La dernière usine Saupiquet de France fermera à Noël

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iconeExtrait de l’hebdo n°3942

Saupiquet ne sera bientôt plus présent en France. Depuis l’annonce brutale, en juin dernier, de la fermeture du site de Quimper, la CFDT négocie au mieux les conditions de reclassement et d’accompagnement des 155 salariés, aidée par la cellule de veille régionale.

Par Emmanuelle Pirat— Publié le 19/11/2024 à 13h00

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© Jean-Claude Moschetti/RÉA

Dans un mois, le 20 décembre, la dernière usine Saupiquet en France, basée à Quimper (Finistère / Bretagne), arrêtera ses lignes et fermera définitivement ses portes. Or cette fermeture signe la fin de l’histoire industrielle française de la marque, créée au xixe siècle par Arsène Saupiquet, et qui a compté jusqu’à neuf usines en Bretagne et Pays de la Loire, dans les années 50. Avec, à l’époque, des conserveries de viandes, légumes et poissons, plats cuisinés, avant un recentrage sur la conserverie de poissons (sardine, thon et maquereau) dans les années 90, puis le rachat de la marque par le groupe italien Bolton Food en 2000. Spécialisé dans la fabrication de conserves de sardines et de maquereaux, dont les ventes sont en forte baisse depuis quelques années, le site de Quimper voit sa production délocalisée dans deux sites (un en Espagne, l’autre au Maroc).

Un véritable coup de massue…

L’annonce de la fermeture a été faite aux 155 salariés le 11 juin dernier. « Nous savions que l’entreprise avait des difficultés depuis quelques années du fait d’un marché en baisse. Mais à chaque fois que l’on évoquait le sujet avec la direction du groupe, elle nous rassurait. Elle nous disait : “Le groupe vous soutient.” Et se donnait au moins jusqu’en 2027 pour revoir la stratégie… Autant dire que nous ne nous attendions pas à une fermeture aussi brutale et rapide ! Ça a été un coup de massue ! », explique Valérie Bonder, la déléguée syndicale CFDT – et d’ailleurs la seule DS du site (où la CFDT, majoritaire, détient également le CSE).

Après le choc et la sidération, Valérie n’a pas eu le temps de s’appesantir : « Dès le lendemain de l’annonce, on commençait la procédure d’information-consultation liée au PSE ! L’usine devant fermer le 20 décembre, ils nous ont fixé des échéances qui nous mettaient sous pression. » Sans attendre, donc, la déléguée syndicale CFDT a mis en place une « team PSE », en s’entourant en interne de deux collègues, un ouvrier de son équipe et un cadre, « pour l’équilibre des points de vue ».

Heureusement, c’est sur un fort soutien extérieur que Valérie va pouvoir compter. Un appui composé non seulement du Syndicat Agri-Agro du Finistère mais aussi de l’ensemble des partenaires de la cellule de veille régionale autour des cabinets Syndex (pour l’accompagnement lors de la négociation du PSE), Catalys Conseil (pour le volet reclassement) et de la société d’avocats LBBa (pour les aspects juridiques).

… Et un très précieux accompagnement pour la CFDT

Dans ce contexte, avec des échéances aussi rapprochées et deux mois de vacances d’été qui venaient compliquer le calendrier, le soutien des partenaires a été extrêmement précieux. « Cela a été un véritable atout de les avoir à nos côtés. Ce sont des experts qui ont l’habitude de négocier ce genre de choses », explique la déléguée syndicale dont c’était la première expérience de plan social ; elle dit s’est sentie « rassurée » par ce soutien. D’autant plus que, côté direction, les négociateurs avaient fait appel à un « manager de transition », c’est-à-dire un expert des restructurations dont c’est le métier de gérer ce genre de situation. En face, la « team PSE » ne s’est pas démontée. « On faisait une réunion avant chaque séance de négociation pour appuyer l’équipe de trois personnes, passer en revue les mesures proposées par la direction, faire des simulations sur les conséquences, apporter des éléments… Cela a permis de nourrir leur argumentaire », explique Armelle Feroc, consultante chez Syndex et spécialiste de l’agroalimentaire, qui a accompagné l’équipe Saupiquet durant ces semaines très éprouvantes. Syndex, expert désigné par le CSE depuis plus d’une dizaine d’années, a « l’avantage de bien connaître l’entreprise. On pouvait ainsi mieux challenger l’entreprise, avoir un argumentaire plus construit, notamment sur le volet économique ».

Outiller, accompagner, prévenir

Le fait que les partenaires aient l’habitude de travailler ensemble a également permis une intervention plus rapide et plus efficace. C’est d’ailleurs tout le sens de la cellule de veille régionale mise en place par l’Union régionale interprofessionnelle (URI) de Bretagne depuis plusieurs années : permettre d’améliorer l’accompagnement des équipes, les outiller dans le cadre de leurs négociations mais aussi « les alerter sur certaines situations telles que la sursollicitation de la part des médias ou certains risques psychosociaux propres aux tensions qui accompagnent les fermetures d’entreprises », explique Michel Le Bot, secrétaire du Syndicat Agri-Agro du Finistère. De fait, à Quimper, « à l’approche de la date de la fermeture de l’usine, les comportements changent, les tensions s’exacerbent », précise Valérie. D’autant plus que la direction a demandé d’accélérer la cadence de production afin de « faire des stocks pour éviter les ruptures d’approvisionnement en début d’année prochaine ».

Tenir encore un mois

À propos de l'auteur

Emmanuelle Pirat
Journaliste

Alors, certes, la négociation aura permis d’aboutir à un PSE « correct, même si, bien sûr, nous aurions préféré garder notre outil de travail », indique Valérie. Pour l’instant, il faut encore tenir un mois. Certains des salariés ont déjà envisagé l’avenir – un projet de formation ou un nouvel emploi. D’autres ne parviennent toujours pas à se projeter. Le CSE a prévu de maintenir le dîner de Noël afin de rassembler, une dernière fois, les salariés. S’il sera sans doute très difficile de se souhaiter un joyeux Noël, l’équipe veut tenir le cap jusqu’au bout !