Les défis d’une rentrée hors normes

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iconeExtrait de l’hebdo n°3931

Après cinquante jours de vacance du pouvoir et à un petit mois de la date limite de dépôt du projet de loi de finances (dont dépend tout l’agenda économique et social), les dossiers en attente d’arbitrage s’accumulent. De son côté, la CFDT veut jouer la carte du dialogue social interprofessionnel mais n’appelle pas à manifester le 1er octobre. Sa rentrée sociale se fera avec les équipes syndicales, auprès des travailleurs.

Par Anne-Sophie Balle— Publié le 03/09/2024 à 12h00

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© Éric Tschaen/RÉA

Avec l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, le 9 juin dernier, s’est ouverte une phase inédite de pause politique, le gouvernement démissionnaire en étant réduit à la gestion des affaires courantes dans l’attente de la nomination d’un nouveau Premier ministre… qui devait intervenir après les Jeux olympiques de Paris 2024. Mais, à la fin août, le président de la République a fermé la porte à un gouvernement mené par la cheffe de file du Nouveau Front Populaire, Lucie Castets, et lancé un nouveau cycle de concertations qui semble ne plus finir. Résultat, le pays tourne sans réellement avancer, tandis que les dossiers eux, s’amoncellent. « Autant le choix du Premier ministre est une prérogative du président de la République, autant le délai est problématique pour la démocratie sociale et ne répond pas aux enseignements de la crise politique que nous avons connue avant l’été », estime Yvan Ricordeau, secrétaire général adjoint de la CFDT.

Un budget sous haute pression

Un point inquiète particulièrement les acteurs économiques et sociaux : le budget 2025. « Tout l’agenda économique et social dépend du projet de loi de finances. Or plus le blocage politique perdure, plus précipité sera le budget », note le secrétaire général adjoint. De fait, le temps presse : la date limite de remise du budget au Parlement est fixée au 1er octobre. D'ici là, le projet de loi de finances doit être soumis au Conseil d'Etat et au Haut Conseil des finances publiques, et présenté en conseil des ministres. Le 20 août dernier, Gabriel Attal a envoyé aux différents ministères les « lettres plafonds » – indiquant les enveloppes de crédits qui leur sont accordées pour l’an prochain. Et bien que celles-ci puissent être remises en question par le prochain gouvernement, ces premiers arbitrages pris par le gouvernement sortant (après une première coupe de 10 milliards d’euros décidée en février dernier) dénotent en réalité une cure d’austérité qui ne dit pas son nom… Matignon aurait notamment demandé au ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités un effort total de 3 milliards d’euros, dont 400 millions via la réduction des aides à l’apprentissage et 200 millions de crédits en moins pour France Travail dans un contexte de baisse du chômage.

Un équilibre à trouver

1. Cet accord n’est pas entré en vigueur faute d’homologation par l’État.

Dans ce contexte et face au blocage politique actuel, la place du dialogue social interprofessionnel peut et doit être centrale, estime Yvan Ricordeau : « Il y a une responsabilité des partenaires sociaux dans la période à s’entendre sur les enjeux du pouvoir d’achat et du travail, sur lesquels les travailleurs nous attendent, mais aussi à élargir notre capacité d’action à l’échelle nationale. C’est d’ailleurs ce que nous avons exprimé devant les autres organisations syndicales et patronales avant l’été. » Fin août, le Medef a tenté une première « mise de jeu » au sujet de l’emploi des seniors, en proposant de relancer la négociation Pacte de la vie au travail, qui avait échoué à la mi-avril… à condition que cela s’accompagne d’une baisse des cotisations prévue dans l’accord de novembre 2023 d’assurance chômage1. « Le Medef n’a qu’un objectif économique, or c’est précisément à cause de cela que la négociation a planté en avril. S’il n’y a pas d’équilibre, on ne trouvera pas de réponse, prévient Yvan Ricordeau. Cela vaut pour tous les sujets sociaux qui sont sur la table. »

C’est sans doute par l’assurance chômage qu’il faut commencer. Alors que le gouvernement a refusé d’agréer l’accord conclu à la fin novembre 2023 par les partenaires sociaux, il a finalement renoncé, au soir du premier tour des élections législatives, à sa réforme qui prévoyait de réduire une nouvelle fois la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Aujourd’hui, c’est un décret de jointure qui prévaut et permet de prolonger les droits actuels jusqu’au 31 octobre. Mais au terme de ce délai, si aucun accord n’était trouvé, le spectre de la réforme voulue par Gabriel Attal pourrait resurgir. « On a donc tout intérêt à reprendre cette négociation au plus vite, assure Yvan Ricordeau. Mais il faut traiter la question de manière globale en lien avec l’emploi des seniors, ce qui implique pour nous la gestion des fins de carrière et la retraite progressive. »

Une rentrée qui s’annonce offensive

Côté retraites, justement, si la CFDT n’a absolument pas renoncé à obtenir l’annulation de l’âge légal de départ à 64 ans, elle ne défilera pas lors des manifestations du 1er octobre aux côtés de la CGT et Solidaires – Yvan Ricordeau regrettant au passage le mode opératoire retenu par la CGT, en l’occurrence de décider seule d’une date et d’un mot d’ordre de mobilisation… sans consulter l’intersyndicale. Au-delà de ce problème de forme, « il n’est pas dans l’habitude de la CFDT de dire que rentrée sociale équivaut à mobilisation », affirme le secrétaire général adjoint.

À propos de l'auteur

Anne-Sophie Balle
Rédactrice en chef adjointe de Syndicalisme Hebdo

Sa rentrée sociale, la CFDT la fera avec l’ensemble de ses équipes syndicales, sur les lieux de travail. « Le syndicalisme que nous pratiquons suppose que l’on s’appuie sur les forces vives que sont nos militants. Nous serons tout aussi attentifs à ce que disent et vivent les travailleurs que nous serons offensifs vis-à-vis de l’exécutif et du patronat. La question n’a jamais été celle du casting – car on ne choisit pas nos interlocuteurs – mais plutôt celle des réformes qui sont devant nous (pouvoir d’achat, travail, services publics, transition écologique…) et des moyens que l’on se donne pour les mener. »