La CFDT apporte sa pierre à Notre-Dame de Paris

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icone Extrait de l'hebdo n°3955

Vue comme le grand chantier français du XXIe siècle, la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, après le terrible incendie des 15 et 16 avril 2019, a nécessité de véritables prouesses dans de multiples domaines. Au sein de l’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de l’édifice, plusieurs adhérents CFDT étaient à l’œuvre, embarqués dans une aventure hors du commun.

Par Emmanuelle PiratPublié le 04/03/2025 à 13h00

De gauche à droite : Jonathan Truillet et Alexandre Pernin.
De gauche à droite : Jonathan Truillet et Alexandre Pernin.© Emmanuelle Marchadour

Depuis la terrasse de leur base vie, sur l’île de la Cité, les agents de l’établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris ont une vue imprenable sur le majestueux édifice. Pas sûr pourtant qu’ils aient eu le loisir de le contempler, tant l’activité de ces cinq dernières années a été intense. Rappelons-nous : après le terrible incendie de la mi-avril 2019, qui a ravagé une partie de la cathédrale et fait s’effondrer la célèbre flèche, le Président Emmanuel Macron a déclaré vouloir reconstruire en cinq ans une cathédrale vieille de huit siècles. « Ce délai aurait pu être paralysant mais il s’est révélé moteur », raconte Jonathan Truillet, 44 ans, conservateur en chef du patrimoine et adhérent CFDT, arrivé comme directeur adjoint des opérations au sein de l’établissement public peu après sa création, en janvier 20201. « Tout était à créer : il fallait recruter les équipes, mettre en place les instances et les procédures… C’était à la fois générateur de stress et très enthousiasmant », se souvient-il. Depuis 2023, Jonathan est adjoint science et patrimoine de la directrice générale de cette structure ad hoc au rôle clé de maître d’ouvrage.

« En tant que maître d’ouvrage, nous devions assurer un rôle de coordination de l’ensemble des très nombreuses parties prenantes : les 250 entreprises intervenant sur le chantier, le diocèse (affectataire du monument), les mécènes, la communauté scientifique… ; il fallait aussi répondre à la soif d’information des médias du monde entier ! », explique Jonathan, évoquant, entre autres, la nécessité de composer avec les demandes des médias, nombreuses, et les contraintes relatives à cet immense chantier.

La mission de faire rayonner le chantier

Les équipes de la maîtrise d’ouvrage, soit 35 personnes, ont des profils très précis : ingénieurs travaux, financiers, juristes. « Nous avons passé près de 150 marchés de travaux et de nombreuses conventions de partenariat, d’où l’importance d’avoir des juristes pointus », ajoute Jonathan. Mais aussi des professionnels de la communication et de la médiation culturelle. « Cela faisait partie de nos missions : à la fois faire rayonner le chantier et valoriser tous les métiers impliqués, qu’il s’agisse des métiers d’art ou de chantier tels que grutier, cordistes, échafaudeurs, professionnels de la maintenance, etc. »

Les curieux qui se sont aventurés aux alentours de la cathédrale durant les cinq années se souviennent sans doute des panneaux d’exposition disposés tout autour des palissades protégeant le chantier, avec d’impressionnantes photos expliquant tous les savoir-faire mis en œuvre. Et quels savoir-faire ! Il faut rappeler que, pour l’ensemble des phases du chantier, les travaux ont mobilisé environ 2 000 compagnons, artisans d’art – aux métiers aussi divers que couvreurs, charpentiers, sculpteurs, tailleurs de pierre, restaurateurs de vitraux, de peintures, de pierres et de sculptures – mais aussi une cohorte d’architectes, d’ingénieurs, d’archéologues, d’historiens d’art et autres spécialistes du Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) ou du CNRS.

Pas de compromis au sujet de la sécurité

Aux défis scientifiques, techniques et archéologiques (qui ont été largement détaillés dans de multiples articles ou documentaires) se sont ajoutés des défis relatifs à la sécurité du chantier – une dimension primordiale sur laquelle il n’était pas question de transiger. Malgré la pression des délais, « il était inenvisageable de mettre les mesures de sécurité de côté. Nous devions être aussi irréprochables en ce qui concerne la qualité de la restauration que sur les conditions de sécurité », indique Alexandre Pernin, ingénieur des travaux publics de l’État arrivé dès janvier 2020 au sein de l’établissement public (il occupe désormais le poste de directeur adjoint des opérations).

La présence à des taux élevés de poussières de plomb (résultant de la destruction de la toiture lors de l’incendie) a par exemple nécessité un protocole strict, défini avec l’inspection du travail, imposant notamment de se doucher après chaque intervention sur le chantier. Soit deux douches par jour, que les compagnons devaient prendre sur la base vie. Une sacrée logistique rendue encore plus complexe pendant toute la période Covid à cause des mesures de sécurité supplémentaires (désinfection des cabines entre chaque douche, distanciation physique).

Le privilège de travailler sur un tel chantier

Il faut aussi imaginer tous les autres risques liés à un tel chantier : des travaux en grande hauteur qui se sont déroulés en même temps que des travaux au sol – soit un grand risque de « coactivité critique », explique Alexandre. Ou encore la présence, au moment de la sécurisation, de chariots élévateurs à l’intérieur de la cathédrale, notamment pour déblayer les vestiges calcinés, ce qui a imposé de mettre en place des cheminements balisés et réservés aux piétons. Précisons qu’aucun accident grave ne s’est produit tout le temps qu’a duré le chantier.

De cette aventure, les deux responsables gardent des images fortes : du stress en grande quantité, quand le chantier était confronté à des moments critiques, mais aussi des instants magiques : « la redécouverte de la flèche dans le ciel de Paris », « la remise de la croix sur le chevet » (seul élément de la couverture qui n’a pas été détruit par l’incendie mais qui a nécessité une restauration complète) ou la cérémonie de réouverture, le 7 décembre 2024… Chacun a ses moments clés. « Comme tous ici, nous avons ressenti le privilège de travailler sur un tel chantier ! », assure Jonathan.

Le retour des visiteurs, 35 000 par jour !

À propos de l'auteur

Emmanuelle Pirat
Journaliste

La réouverture de Notre-Dame de Paris n’a pas signé la fin de leur tâche. « L’établissement public continue d’exister, le programme de travaux qui était prévu avant l’incendie va reprendre son cours. L’établissement doit également assurer l’entretien et la maintenance de la cathédrale », indique Alexandre, expliquant la diversité des technologies installées (capteurs, système de brouillard d’eau, caméras thermiques permettant de renforcer la sécurité incendie, etc.) qu’il va falloir surveiller. L’aventure continue donc, mais à un autre rythme et avec d’autres exigences. Au pied de la cathédrale, majestueuse, la file des visiteurs serpente de nouveau : plus de 35 000 visiteurs viennent quotidiennement contempler la merveille ressuscitée.