Toujours selon cette étude, 38 personnes sur 100 ont une durée de sédentarité supérieure à huit heures quotidiennes. Là encore, des disparités sont observées en fonction de la catégorie d’âge. Ce phénomène concerne 42 % des adultes de 18 à 44 ans contre 31 % des 45-64 ans. Des temps de sédentarité et un manque d’activité physique qui peuvent s’avérer dramatiques. Au-delà de huit heures par jour en position assise, le risque de mortalité globale augmente de 12 %, et les décès d’origine cardiovasculaire de 22 %.
L’étude de l’Anses met aussi en lumière des disparités entre les femmes et les hommes. Pour elles, la moyenne hebdomadaire de travail musculaire en résistance est d’une heure et quarante-neuf minutes, contre cinq heures et trente-deux minutes pour les hommes.
« Il ne faut surtout pas culpabiliser les salariés qui, pour beaucoup, n’ont pas d’autre choix que de rester assis, mais il est important d’encourager les mobilités actives, insiste Perrine Nadaud, de l’Anses. Les entreprises doivent se saisir de ce sujet. Des solutions très simples pour rompre la sédentarité existent. Elles ne coûtent rien, ni en temps ni en argent, et ont un bénéfice immédiat sur la santé : il faut se lever au moins une fois par heure, que ce soit pour aller chercher un verre d’eau, parler à un collègue au lieu de lui envoyer un e-mail… »
Prise de conscience
Si la situation est alarmante, elle n’est pas désespérée. On assiste même à un début de prise de conscience. L’étude CSA montre ainsi que 78 % des salariés se disent prêts à consacrer du temps à la pratique sportive organisée par leur entreprise. Une énorme majorité d’entre eux (62 %) pourrait être intéressée par l’aménagement des horaires de travail pour la pratique d’une activité durant le temps professionnel. « Nous allons dans le bon sens. L’activité physique et le sport pour tous font de plus en plus partie du paysage des entreprises et des administrations », assure Didier Beseyrre, président de la Fédération française du sport d’entreprise (FFSE).
Cette structure, en forte progression, revendique 2 100 entreprises, structures publiques ou comités sociaux économiques affiliés et 70 000 adhérents. « La question de l’organisation et de l’aménagement du temps de travail doit être une priorité, c’est même indispensable, insiste-t-il. Avant de jouer au foot, les salariés soignent des malades ou vont éteindre un feu. La pratique du sport en entreprise ne doit pas créer une contrainte, elle doit s’intégrer aux rythmes de travail. C’est bon pour tout le monde, employeur, salarié. Tout le monde y trouve son compte. D’un côté, la pratique du sport limite les risques pour la santé des salariés ; de l’autre, elle renforce l’esprit d’équipe, réduit l’absentéisme et améliore la productivité par salarié, jusqu’à 10 % », rappelle le président de la FFSE.
Ce dernier insiste par ailleurs sur la nécessité de favoriser l’accès à la pratique du sport aux femmes, « qui s’occupent le plus souvent des enfants et des tâches ménagères, et qui sont par conséquent astreintes à une deuxième journée de travail sans avoir le temps de pratiquer une activité physique en club ou en salle ensuite ».
Activités sociales, culturelles… et sportives
Les élus du personnel ont bien évidemment un rôle à jouer pour encourager l’activité physique en entreprise. Cela peut faire l’objet d’une négociation, notamment lorsqu’est abordée la question de l’organisation ou de la qualité de vie au travail. Et les élus agissent aussi dans le cadre des activités sociales et culturelles (ASC). Une partie du budget des CSE est traditionnellement consacrée aux activités sportives. Cela passe par l’organisation de cours ou par des aides financières. La Fédération CFDT Communication, Conseil, Culture (F3C) revendique d’ailleurs que les ASC changent de nom pour devenir les ASCS : les activités sociales, culturelles et sportives. Un changement de nom symbolique pour mieux diffuser la pratique du sport en entreprise.
dans le même dossier