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Extrait de l’hebdo n°3921
Le Premier ministre a dévoilé les principales mesures de la réforme de l’assurance chômage qui s’appliquera à compter du 1er décembre. Un énième tour de vis qui confirme l’entêtement de l’exécutif à réduire les droits des chômeurs.
« Si nous ne réformons pas l’assurance chômage aujourd’hui, nous risquons de caler sur la route du plein-emploi », martelait le Premier ministre Gabriel Attal dans un entretien accordé à La Tribune Dimanche ce 26 mai, avant de dérouler les nouvelles restrictions appliquées aux demandeurs d’emploi à compter du 1er décembre. Il est vrai que les principaux éléments avaient déjà été distillés ces derniers jours aux partenaires sociaux reçus un à un par Catherine Vautrin, la ministre du Travail. Il n’empêche : cette énième réforme de l’assurance chômage (la troisième depuis 2021) est peut-être la plus brutale, traduisant un « entêtement incompréhensible et inacceptable, réagit Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT. On assiste à un détricotage en règle des protections que les partenaires sociaux ont construit au fil des ans. » Et ce, en s’attaquant à tous les paramètres d’indemnisation ou presque.
Accès, durée, filière seniors… ce qui change
Le premier tour de vis concerne l’accès à l’indemnisation. À compter du 1er décembre, il faudra avoir travaillé huit mois sur les vingt derniers mois pour prétendre à une allocation chômage (contre six mois sur vingt-quatre actuellement). De quoi pénaliser les jeunes qui entrent sur le marché de l’emploi et les précaires, abonnés aux CDD ou à l’intérim. Au total, 190 000 personnes pourraient ainsi passer sous le seuil d’ouverture de droits, selon les chiffres fournis aux syndicats par le ministère du Travail.
Mécaniquement, cet allongement de la période d’affiliation va avoir un effet sur la durée maximale d’indemnisation (déjà raccourcie en 2021), qui passera au 1er décembre de dix-huit à quinze mois pour les moins de 57 ans. Les seniors ne seront pas épargnés ; ils pourraient même payer un lourd tribut du fait de la suppression du premier palier de ce que l’on appelle communément la filière seniors. De fait, la borne d’âge de 53 ans (qui permettait d’avoir une indemnisation plus longue) est supprimée et celle de 55 ans est reculée à 57 ans, conséquence de la réforme des retraites. Passé 57 ans, la durée maximale d’indemnisation passera à vingt-deux mois et demi (contre vingt-sept actuellement). Tous les autres connaîtront une durée maximale d’indemnisation de quinze mois. Pour les 55-56 ans, cela représente près d’un an de réduction de droits !
Afin d’inciter à la reprise d’emploi, le gouvernement annonce la création d’un « bonus emploi senior ». Celui-ci viendra compléter pendant un an la différence de salaire pour les seniors qui accepteraient un emploi moins bien payé que le précédent. Ce complément, versé par l’Unédic, permettra alors de compenser le manque à gagner pour les salaires jusqu’à 3 000 euros. Une « prime à l’emploi low cost », dénoncent les syndicats, qui risque de précariser encore davantage l’emploi des seniors.
Douze mois en cas de plein-emploi
Enfin, le gouvernement revient en force sur l’idée qu’il avait avancée à la fin 2022 d’une deuxième étape de la « contracyclicité » – ce principe qui consiste à moduler la durée d’indemnisation en fonction du taux de chômage. Le chômage étant à moins de 9 %, la durée d’indemnisation est actuellement diminuée de 25 %. Mais le gouvernement a décidé d’ajouter un nouveau seuil, égal à 6,5 %. Si le chômage passait en dessous, la durée d’indemnisation serait alors réduite de 40 % et tomberait à douze mois au maximum pour les moins de 57 ans et dix-huit mois au-delà.
Et les employeurs dans tout cela ? « De ce côté, il semblerait que le gouvernement hésite à durcir le bonus-malus et donc à limiter les recours abusifs aux contrats courts », ironise la CFDT. Gabriel Attal souhaite en effet pouvoir « examiner l’opportunité d’étendre le dispositif » instauré en 2021 sur un échantillon de secteurs d’activité (sept au total) et dont les effets sont, sans surprise, très limités compte tenu du faible périmètre d’application. « Je constate qu’ils n’ont pas la main qui tremble quand il s’agit de diminuer les droits des chômeurs ; j’aimerais qu’ils aient la main un peu plus ferme quand il s’agit de demander des comptes aux entreprises », a déclaré Marylise Léon sur BFM Business.
Obsession budgétaire
« Ce n’est pas une réforme d’économie, mais de prospérité et d’activité », se défend l’exécutif. Matignon confirme pourtant que les nouvelles mesures généreront à l’horizon 2025 une économie de 3,6 milliards d’euros par an. « En communiquant sur 3,6 milliards d’euros d’économies en plus de celles déjà réalisées, le gouvernement affiche clairement sa seule préoccupation. La CFDT craint une note encore plus salée pour les chômeurs car le gouvernement ne précise aucunement les conséquences d’une baisse de droits des demandeurs d’emploi en matière d’accès à l’indemnisation, de montant ou de durée », estime Olivier Guivarch, secrétaire national en charge de l’emploi, qui plaide ardemment pour une « assurance chômage plus protectrice : un revenu de remplacement décent, un accompagnement spécifique, des emplois de qualité ».
De leur côté, les économistes pointent le « coût social élevé » de ces réformes successives avec des effets sur l’emploi que l’on n’a pas encore mesurés. « On a déjà eu deux réformes de l’assurance chômage qui ont réduit les allocations en moyenne de 20 %, et même un peu plus pour certains publics. Aujourd’hui, on estime qu’environ quatre personnes sur dix au chômage perçoivent une allocation, et on risque de passer encore en dessous », développe l’enseignant-chercheur Michaël Zemmour. Évaluer les effets sur l’emploi des précédentes baisses de droits – comme le réclament depuis des mois les organisations syndicales – aurait sans doute été un préalable utile à toute nouvelle réforme. Mais le gouvernement, tout aussi soucieux de donner des gages à Bruxelles que de réussir son pari du plein-emploi, continue à rogner les droits des plus précaires.