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Extrait de l’hebdo n°3943
Six mois après l’annonce par Casino de la cession de près de 300 de ses magasins, les enseignes ont été changées et la fusion des accords collectifs va prochainement débuter. Les militants CFDT Casino ont été invités par leurs nouveaux collectifs à se rapprocher de ces derniers. Mais face aux directions, la prudence reste de mise.
C’était le 30 avril 2024. Après plusieurs semaines de discussions, le groupe Casino annonçait officiellement une première vague de vente de ses magasins. Deux autres ont suivi, fin mai et début juillet. Au total, 287 magasins ont changé de propriétaire et sont passés sous l’enseigne Intermarché, Auchan ou Carrefour. Auchan a repris 70 supermarchés, 28 hypers et deux drives, tandis que Carrefour a mis la main sur onze hypers, neuf supers et cinq magasins de proximité.
“Pour l’instant, tout se passe bien”
L’annonce de la reprise par Auchan ou Carrefour dans les magasins ex-Casino concernés a été plutôt bien vécue par les salariés. « Même si nous sommes pour l’instant dans une structure juridique différente des autres magasins Auchan, ça reste des magasins intégrés et non en franchise », développe Laurent Cherry, délégué syndical central du Géant Casino Montpellier Celleneuve (Hérault), passé sous pavillon Auchan. Si l’annonce par le distributeur de supprimer 2 389 emplois a suscité des craintes, les magasins ex-Casino ne sont pas concernés. « On ne sait pas ce que l’on va devenir dans trois ans non plus. La franchise reste possible », souligne le délégué syndical.
Actuellement, comme le prévoit le code du travail, les accords collectifs Casino restent en vigueur pendant quinze mois au maximum, soit jusqu’en septembre 2025. « Après, je pense que ce sera plus compliqué quand nous sortirons des accords Casino, qui semblent plus solides que ceux d’Auchan. Nous verrons. Pour l’instant, tout se passe plutôt bien. Nous sommes ouverts sous l’enseigne Auchan depuis juin. Nous avons un CSE central qui va commencer à entrer dans le dialogue social ; nous verrons ce que ça donne », indique Laurent Cherry.
1. Comité social et économique central.
Même son de cloche du côté de l’ancien Géant Casino de Lanester, à côté de Lorient (Morbihan), qui est désormais un hypermarché Carrefour depuis le 1er mai. « Nous pensions passer chez Intermarché mais, finalement, nous avons été rachetés par Carrefour pour des raisons de concurrence. Ç’a été une bonne surprise car ça voulait dire que nous restions dans un groupe intégré, ce que nous étions déjà chez Casino », explique Stéphane Bocande, délégué syndical, d’autant que d’autres magasins Casino ont dû mettre la clé sous la porte en Bretagne, à Brest, Lannion et Saint-Brieuc. À l’instar d’Auchan, Carrefour a choisi de placer ces anciens magasins Casino dans une enveloppe juridique à part… afin de mieux passer ces magasins en location-gérance dans un avenir proche ? « C’est un risque ! », reconnaît Stéphane, qui ajoute : « Aujourd’hui, dans les deux années qui viennent, tout est figé. Il faut d’abord renégocier tous les accords. » Un « accord d’adaptation » a d’ores et déjà été signé, en juin 2024, pour harmoniser les tenues de travail, les dates de paie, les titres-restaurant… Des négociations relatives à l’intéressement pour les hypers vont bientôt se tenir, un CSEC1 devrait être institué prochainement. « On est en train de tout recréer », souligne Stéphane.
Quid des sections CFDT ? Là aussi, l’intégration est en cours dans les différents collectifs Auchan et Carrefour. Côté Auchan, des délégués ex-Casino ont été invités à l’assemblée générale des délégués syndicaux d’Auchan. « Je souhaite les intégrer le plus tôt possible dans notre environnement syndical pour qu’ils ne soient pas pris au dépourvu dans quinze mois », lorsque les accords collectifs seront normalement alignés, indique Gilles Martin, délégué syndical central Auchan Retail France. « J’espère aussi qu’il y aura un rapprochement des entités juridiques et qu’ils seront complètement intégrés dans notre giron, même si, commercialement, c’est déjà le cas », précise-t-il. « En attendant, nous allons coordonner leur action syndicale et remettre à plat la cartographie syndicale, avec des objectifs précis. Nous voulons faire en sorte de relancer l’adhésion et de développer la CFDT. »
Mêmes tenues, même enseigne… et la CFDT en partage
Côté Carrefour, une prise de contact a eu lieu très rapidement. « Dès que j’ai entendu l’annonce du rachat, j’ai regardé dans quels magasins Casino il existe déjà des sections CFDT afin de les intégrer dans nos listes de diffusion. Puis nous avons organisé des visios avec eux, pour savoir comment ils évoluent, voir les infos qu’ils ont, leur partager les infos que nous avons, et les accompagner », détaille Erwanig Le Roux, délégué syndical national des hypermarchés Carrefour. « Nous avons invité les ex-Casino à notre temps de formation de novembre, où nous réunissons quelque 200 militants. Carrefour a tendance à dire que ce sont des salariés à part. Nous, nous considérons que nous avons les mêmes tenues et la même enseigne, nous sommes tous Carrefour et CFDT, donc ça a du sens d’être ensemble. »
Quid du développement ? La CFDT est présente dans quatre des onze hypermarchés ex-Casino repris par Carrefour. « Nous allons avoir une stratégie de développement spécifique pour ces magasins, annonce Erwanig. Les salariés sont un peu perdus avec ces changements, nous avons donc intérêt à être présents à leurs côtés. »