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Extrait de l'hebdo n°3958
Fin janvier 2025, la Compagnie des fromages & RichesMonts a annoncé la fermeture prochaine d’un service entier de son usine de Vire. Mobilisée en intersyndicale, la CFDT a dénoncé un plan de sauvegarde de l’emploi non conforme.

C’est à Vire (Calvados / Normandie) que s’élabore le fameux camembert Cœur de Lion, une des marques de la Compagnie des fromages & RichesMonts (CFR), groupe prospère codétenu par Savencia (géant mondial de l’agroalimentaire) et Sodiaal (une des principales coopératives laitières françaises). Le groupe emploie 1 400 salariés en France dans plusieurs sites – dont celui de Vire, qui compte 250 salariés en CDI.
Ici, l’annonce de la fermeture de l’atelier « ingrédients », qui fabrique de la mozzarella pour l’industrie agroalimentaire, a mis les quarante-deux salariés en état de choc. « Nous avons été complètement pris de court, avoue Mickaël Lefevre, délégué syndical central CFDT. En décembre 2024, on nous dit que tout va bien. En janvier 2025, le groupe annonce deux fermetures, l’atelier “ingrédients” de Vire et un site dans l’Ain spécialisé dans la production de meules de raclette. »
Mobilisation pour une assemblée générale
« Lorsque la direction a annoncé la fermeture du service, nous avons tout de suite réagi en intersyndicale », explique François Samson, élu CSE chargé de négocier le plan de sauvegarde de l’emploi mis en place par la direction. « Les désaccords entre organisations syndicales, il y en a parfois ici, bien sûr. Mais face à la direction sur ce dossier, nous nous sommes serré les coudes et nous communiquons d’une seule voix. » Cela dit, pour pouvoir informer, il a fallu ferrailler car, dans un premier temps, la direction ne voulait pas d’assemblée générale sur le sujet, considérant que seul l’atelier était visé et qu’il ne fallait pas parler à l’ensemble des salariés.
« Sauf que ce n’est pas ce que dit la loi. Un PSE concerne tout le monde, en vue de limiter les licenciements », explique François Samson. Le code du travail permet ainsi que les critères d’ordre autorisant les licenciements – qualités professionnelles, charge de famille, ancienneté, handicap, âge des salariés… – soient étudiés sur toute la zone d’emploi au lieu de cibler un groupe restreint de salariés. « La direction ayant refusé de revoir sa copie, nous avons dû engager un bras de fer. Un plan ne peut pas cibler expressément quelques personnes, poursuit François. Nous avons décidé de nous mettre en grève pendant un temps illimité. »
Le 12 février dernier, les premiers grévistes sont arrivés devant l’usine dès quatre heures du matin. « Beaucoup de personnes se savaient concernées ; d’autres étaient solidaires du mouvement, qui a fédéré plus d’une centaine de salariés tout au long de la journée. Mais l’ambiance était calme, et les raisons de la grève s’avéraient bien comprises. » L’activité a repris le lendemain matin après une nuit de discussions, plusieurs levées de séance et un accord de fin de grève qui a donné raison aux organisations syndicales.
Comme elles le préconisaient, l’information mise en place dans le cadre de la procédure sera donc ouverte à l’ensemble des salariés. « Nous avons également obtenu que le service des ressources humaines annule les entretiens individuels qui avaient commencé en l’absence d’accord définitif sur le PSE et que cette journée de grève soit récupérable sous forme de congé ou de RTT », précise le militant.
Une reprise des négociations sur de bonnes bases
Avec la direction régionale interdépartementale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Drieets), les négociations ont pu reprendre sur de bonnes bases. « Nous allons maintenant pouvoir faire nos propositions afin d’éviter des licenciements, poursuit François Samson. Dans l’atelier qui va fermer, et qui compte quarante-deux salariés, la moyenne d’âge est de 45 ans et l’ancienneté avoisine les douze années pour la majorité d’entre eux. Alors, évidemment, le changement leur fait peur. Actuellement, ce que nous savons, c’est que vingt-cinq personnes pourraient être reclassées au sein de l’usine. Il reste dix-sept salariés sur la sellette et il y a neuf créations de postes en ligne de mire. Il va donc falloir trouver une solution pour huit personnes, et un plan de départs volontaires peut y aider. Nous voulons atteindre notre objectif de zéro départ contraint. »
Depuis janvier dernier, un soutien psychologique a été mis en place à la demande des organisations syndicales. L’accord de méthode qui a été négocié prévoit en outre un mois de plus pour la signature du PSE, fixée au début du mois de mai. « Question de principe, on va se battre jusqu’au bout pour qu’il n’y ait aucun départ contraint. Il n’existe pas de problème économique dans ce groupe, seulement un souci de rentabilité maximale… » Et ça non plus, ça ne passe pas !