Les salariés de LDC refusent d’être les dindons de la farce

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iconeExtrait de l’hebdo n°3944

La direction du leader français de la volaille a annoncé son projet de cessation d’activité du site de Blancafort d’ici à la fin mars 2025. La CFDT mobilise tout son réseau pour accompagner les 119 salariés concernés.

Par Emmanuelle Pirat— Publié le 03/12/2024 à 13h00

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© Patrick Allard/RÉA

Tout faire pour ne pas laisser les salariés au bord de la route. C’est ce à quoi s’emploie activement la CFDT depuis l’annonce, le 24 octobre, du projet de cessation d’activité de l’usine du groupe LDC – leader français de la volaille et des plats transformés – située à Blancafort (Cher / Centre-Val de Loire). Ledit projet doit prendre effet le 31 mars 2025.

L’usine, spécialisée dans l’abattage et la découpe de dindes, emploie 119 salariés. Les 80 intérimaires, eux, ont déjà été remerciés en septembre dernier. « Depuis cet été, la production a fondu de moitié. On est passé de 40 000 à 20 000 dindes par semaine. Avec ces volumes-là, on ne peut plus être rentable, explique Stéphane Pierrot, le délégué syndical CFDT. Et en perdant les intérimaires, on n’a plus le personnel suffisant pour conserver certains marchés comme les “baby dindes”, ces spécialités de fête très rentables. On est entré dans un cercle vicieux. »

L’incompréhension et l’injustice

Cela dit, les difficultés de rentabilité du site semblent plus anciennes et plus structurelles. Entre la crise de la grippe aviaire, entre 2022 et 2023, qui a profondément affecté la production de la filière et la baisse de la consommation de dinde au profit du poulet, le marché de ce style de volailles n’est plus aussi porteur. De bonnes raisons pour sacrifier le site de Blancafort ? « Nous avions reçu les premiers signaux d’alerte il y a un an, au niveau du groupe, au moment de la présentation de projets de réorganisation. Nulle part n’était évoqué le site de Blancafort », indique Violaine Jaunereau – consultante chez Syndex et grande connaisseuse du groupe LDC –, qui accompagne l’équipe CFDT.

La mauvaise nouvelle a suscité d’autant plus d’incompréhension des salariés et un sentiment d’injustice que, « lors du dernier épisode d’influenza aviaire, les salariés se sont investis à 300 % dans le plan de soutien du groupe LDC afin d’aider les sites des régions les plus touchées. Pendant cette période, les conditions de travail, déjà très pénibles, ont été aggravées par une production intensifiée en vue de répondre à la demande », précise Véronique Dournel, de la CFDT Agri-Agro, dénonçant l’« attitude inadmissible du groupe LDC ». Autre motif de colère des salariés : au moment même où LDC se désengage de Blancafort, le groupe investit en Pologne (il vient de racheter le leader national de l’abattage de dindes), en Allemagne ou en se portant acquéreur du groupe Pierre Martinet – Le Traiteur intraitable (l’opération est en cours). « LDC a les moyens de s’offrir des usines mais n’a pas les moyens d’investir chez nous ! », s’émeut Stéphane Pierrot.

Tous les acteurs autour de la table

À Blancafort, les négociations viennent de commencer, après la signature d’un accord de méthode. L’espoir de trouver une solution avant la date fatidique du 31 mars n’est pas complètement vain : on pourrait imaginer une reconversion du site permettant d’assurer la production d’un autre type de viande ou la reprise par un autre industriel… Quoi qu’il en soit, la CFDT s’est mobilisée à tous les niveaux de l’organisation – de la Confédération jusqu’à la section en passant par la CFDT Agri-Agro et l’Union régionale interprofessionnelle Centre-Val de Loire, accompagnée par ses traditionnels partenaires (le cabinet Syndex et la société d’avocats LBBa) – afin d’explorer tous les scénarios possibles. Y compris en mettant autour de la table les acteurs du territoire comme Dev’up, une structure régionale visant à relancer l’attractivité en région.

Conscients des difficultés, les salariés ne se bercent pas d’illusions, tant la localisation de l’usine (en milieu rural et dans un bassin d’emploi très peu dynamique) offre peu d’attractivité ainsi que peu de possibilités de reconversions. « Les trois sociétés qui existent dans un périmètre de 15 kilomètres autour de Blancafort ferment ou licencient. Et Bourges est à une heure de route… », détaille Stéphane.

Il faut un accompagnement à la hauteur !

1. Dispositif de certification des savoirs de base, CléA s’adresse aux salariés et demandeurs d’emploi sans diplôme…

À propos de l'auteur

Emmanuelle Pirat
Journaliste

Il est nécessaire de négocier le meilleur accompagnement possible pour ces salariés, tant sur le plan financier qu’humain, avec des formations permettant la reconversion. Stéphane a d’ores et déjà obtenu le financement de formations au permis de conduire, à la certification CléA1 mais attend aussi que la direction mette la main au portefeuille. « LDC doit apporter un accompagnement digne et à la hauteur des moyens financiers gigantesques qui sont les siens », conclut le délégué syndical CFDT.