Face aux restrictions budgétaires, les missions locales se mobilisent

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icone Extrait de l'hebdo n°3957

Essentielles dans l’accompagnement des jeunes ni en emploi ni en formation, les missions locales font les frais de la rigueur budgétaire au moment où l’on assiste à un retournement du marché de l’emploi. Syndicat majoritaire dans le réseau, la CFDT organise la mobilisation mais fait face – pour l’instant – à un gouvernement inflexible.

Par Jérôme CitronPublié le 18/03/2025 à 13h00

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« Jeunesse en galère, missions locales en colère »… Le 14 mars dernier, les salariés des missions locales ont manifesté dans toute la France à l’appel de la CFDT (56 % des voix aux dernières élections professionnelles), FO et la CFTC (non représentatifs au niveau national). Seule la CGT ne s’était pas jointe à cet appel national, plus du fait d’une divergence stratégique que d’un désaccord de fond. Car tout le monde est d’accord lorsqu’il s’agit de dénoncer des coupes budgétaires qui vont dégrader la qualité de l’accompagnement des jeunes et les conditions de travail des salariés. Au total, le budget de l’État pour 2025 prévoit une baisse des financements de 6 % par rapport à 2024, soit 30 millions d’euros en moins.

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À cela s’ajoutent les efforts demandés aux collectivités locales qui, par effet de ricochet, réduisent leurs subventions. L’Occitanie est à – 6 %, Auvergne-Rhône-Alpes à – 10 %, Paca envisage une baisse de 40 % tandis que la région Pays de la Loire a carrément décidé de couper toutes les subventions. « Pour les missions locales, ces baisses signifient des collègues en CDD non reconduits et des départs à la retraite non remplacés. Mais également moins de moyens permettant d’accompagner les jeunes », résume Sadek Bouzidi, secrétaire général adjoint du Synami-CFDT (Syndicat national CFDT des métiers de l’insertion).

Sur le terrain, une situation qui se tend nettement

L’État a ainsi prévu de financer moins de contrats d’engagement jeune (CEJ) cette année. Leur nombre est censé passer de 300 000 à 200 000 au moment même où le chômage des jeunes repart à la hausse. À Aubervilliers, commune très populaire située au nord de Paris, cela se traduit très concrètement par une liste d’attente en vue d’intégrer ce dispositif – ce qui n’était pas le cas l’année dernière. « On sent que la situation se tend, constate une conseillère. Chez nous, les jeunes, aujourd’hui, cherchent un emploi pour aider leur famille. Ils sont moins demandeurs de formation. » Constat à peu près identique au sein d’une mission locale du sud de l’Île-de-France qui accueille un public un peu moins défavorisé qu’à Aubervilliers : « Nos jeunes commencent à galérer pour trouver ne serait-ce qu’un stage, constate un conseiller. Alors ceux qui n’ont aucun diplôme peuvent faire une croix sur un emploi. Il n’y a plus que le secteur du service à la personne qui recrute, mais cela n’intéresse que peu de jeunes. »

Le sentiment que l’État abandonne les politiques en direction de la jeunesse accentue le malaise des salariés des missions locales, lesquels craignent que leur rôle auprès des jeunes soit remis en question. « Notre mission n’est pas uniquement d’aiguiller les jeunes décrocheurs vers les métiers en tension », résume de manière volontairement provocante Benjamin Genty, conseiller en insertion de la mission locale du Pays d’Aix. Un état d’esprit partagé par tous les collègues mobilisés ce jour-là. « Notre métier, c’est de nouer le dialogue avec les jeunes, de les aider à construire un projet en levant petit à petit tous les freins qui se présentent à eux, que ce soit en matière de santé, de logement, de mobilité… C’est très fragile comme relation, d’autant que beaucoup d’entre eux ont déjà un parcours marqué par l’échec scolaire et un environnement familial qui n’est parfois pas très aidant. On peut très vite les perdre », insiste-t-il.

Et c’est bien cette spécificité, ce savoir-faire, que les salariés souhaitent défendre, tout autant que leur budget. Ce message, une délégation composée par la CFDT1, la CFTC et FO a pu le faire passer en marge de la mobilisation. Elle a en effet été reçue par le directeur de cabinet de la ministre du Travail. Si ce dernier est resté inflexible sur le volet financier, il a semblé un peu plus ouvert sur les questions des conditions de travail, de l’organisation du travail et de l’évaluation des différents dispositifs destinés aux jeunes. « Sur ces sujets, on sent qu’il a une possibilité d’avancer, de faire entendre les revendications des personnels, souligne le secrétaire national Olivier Guivarch. Selon la CFDT, il est nécessaire de redonner de l’autonomie aux conseillers, qui réclament plus de temps auprès des jeunes et moins de tâches administratives. » « Certains dispositifs demandent autant de temps en reporting que devant le jeune. C’est particulièrement frustrant pour les personnels », complète Hélène Ibanez, secrétaire générale de la Fédération CFDT Protection sociale Travail Emploi.

Debout, de face et côte à côte : Carole Picard, secrétaire générale du Synami-CFDT, et Sadek Bouzidi (portant le drapeau CFDT), secrétaire général adjoint.
Debout, de face et côte à côte : Carole Picard, secrétaire générale du Synami-CFDT, et Sadek Bouzidi (portant le drapeau CFDT), secrétaire général adjoint.© Syndheb

À propos de l'auteur

Jérôme Citron
rédacteur en chef adjoint de CFDT Magazine

La mobilisation va donc se poursuivre afin de tenter d’obtenir des engagements de la part de l’État, mais aussi et surtout de convaincre les collectivités locales de jouer pleinement leur rôle et ne pas se mettre en retrait sous prétexte de restrictions budgétaires. « C’est à l’échelon local que nous pourrons obtenir de nouveaux arbitrages », explique Sadek Bouzidi. De fait, la grande majorité des collectivités locales disent soutenir la mobilisation des missions locales. Le moment est venu de le prouver !