Face à la hausse des droits de douane, l’inquiétude des secteurs

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icone Extrait de l'hebdo n°3962

Le ministre de l’Économie recevait, le 18 avril, les numéros un des cinq organisations syndicales représentatives du privé pour faire un état des lieux des remontées de terrain. Les inquiétudes sont vives.

Par Anne-Sophie BallePublié le 22/04/2025 à 12h00

Réunion du 9 avril à Bercy, au ministère de l’Économie et des Finances, avec les acteurs économiques concernés par la hausse des droits de douane américains.
Réunion du 9 avril à Bercy, au ministère de l’Économie et des Finances, avec les acteurs économiques concernés par la hausse des droits de douane américains.© Éric Tschaen/RÉA

Il est sans doute encore trop tôt pour mesurer l’impact réel de l’augmentation des droits de douane américains sur l’emploi. Mais les confédérations syndicales, alertées par leurs équipes sur le terrain, ne comptent pas attendre les bras croisés de voir qui de l’Union européenne ou des États-Unis gagnera le bras de fer commercial engagé début avril par Donald Trump. « Il ne s’agit pas uniquement de regarder quelle guerre commerciale est menée et comment la France ou l’Europe doivent riposter. Il y a un enjeu de protection des emplois, et il faut aussi tenir compte des salariés », affirmait la secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon, avant son arrivée à Bercy.

Reçue le 18 avril avec les numéros un des centrales syndicales du privé, elle est venue rappeler les vives inquiétudes exprimées par certains secteurs quant aux conséquences de cette hausse des tarifs douaniers sur les entreprises et leurs salariés. L’industrie est particulièrement touchée. Dans la chimie, beaucoup d’entreprises ont choisi de geler leurs investissements, ne sachant pas à quelle sauce elles vont être mangées. « D’autres, comme LVMH, ont déjà annoncé qu’elles allaient augmenter leur production aux États-Unis en délocalisant leur usine d’embouteillage outre-Atlantique. Une manière de pouvoir estampiller en bout de chaîne un logo “made in USA” et ainsi éviter les droits de douane », développe Laure Lamoureux, de la CFDT Chimie Énergie. Certaines, enfin, font un choix plus sournois et « utilisent ce contexte confus pour restructurer, en annonçant des fermetures de site ou des diminutions d’effectifs », poursuit Marylise Léon. Engie pourrait ainsi vendre une filiale de 4 500 salariés. « Dans toutes les crises, il y a des opportunistes », résume la responsable CFDT.

Une cellule de crise hebdomadaire

Après deux heures d’échanges, les syndicats ont obtenu la mise en place d’une réunion hebdomadaire entre les ministères de l’Économie et du Travail et les partenaires sociaux, afin de suivre les entreprises en difficulté. Une première réponse, estime Marylise Léon, qui attend maintenant des mesures concrètes en matière de protection des emplois. « On sait que des dispositifs d’APLD1 ont été relancés mais il existe d’autres dispositions possibles », affirme-t-elle.

Avec cette rencontre, le ministre de l’Économie clôt un cycle de consultations entamées le 8 avril dernier lors du Conseil national de l’industrie puis le 9 avril avec les filières industrielles. Il avait ensuite reçu, le 14 avril, les représentants des organisations patronales. Officiellement, aucune annonce n’était attendue à l’issue de cette rencontre, bien que le ministre ait prévu de faire le point avec le chef de l’État dans la foulée des échanges.

Une réponse ferme mais pas de surenchère

À propos de l'auteur

Anne-Sophie Balle
Rédactrice en chef adjointe de Syndicalisme Hebdo

Selon les organisations syndicales, cette rencontre aura aussi permis de comprendre quelle était la stratégie de la France et de l’Union européenne. Et c’est bien là toute la question. Au lendemain de l’annonce de Donald Trump d’une hausse des droits de douane, l’exécutif avait appelé les industriels à résister au nom du patriotisme économique. Depuis, les États-Unis ont fait machine arrière en ramenant provisoirement à 10 % les droits de douane pour une durée de 90 jours. Aujourd’hui, tous les regards sont tournés vers Bruxelles, qui avait prévu de répliquer mais a choisi de profiter de cette trêve pour négocier avec l’administration américaine en envoyant comme émissaire Giorgia Meloni, la présidente du Conseil des ministres italien… Si Paris souhaite une réponse commune « rapide et proportionnée », il est bien conscient que « l’escalade ne ferait que des perdants ». Mais à trop attendre, le risque est de voir, du côté des industriels, le pragmatisme économique prendre le pas sur le patriotisme… au grand dam des salariés.