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Extrait de l’hebdo n°3919
Dans la Somme, les militants de la section CFDT de l’association départementale des amis et parents d’enfants inadaptés ont doublé leur nombre d’adhérents en un an. Ils ont aussi remporté les élections… et n’entendent pas s’arrêter au milieu du chemin.
C’était 21 % aux élections professionnelles de 2014, 33 % en 2019, 45 % en mars 2023… et la première place au sein de cette association qui compte 900 salariés répartis dans 36 établissements. Une énorme satisfaction pour Pierre Graux, délégué syndical central, et ce, d’autant plus que plusieurs bastions CGT ont basculé voire disparu. Certes majoritaire en 2014, elle est passée de 53 % à 33 % en dix ans. Quant à FO, elle a vu son score baisser et passer de 26 % à 22 %. La victoire de la CFDT se révèle d’autant plus appréciée qu’elle est à mettre en regard du fort taux de participation (75 %).
Une belle progression au fil du temps
Cette progression ne s’est évidemment pas produite du jour au lendemain. Il a fallu convaincre les salariés du bien-fondé du projet CFDT visant à faire revivre un dialogue social laissé en jachère par une organisation qui avait tendance à se reposer sur ses lauriers. « On a construit petit à petit un collectif de militants. J’ai fait des kilomètres, et jamais les mains vides. Ça demande du temps et de l’investissement militant ; c’est comme ça que l’on s’est implanté peu à peu : doucement mais sûrement. » La CFDT est aujourd’hui présente dans 25 des 36 établissements.
En parallèle d’une visite d’un établissement chaque mois, Pierre, éducateur spécialisé, a fait des « réunions de secteur » un nouveau temps fort – ce qui a offert l’occasion de réunir régulièrement les adhérents et militants en proximité géographique immédiate. Un travail de fourmi, donc, mais qui paye. De 17 adhérents en 2014, la CFDT est passée à 50 en 2023 puis à 107 en 2024 ! Et si la participation au Grand Boost a favorisé la multiplication des adhésions découverte, c’est bien la proximité qui a permis de transformer l’essai.
Le collectif donne la force d’agir
Au sein de la maison d’accueil spécialisée (MAS) d’Abbeville, ce sont ainsi 20 salariés (sur 70) qui se sont laissés tenter par l’adhésion découverte en 2023, et toujours présents dans les effectifs. Cela s’est aussi traduit lors du scrutin : la CFDT a récolté 70 % des suffrages dans ce bastion CGT (contre 30 % lors des précédentes élections professionnelles) – une grande satisfaction pour Sabrina Ansard, déléguée syndicale de l’établissement. Après avoir fait le constat de la dégradation des conditions de travail, de l’insuffisance d’équipements adaptés et d’un manque chronique d’effectifs, elle a rejoint la CFDT en voulant faire entendre la voix des salariés, mais aussi celle des résidents. « Ils sont notre priorité. Nous sommes très attachés à eux. C’est pour leur bien qu’on se bat. Nos conditions de travail sont intimement liées à leurs conditions d’accueil. » Elle a réussi à entraîner un tiers de ses collègues dans son sillage. « Le collectif nous donne plus de force pour agir. Nous ne sommes plus seules, nous nous sentons soutenues. »
Les premiers résultats ne se sont pas fait longtemps attendre. La direction – après avoir imposé unilatéralement des modifications de plannings, privant les salariés (majoritairement des femmes) d’un mercredi sur deux – a fini par revoir sa copie, passant à un mercredi sur quatre. Ce recul de la direction témoigne de la détermination du jeune collectif. « Nous avons aussi obtenu des chaussures antidérapantes, qui nous facilitent la vie au quotidien lorsque nous prenons en charge des résidents. » Alors que les arrêts de travail se multiplient, la militante a également lancé une enquête centrée sur les troubles musculosquelettiques. Les résultats constitueront un matériau précieux lorsqu’il s’agira d’interpeller la direction et d’affiner les revendications.
Conditions de travail et conditions d’accueil
1. Institut médico-éducatif.
Même constat à l’IME1 d’Abbeville. La CFDT y a progressé de 25 points en quatre ans, passant de 10 à 35 % des suffrages. « Pendant la période Covid, on recevait des avenants à nos contrats. Notre établissement a été fermé et nous avons été répartis sur différents sites. Je me posais beaucoup de questions, et la CFDT m’a apporté les réponses. Je me suis ensuite demandé comment je pouvais rendre la pareille », explique Daniel Coulon, délégué syndical CFDT de l’IME d’Abbeville. Après avoir adhéré et suivi plusieurs formations, il met en place une permanence mensuelle en vue de répondre aux interrogations de ses collègues. Longtemps absente du site abbevillois (un bastion CGT pendant de longues années), la CFDT compte désormais sept adhérents sur 50 salariés.
2. Commission santé, sécurité et conditions de travail.
Au Foyer de vie de Corbie (Somme), huit adhésions ont été enregistrées par Dominique Lefebvre, élu CSE et CSSCT2, qui a fait de l’information aux salariés sa spécialité. Qu’il s’agisse de la complémentaire santé ou de la prévoyance des salariés confrontés à des situations de handicap ou de maladie, le militant est incollable. « Il n’est pas question de se contenter d’afficher les comptes rendus d’instances, explique cet aide médico-psychologique. Je fais beaucoup de pédagogie auprès de mes collègues, et en sorte que la CFDT soit visible, de valoriser nos résultats et répondre à toutes les interrogations des salariés. C’est un accompagnement sur mesure ! » Avec le développement en leitmotiv. Parmi les 40 salariés, 25 % sont adhérents CFDT.
Pour Francis Lecomte, élu de la maison d’accueil spécialisée Le Châtaigner, à Cagny, le sur-mesure passe entre autres par l’appui et l’expertise qu’il apporte à un salarié devant monter un dossier maladie ou de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). Là aussi, ça fonctionne. Sur les 54 salariés du site, douze sont adhérents CFDT. Un motif de fierté pour cet ancien boulanger qui s’est reconverti il y a quelques années : « J’ai roulé ma bosse pendant quarante ans, et je me suis demandé comment je pouvais être utile, comment je pouvais apporter ma pierre à l’édifice. »
Une forte présence à la table des négociations
Si la proximité, la réactivité et l’information aux adhérents peuvent expliquer le succès de la section, cette réussite est aussi fortement liée à un cahier revendicatif bien rempli et aux avancées obtenues à la table des négociations. Les derniers en date, ce sont une réduction du temps de travail de deux heures bénéficiant aux personnels dès 57 ans ; la négociation d’un accord qualité de vie au travail qui donne la priorité aux salariés de l’Adapei 80 à temps partiel et de nuit sur les postes à pourvoir dans l’un des 36 sites ; un accord « journées illimitées enfant malade » ; deux années consécutives avec des primes pouvoir d’achat, jusqu’à 500 euros par salarié.
Dans les semaines à venir, la section CFDT souhaite mettre à l’ordre du jour la mise en place d’un compte épargne-temps, espère voir aborder la problématique des mobilités durables et de l’écologie, veut négocier la gestion et la sécurisation des parcours professionnels. « Des passerelles doivent être mises en place entre les différents établissements pour favoriser les mobilités internes », explique Pierre Graux.
La formation syndicale, autre priorité
Dernière priorité du collectif : la formation syndicale. « Il est indispensable de faire monter les militants et adhérents en compétences. L’émancipation est une valeur qu’il faut faire vivre », poursuit Pierre. Proposition de l’adhésion, négociations annuelles obligatoires, rôle du délégué syndical, nouvel adhérent… : « Nous envoyons du monde partout ! » Avec, déjà, en ligne de mire, le prochain scrutin et l’ambition de franchir le cap des 50 % de voix pour la CFDT.