La CFDT de Siemens Gamesa fait plier l’employeur

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iconeExtrait de l’hebdo n°3929

Fraîchement élue, la section CFDT de Siemens Gamesa Le Havre (usine de production d’éoliennes en mer) a réussi à convaincre l’employeur de revoir sa copie en matière de déploiement de la nouvelle classification. La preuve est faite que l’on peut être minoritaire et obtenir des avancées significatives.

Par Sabine Izard— Publié le 23/07/2024 à 12h00

De gauche à droite : Pascal De Maayer, Marie-Agnès Gravé et Éric Chouquet.
De gauche à droite : Pascal De Maayer, Marie-Agnès Gravé et Éric Chouquet.© Syndheb

Elle a tout d’une grande, la petite section CFDT de Siemens Gamesa Renewable Energy, deuxième fabricant mondial d’éoliennes en mer. Sur cette terre cégétiste du port du Havre – où s’étendent désormais à perte de vue les champs de nacelles et de pales offshore qui attendent de rejoindre par la mer leurs points de livraison –, la CFDT a fait une percée remarquée lors des dernières élections professionnelles. Bien que minoritaire, elle n’a pas attendu pour imposer sa méthode de dialogue social.

La CFDT minoritaire mais implantée à l’issue des élections

« Sur le site de Siemens Gamesa Le Havre, il n’y a que deux organisations syndicales : la CGT – qui est ultramajoritaire car nous sommes dans une ville de tradition ouvrière – et la CFDT. FO et la CFE-CGC n’ont pas réussi à s’implanter », précise Marie-Agnès Gravé, secrétaire de la section syndicale CFDT. C’est elle qui, à l’occasion des élections professionnelles d’avril 2023, a porté la CFDT dans ce bastion cégétiste. « J’ai adhéré à la CFDT en octobre 2022 à la suite de difficultés de management au sein de mon service. À l’époque, nous n’étions que cinq adhérents CFDT. Dans la perspective des élections, le syndicat est venu me chercher pour que je monte une liste. J’ai été prise de court, admet-elle ; je n’ai pas eu le temps de nous préparer. Aujourd’hui, la CFDT est présente dans les premier et deuxième collèges mais pas dans le collège cadres, où nous n’avions personne pour nous représenter », poursuit la militante dont la liste a obtenu 8,71 % des suffrages aux dernières élections professionnelles.

Siemens Gamesa Le Havre compte aujourd’hui treize élus : onze élus CGT (dont deux délégués syndicaux) et deux élus CFDT. « C’est très compliqué, reconnaît Marie-Agnès. En plus, j’appartiens au syndicat minoritaire, je ne suis pas représentative. Je vais devoir recruter du monde pour m’épauler. »

David contre Goliath

« On encourage beaucoup Marie-Agnès », explique Pascal De Maayer, secrétaire général de la CFDT Métaux de Seine-Maritime, qui n’hésite pas, avec Éric Chouquet, le secrétaire adjoint du syndicat sur l’arrondissement du Havre, à venir prêter main forte à la jeune élue lors des opérations de tractage. « La plupart du temps, elle est seule face à une direction qui lui savonne la planche et une CGT hégémonique. C’est une très bonne chose que la CFDT ait pu s’implanter sur le site. »

Et la petite section n’a pas attendu longtemps pour s’engager dans la défense des droits des salariés. « Rapidement après les élections, Marie-Agnès est venue nous signaler que l’entreprise n’avait pas respecté le processus de déploiement de la nouvelle classification dans la métallurgie : le comité social et économique n’avait pas été consulté sur la méthode de déploiement, ni les salariés sur leur fiche descriptive d’emploi, contrairement à ce que prévoit la nouvelle convention collective entrée en vigueur le 1er janvier 2024 », poursuit Pascal De Maayer.

Face à ces manquements, le Syndicat CFDT Métaux 76 Rouen-Le Havre-Elbeuf-Dieppe (RHED) a donc alerté le directeur des ressources humaines France de Siemens Gamesa et a décidé en parallèle d’assigner en justice l’établissement du Havre pour « défaut de consultation du CSE » et des salariés. « L’organisation de ce rapport de force juridique porté par le Syndicat CFDT a finalement permis de déclencher une réunion avec les responsables de l’entreprise sous l’égide de l’UIMM de la région havraise, explique Pascal De Maayer. Nous avons pu obtenir de nombreuses avancées comme l’information-consultation du CSE, la consultation des travailleurs concernant leur fiche descriptive d’emploi et la mise en place d’un comité paritaire local de suivi du déploiement de la classification, et ce, sans mener le recours juridique à son terme. »

Des fiches emploi et un accompagnement individuel

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Sabine Izard
Rédactrice

Grâce à cette action syndicale, chaque salarié pourra s’exprimer sur son travail réel et obtenir une fiche emploi adéquate. À défaut, le Syndicat CFDT Métaux 76 RHED proposera son soutien dans le cadre de recours individuels. « Nous sommes très fiers du travail syndical mené par Marie-Agnès. Ça prouve que l’on peut être minoritaire et obtenir des avancées significatives. Ça montre aussi aux salariés qu’il y a toute une structure qui travaille pour eux. Nous allons à présent lancer une campagne d’information à propos de notre démarche juridique et rappeler aux salariés que la CFDT est aussi là pour les accompagner dans leurs démarches individuelles. C’est important de préparer les prochaines élections sur la base de résultats concrets. Elle a tout d’une grande, Marie-Agnès ! », s’enthousiasme Pascal De Maayer.