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Extrait de l’hebdo n°3922
Après une décennie de négociations difficiles, la directive sur le devoir de vigilance en matière de durabilité vient d’être définitivement adoptée par les Vingt-Sept. Bien que partiellement vidé de sa substance, le texte va plus loin que la loi française de 2017 en matière de responsabilité des entreprises, offrant à la France une marge de manœuvre substantielle pour revoir ses ambitions à la hausse.
1. Responsabilité sociale des entreprises.
L’Union européenne va-t-elle contraindre la France à raffermir sa loi sur le devoir de vigilance ? Le texte, entériné le 24 mai dernier à Bruxelles – voué à contraindre les grandes entreprises à combattre les atteintes aux droits humains et à l’environnement sur l’ensemble de leur chaîne de valeur –, fait désormais de l’Europe une puissance pionnière en matière de RSE1. « À la veille des élections européennes, cette directive est une traduction concrète de plus de l’ambition écologique et sociale de l’Union européenne et de sa capacité à agir concrètement pour une conduite responsable des entreprises partout dans le monde », commente Fabien Guimbretière, secrétaire national chargé de la RSE.
Bien que son champ d’application ait été partiellement amputé (sous la pression de Paris et Berlin) dans la dernière ligne droite des négociations, certaines dispositions laissent augurer un renforcement de la loi française au moment de la transposition.
Périmètre élargi
D’après la directive, toute entreprise de plus de 1 000 salariés (contre 5 000 dans la loi française) sera assujettie au devoir de vigilance, sa responsabilité civile pouvant être engagée en cas de dommages. La directive va même plus loin en instaurant un principe d’extraterritorialité : les entreprises non européennes mais opérant en Europe et réalisant au moins 450 millions d’euros de chiffres d’affaires y seront également soumises. « De quoi rééquilibrer les règles du jeu pour toutes les entreprises opérant sur le marché européen », note la CFDT. Au total, environ 5 000 entreprises devraient être ainsi concernées à l’échelle européenne – dont 500 françaises (contre à peine 150 aujourd’hui).
Le rôle des syndicats renforcé
Les procédures sont également clarifiées. Toutes les entreprises couvertes par le champ d’application de la directive seront en effet tenues d’identifier et de hiérarchiser les risques, de modifier leur politique d’achat ou encore de publier un rapport annuel. Surtout, la directive reconnaît le rôle essentiel des syndicats tout au long du processus d’élaboration du plan de vigilance. À la différence de la loi française, les « parties prenantes » ayant un intérêt à agir sont ici clairement identifiées, regroupant désormais, aux côtés des ONG et des salariés de l’entreprise, les syndicats et les représentants des travailleurs. De fait, les entreprises pourraient à l’avenir se voir plus facilement obligées de compléter leurs plans de vigilance.
À ce propos, la création d’une autorité administrative indépendante chargée de faire respecter le devoir de vigilance (et dotée de pouvoirs de sanction) constitue une réelle avancée qui n’existait pas dans la loi française. L’autorité, qui devrait pouvoir être saisie par les parties prenantes, pourrait permettre d’accélérer les procédures et possibles sanctions à l’encontre des entreprises ne respectant par leurs obligations.
Deux ans pour transposer
En matière climatique, enfin, la directive oblige les entreprises à se doter d’un plan de transition climatique compatible avec une trajectoire de réchauffement limité à 1,5 °C, inscrite dans l’accord de Paris et qui n’apparaît pas dans la loi de 2017. « Toutes ces avancées viennent utilement compléter le droit français et sont le marqueur de ce que produit l’Europe sociale pour les travailleurs », résume Fabien Guimbretière. Un délai de deux ans est désormais laissé aux États membres afin de transposer les nouvelles dispositions dans le droit national. Les nouvelles règles, quant à elles, s’appliqueront progressivement aux entreprises : à partir de 2027 à celles de plus de 5 000 salariés, en 2028 pour les plus de 3 000 et en 2029 pour toutes les autres entreprises relevant du champ d’application de la directive.