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Extrait de l’hebdo n°3916
Un accord exemplaire a été signé il y a deux ans dans cette coopérative céréalière grâce à un solide accompagnement par une structure tierce, FETE. Depuis, le CSE (à majorité CFDT) et la direction font vivre ce texte qui favorise l’évolution des mentalités.
Tout est parti d’un constat. « Quand nous avons entamé notre mandat au CSE, en 2020, nous avons fait un état des lieux. Il n’y avait pas d’accord sur l’égalité professionnelle chez Dijon Céréales », précise Ludovic Lignier, délégué syndical CFDT de la coopérative agricole fondée il y a une trentaine d’années et basée dans la banlieue de Dijon (Côte-d’Or / Bourgogne-France-Comté). En 2024, elle emploie 52 femmes pour 191 hommes. Et comme dans d’autres entreprises, le compte n’y est pas quand il s’agit d’égalité professionnelle : les femmes accèdent moins facilement à des postes à responsabilités, et elles sont moins nombreuses que les hommes à accéder aux plus hauts niveaux de rémunération. « Nous en avons parlé avec la direction, qui nous a répondu qu’il était temps de le faire », poursuit Ludovic, rencontré avec plusieurs membres du comité social et économique. Mais comment faire ? Quelle méthodologie appliquer pour un sujet que l’on ne maîtrise pas ?
Une commission du CSE dédiée à l’égalité professionnelle
En vue de mener à bien cette négociation, une commission du CSE dédiée à l’égalité professionnelle est créée, dans la lignée des principes de fonctionnement mis en place lors du précédent mandat. « Il y a quatre ans, explique Alain Lebel, secrétaire du CSE, qui travaille main dans la main avec Ludovic, nous avons mis en place la transparence au sein du CSE : nous prenons l’avis de chacun, nous redonnons les informations et, sur les dossiers comme celui de l’égalité professionnelle, nous mettons en place des commissions avec des personnes sensibles et motivées par le sujet. »
L’équipe fait aussi appel à une structure tierce et locale : FETE - Femmes égalité emploi. Cette entité, à la fois association et coopérative, propose de la formation et de la sensibilisation à l’égalité entre les femmes et hommes (côté association), et accompagne directions et organisations syndicales dans la négociation pour l’égalité professionnelle (côté coopérative). « Avec l’équipe de Dijon Céréales, les travaux ont duré environ huit mois », explique Solène Malaman, chargée de projet en égalité professionnelle à la coopérative FETE. « Nous avons d’abord récolté des données statistiques pour établir un diagnostic. Puis nous avons parlé des possibles actions à mettre en place, avant d’imaginer un projet d’accord. Notre rôle, c’est surtout de la médiation », poursuit-elle. « Nous ouvrons la boîte à outils et nourrissons les débats avant que se tiennent les réunions de négociation à proprement parler, où nous sommes plus à distance, car c’est à la direction et à la section CFDT de choisir quels dispositifs, quelles choses mettre en place ou non. »
Pour l’équipe de Dijon Céréales, cet accompagnement a été déterminant. « S’entourer de personnes compétentes, pour les novices que nous étions, c’est très important », appuie Ludovic. « L’appui de FETE a été fondamental. Grâce à elle, on a su évoluer et se rapprocher d’un cadre légal. Nous en avions bien besoin. Nous sommes dans le milieu agricole, un environnement machiste », rappellent Cécile Leuci et Émilie Sindt, membres de la commission.
Quinze actions assorties d’un calendrier et d’indicateurs
L’accord (conclu le 18 février 2022) propose des actions dans quatre domaines : la santé et la sécurité au travail ; la rémunération effective ; la formation ; l’articulation entre vie privée et vie professionnelle. Les actions, quinze au total, vont de la sensibilisation des managers à l’information des salariés sur le harcèlement (moral, sexuel et outrages sexistes) en passant par la réduction des écarts de salaires liés au temps partiel… Il propose aussi de soutenir la parentalité avec plus de jours de congés rémunérés pour enfant malade ou handicapé, une revendication CFDT.
Pour chaque action, l’accord prévoit un objectif, un calendrier, des personnes référentes, un budget et un indicateur de suivi. « C’est un accord qui est plus concret et engageant que la majorité des accords. Sur la partie rémunération, on n’est pas encore sur la création d’une enveloppe de rattrapage salarial mais c’est très prometteur, à signature », précise Solène Malaman. « Notre volonté, ce n’était pas de se contenter d’un one shot, explique Emmanuel Coignet, directeur des ressources humaines de Dijon Céréales. Nous voulions quelque chose sur le temps long, avec des mesures qui engagent, un suivi et une démarche structurante et innovante. C’est un sujet complètement nouveau pour nous. Et, malgré les dispositions légales, ce n’était pas une priorité jusqu’alors. »
Premier bilan
Un peu plus de deux ans après sa signature, l’accord continue de vivre. « Nous avons mis en place 80 % de ce que l’accord prévoit », affirme le DRH. Une commission de suivi dudit accord a été mise en place, qui communique en permanence. « Nos échanges portent sur là où on en est, on sollicite les RH sur l’avancement, etc. », indique Cécile Leuci. Et comme l’accord ne s’appliquera que jusqu’en février 2025, les parties prenantes réfléchissent déjà à la suite. « Un bilan global sera fait et de nouvelles discussions auront lieu », promet Emmanuel Coignet. Ludovic Lignier, par ailleurs engagé au niveau régional dans la commission égalité professionnelle de l’URI Bourgogne-Franche-Comté, animée par Fabienne Coronel, précise : « Nous sommes toujours en contact avec FETE. Nous nous sommes fixé l’échéance de six mois avant la fin de l’accord pour faire un état des lieux et voir quel point pourra être poussé, dans le cadre d’un nouvel accord. » Sans aucun doute pour ancrer un peu plus l’égalité professionnelle dans la culture de l’entreprise.
Lutter contre les violences sexistes et sexuelles au travail
Afin de lutter contre les violences sexistes et sexuelles au travail, l’accord prévoit une formation des managers et des référents (CSE et employeur). Une enquête a aussi été menée par l’équipe CFDT (soutenue par la CFDT-Agri-Agro), avec la direction. Ainsi, 65 % des répondants indiquent que leur environnement de travail immédiat est exclusivement masculin ; 21 % trouvent que le sexisme est banalisé ; 15 % disent entendre des blagues ou des propos sexistes ou liés à l’orientation sexuelle dans leur environnement de travail ; 16 % voient parfois passer des images gênantes, dégradantes, à connotation sexuelle (82 % jamais et 2 % souvent) ; 31 % des répondants ont été témoin au moins une fois d’une attitude à connotation sexuelle, sans contact physique. « Cette enquête nous a d’abord permis de sensibiliser sur le sujet, ensuite d’améliorer l’identification des référents et d’envisager la procédure à mettre en place », indique le délégué syndical Ludovic Lignier.