Temps de lecture 6 min
Extrait de l’hebdo n°3898
Le ministère du Travail a adressé aux partenaires sociaux son document d’orientation en vue d’un nouveau cycle de discussions. Syndicats et patronat ont jusqu’au 15 mars pour négocier sur un champ large englobant trois aspects majeurs de la vie au travail. En cas d’accord, le gouvernement pourrait transposer celui-ci dans un projet de loi d’ici à l’été 2024.
Une semaine s’est écoulée depuis l’envoi aux partenaires sociaux du document d’orientation par lequel le gouvernement leur demande d’ouvrir des négociations autour d’un « nouveau pacte de la vie au travail ». Une formule édictée au printemps dernier par Emmanuel Macron, qui, en pleine bataille des retraites, voulait renouer le dialogue en laissant aux partenaires sociaux la possibilité de discuter des sujets restés en suspens : emploi des seniors, reconversions, compte épargne-temps universel. Sept mois ont passé et voilà pour les syndicats et le patronat l’occasion de pousser leurs billes sur la question du travail. « Si le timing n’est pas le bon – tant il aurait fallu traiter ces sujets avant d’aborder la réforme des retraites –, le document impose dans l’agenda social les thèmes que nous portons depuis des années sur le travail. Donc, oui, on va y aller et s’investir pleinement », résume Yvan Ricordeau, secrétaire général adjoint.
Dans le courrier qui accompagne ce document, Olivier Dussopt demande aux partenaires sociaux d’indiquer leur intention de négocier d’ici au 30 novembre et de préciser, le cas échéant, les modalités retenues de la négociation. Côté calendrier, les organisations syndicales et patronales devraient se retrouver dans le courant de la semaine afin de discuter de la méthode. En revanche, il y a peu de doute quant à la volonté des uns et des autres d’entrer dans ce nouveau cycle de négociations. « C’est la première fois que l’on embarque une négociation avec un périmètre aussi large depuis la modernisation du marché du travail, en 2013. C’est un gros rendez-vous pour le dialogue social », poursuit Yvan Ricordeau. Seul bémol, selon lui : « La neutralité budgétaire imposée sur les trois thèmes risque de poser problème » – certains points, à l’instar de la reconversion professionnelle, ne pouvant être mis en œuvre (ni même imaginés) sans impact financier.
Les trois principes du Cetu
Les partenaires sociaux ont jusqu’au 15 mars pour conclure leur négociation, avec trois thèmes à l’ordre du jour. D’abord, le compte épargne-temps universel (Cetu) – sujet cher à la CFDT et qui a été repris par Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle de 2022. Si le cadre de négociation se veut relativement « large et ouvert », selon les termes du ministère du Travail, l’exécutif fixe trois principes à ce dispositif – l’universalité, l’opposabilité et la portabilité – ainsi que certaines limites : le Cetu ne doit pas se substituer aux CET existants, le futur Cetu devra être géré par un opérateur tiers pour faciliter sa portabilité et l’on ne doit pas toucher au cadre social et fiscal. Syndicats et patronat, qui ne sont pas tous au même niveau de réflexion concernant le dispositif, devront donc négocier l’articulation Cetu-CET, les modalités d’alimentation et d’utilisation de celui-ci ainsi que le périmètre des salariés concernés ; la détention d’un Cetu ne doit freiner en aucune manière l’employabilité des bénéficiaires en fin de carrière, alerte néanmoins le document d’orientation.
Doubler le taux d’emploi des seniors d’ici à 2030
L’emploi des seniors est sans doute la partie la plus scrutée par les différents observateurs, tant le sujet est épineux. Déportée de la négociation assurance chômage à la demande des organisations syndicales – qui refusaient de « tirer les conséquences de l’allongement de la durée d’activité sur les règles d’indemnisation des seniors », comme les y invitait le document de cadrage transmis début août –, l’équation s’annonce complexe. Le gouvernement veut multiplier par deux la part des 60-64 ans en emploi d’ici à 2030, la faisant passer de 33 à 65 % ; et il laisse aux partenaires sociaux le soin d’identifier « les leviers favorables au maintien et au retour à l’emploi », que ce soit par le biais de la négociation collective, de l’aménagement des fins de carrière ou la préparation des deuxièmes parties de carrière. Une rapide mention de l’accord assurance chômage du 10 novembre dernier vient néanmoins rappeler l’enveloppe budgétaire de 440 millions d’euros consacrée aux mesures sur l’emploi des seniors, qu’il convient maintenant de clarifier.
Reconversion et usure professionnelle
La CFDT fait savoir qu’il ne peut y avoir de recette miracle. En revanche, elle a une certitude : l’emploi des seniors est intrinsèquement lié à la question des parcours et des reconversions professionnelles. Sur ce dernier point aussi, le document d’orientation du gouvernement laisse aux partenaires sociaux les coudées franches quant à la manière dont ils entendent favoriser la mobilité et la reconversion professionnelle – qu’il s’agisse de prévenir la désinsertion professionnelle ou d’améliorer les dispositifs existants. « On est là dans le prolongement de l’ANI-cadre d’octobre 2021 relatif à la formation professionnelle. » Une sorte de deuxième phase qu’il va s’agir de mettre en musique. Sur l’ensemble de ces thématiques, les discussions devraient rapidement s’ouvrir. Reste à définir avec les autres partenaires syndicaux et patronaux la méthode retenue et le calendrier.