France Travail en proie au doute ?

temps de lectureTemps de lecture 4 min

iconeExtrait de l’hebdo n°3943

Alors que l’opérateur public de l’emploi voit ses missions considérablement élargies sous l’effet de la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi, son budget et ses effectifs pourraient être revus à la baisse en 2025. De quoi soulever quelques interrogations et instiller de l’inquiétude chez les agents et le nouveau directeur général de France Travail.

Par Anne-Sophie Balle— Publié le 26/11/2024 à 13h00

Thibaut Guilluy (ici lors d’un rendez-vous de l’Ajis, le 20 novembre) a été nommé directeur général de France Travail le 12 décembre 2023.
Thibaut Guilluy (ici lors d’un rendez-vous de l’Ajis, le 20 novembre) a été nommé directeur général de France Travail le 12 décembre 2023.© Thierry Nectoux

1. Association des journalistes de l’information sociale.

Les prises de parole du directeur général de France Travail sont toujours scrutées de près. Alors que les discussions relatives au budget de la nation battent leur plein au Parlement et que le gouvernement prévoit de supprimer 500 postes chez l’opérateur public de l’emploi en 2025, son nouveau directeur, Thibaut Guilluy, a émis quelques réserves (pour ne pas dire quelques doutes) sur l’efficacité d’un tel projet. « Il y a une mesure que je trouve discutable, c’est de jouer sur les équivalents temps plein », a-t-il souligné devant l’Ajis1, le 20 novembre dernier, et ce, alors que France Travail doit assurer de nouvelles missions.

Changement de règles

Accompagnement des bénéficiaires du RSA, renforcement des contrôles des allocataires – lesquels doivent passer de 500 000 en 2023 à 1,5 million en 2027 –, prospection pour les entreprises, sans oublier la mise en œuvre de la nouvelle réforme de l’assurance chômage… : les priorités de France Travail s’accumulent et nécessitent une réorganisation et des moyens conséquents. Or, selon son directeur général, les choix privilégiés par l’exécutif ne sont pas opportuns. « Que l’on ne vienne pas nous imposer ce qui doit être externalisé et ce qui peut être fait en interne », semble résumer Thibaut Guilluy, qui rappelle au passage que « cela coûte deux fois plus cher d’externaliser l’accompagnement d’un bénéficiaire du RSA que de le faire porter par des travailleurs sociaux des départements et des conseillers France Travail ».

Lors une conférence de presse commune, au début novembre, les dix syndicats de France Travail (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FO, FSU, Snap, Sud, STC et Unsa) ont fait part de leur colère du fait de la baisse programmée des effectifs mais aussi du recours accru à des prestataires privés.  « Il y a une antinomie entre le projet de loi de finances et la loi plein emploi », soulignait alors Catherine Laumont, de la PSTE CFDT. Elle craint que ces baisses d’effectifs, dans un contexte où l’opérateur voit son périmètre s’agrandir, ne créent une surcharge de travail. « Mécaniquement, nous n’allons pas y arriver », prévient-elle.

Un climat social tendu

2. CFDT et CFE-CGC n’appellent pas à la grève le 5 décembre chez France Travail, estimant que le mouvement « intervient trop tôt » eu égard aux discussions budgétaires.

À propos de l'auteur

Anne-Sophie Balle
Rédactrice en chef adjointe de Syndicalisme Hebdo

À quelques jours d’un mouvement de grève chez France Travail, lancé par huit organisations syndicales2, Thibaut Guilluy a semblé vouloir apaiser tant soit peu le climat social tendu depuis quelques années maintenant chez l’opérateur. « Notre objectif premier est de donner confiance aux demandeurs d’emploi et de les accompagner dans leur recherche. Comment voulez-vous le faire si vos conseillers eux-mêmes se sentent précarisés, mal considérés, peu appréciés. Cela ne peut pas marcher, insiste-t-il. Si on a envie d’avoir un service public de l’emploi efficace, il faut faire attention à la considération et aux conditions de travail, y compris sur les questions de rémunération. » De quoi calmer la grogne syndicale ? Rien n’est moins sûr…