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Une Europe en mutation
L’Europe sociale gagne peu à peu du terrain. Plusieurs directives ont été adoptées récemment. Des signes encourageants mais qui restent vulnérables tant les questions économiques prédominent.
1. Offrir un accord équitable pour les travailleurs·euses. À retrouver sur : www.etuc.org
Les questions sociales n’ont pas toujours eu bonne presse en Europe. Après la «parenthèse enchantée» de la Commission Delors (1985-1994), qui était parvenue à imposer les organisations syndicales à l’échelle européenne, il aura fallu une crise financière mondiale (2008-2011) pour que l’Union remette en question son approche du tout-économique et que le social fasse timidement son retour à Bruxelles.
En 2017, au sommet de Göteborg (Suède), les Vingt-Sept adoptent le Socle européen des droits sociaux, texte majeur qui édicte 20 grands principes1 censés servir de boussole « sociale » aux États membres. Même si ce socle n’est pas juridiquement contraignant, il marque le tournant pris par l’Union après des années de néolibéralisme.
Jusqu’à présent, cette ligne politique n’avait pas été remise en question. Plusieurs directives ont ainsi pu être amendées ou adoptées au cours de la dernière mandature. Citons notamment la révision de la directive sur le travail détaché, effective depuis le 30 juillet 2020 ; la directive sur le salaire minimum, adoptée le 19 octobre 2022 ; la directive sur la transparence des rémunérations et l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, adoptée le 10 mai 2023, ou encore la directive sur les travailleurs des plateformes, adoptée le 24 avril 2024.
La directive sur le devoir de vigilance, adoptée elle aussi le 24 avril, s’engage à responsabiliser les grandes entreprises vis-à-vis de leurs sous-traitants partout dans le monde.
Si le social reste une prérogative nationale et qu’il n’est pas question d’harmoniser les législations à l’échelle européenne, la Commission, le Parlement et le Conseil ont malgré tout réussi à faire bouger les lignes. «Alors que peu de monde y croyait, cette mandature a permis des avancées étonnantes en matière sociale, analyse Philippe Pochet, l’ancien directeur général de l’Institut syndical européen (Etui). Même les votes au Parlement ont été spectaculaires. La directive sur le salaire minimum, par exemple, a été adoptée à 80 %. Il y a bien eu une appétence pour le social. »
Davantage de solidarité
Chacune des crises vécues par l’Union européenne (la déroute financière, le Covid ou encore la guerre en Ukraine) aura finalement permis d’avancer vers davantage de solidarité à l’échelle du continent. Président du Mouvement européen, Hervé Moritz partage ce constat : «La révision de la directive sur le travail détaché est un bon exemple. L’Union a été capable de prendre à bras-le-corps ce sujet et mettre un frein aux dérives que l’on constatait.»
Ce dynamisme sur les questions sociales pourrait cependant connaître un sérieux ralentissement selon les résultats des prochaines élections. Les derniers sondages indiquent, jusqu’à présent, une poussée des partis les moins enclins à avancer sur ces thèmes. Les négociations risquent d’être plus compliquées au sein du futur Parlement. Et si l’Union européenne devait encore disposer d’une majorité progressiste, le risque de blocage sur bien des sujets est réel. « L’enjeu de la prochaine mandature va être la mise en œuvre du Pacte vert, souligne Hervé Moritz. L’Europe doit travailler sur l’accompagnement social de cette transition. » Une prochaine étape de l’Europe sociale qui reste encore à écrire.
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