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Une Europe en mutation
La politique migratoire en Europe est à un tournant. Après plus de trois ans de négociations, le Parlement européen a voté, le 10 avril dernier, un texte qui durcit les règles d’accueil. Une orientation contestable qui risque de favoriser l’immigration clandestine.
L’Union européenne connaît depuis quelques années une hausse du nombre des arrivées irrégulières et des demandes d’asile. En 2023, l’agence Frontex a ainsi enregistré plus de 380 000 traversées des frontières extérieures de l’UE (+ 17 % par rapport à 2022). Et 1 129 800 personnes ont demandé l’asile dans l’Union européenne en 2023, selon Eurostat (+ 17,5 % sur un an). Cette poussée migratoire, couplée aux tensions géopolitiques aux frontières de l’Europe ainsi qu’à la montée des nationalismes, représente l’un des enjeux politiques forts de ces élections européennes.
“En durcissant les conditions d’entrée, le pacte risque, à terme, de renforcer l’immigration clandestine.”
« L’Europe s’est divisée sur ces sujets »
C’est dans ce climat politique tendu que le Parlement européen a voté, le 10 avril dernier, le Pacte sur la migration et l’asile, dont l’objectif est d’harmoniser les pratiques d’accueil des migrants et des demandeurs d’asile. Un objectif « quasiment insurmontable », selon François Héran, professeur au Collège de France.
«Depuis 2015 et la crise des réfugiés syriens, les États membres se sont profondément divisés sur le sujet, et le paysage politique est très éclaté en matière d’accueil», explique-t-il.
Certains pays, comme la Suède ou l’Allemagne, ont beaucoup accueilli par le passé, et adoptent aujourd’hui une politique migratoire bien plus restrictive. D’autres sont inflexibles. Les pays d’Europe centrale, eux, refusent d’accueillir des immigrés. Et chaque pays veut garder la souveraineté de sa politique migratoire. « En durcissant les conditions d’entrée, le pacte risque, à terme, de renforcer l’immigration clandestine, alerte le professeur Héran. La poussée migratoire augmente dans le monde. Vouloir réduire les migrations vers l’Europe est une idée naïve. »
Le nouveau règlement tente donc de résoudre ces contradictions. D’un côté, il renforce et durcit les contrôles aux frontières, afin de limiter l’immigration illégale, ce qui, pour la CFDT, « accroît les risques de discriminations et de refoulements arbitraires ». De l’autre, il crée un mécanisme de « solidarité » afin de soulager les États membres confrontés à une pression migratoire.
Ainsi, le premier pays d’entrée dans l’UE d’un demandeur d’asile restera chargé de l’examen du dossier mais les autres États membres devront aussi contribuer, en accueillant par « relocalisation » ou par une aide financière.