Dans l’automobile, “on ne fait plus de bagnoles, on fait du fric !”

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iconeExtrait de l’hebdo n°3924

La CFDT Métallurgie tire la sonnette d’alarme : la voie que prend la filière automobile française en matière de voitures électriques n’est pas la bonne. Une autre stratégie industrielle est possible et permettrait de garantir l’emploi en France.

Par Sabine Izard— Publié le 18/06/2024 à 12h00

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© Milan Szypura/Haytham-RÉA

Alors que les défaillances d’entreprises s’accélèrent, la CFDT Métallurgie dénonce, dans un communiqué du 6 juin et une tribune collective parue dans Les Échos du 13 juin – cosignée avec la CFDT Chimie-Énergie, la Fondation pour la nature et l’homme, le Réseau Action Climat et le bureau France de T&E (Transport & Environnement) –, la stratégie industrielle et commerciale prise par la filière automobile : « L’industrie automobile connaît une période de transformation importante, sous l’effet de la transition vers l’électrique et, plus largement, sous l’effet de la réorganisation de ce secteur à l’échelle mondiale. Dans ce contexte, la recherche d’optimisation des marges, grâce à la production de véhicules premium [les modèles haut de gamme et les SUV] et la réorganisation des approvisionnements, a été une priorité depuis quelques années. Cela a permis de garantir des résultats financiers et des dividendes exceptionnels. » Mais à quel prix ?

Quelque 100 000 emplois détruits en dix ans

Selon le collectif, la production en France de véhicules plus lourds freine la baisse des émissions permise par l’électrification progressive du parc ; en outre, la mise en concurrence des fournisseurs alimente les délocalisations. Autre conséquence de cette stratégie industrielle : plus de 100 000 emplois auraient été détruits dans le secteur en dix ans en France. « Notre savoir-faire dans la production de petites voitures est fragilisé. Enfin, le prix des voitures neuves a bondi de 22 % en cinq ans, rendant inabordable l’accès au véhicule électrique pour une très grande majorité de la population. »

La CFDT demande donc que les actionnaires des principaux constructeurs d’automobiles « réorientent la production française vers les petits véhicules électriques accessibles et créateurs d’emplois ». Une récente étude de la Fondation pour la nature et l’homme et de l’Institut mobilités en transition démontre que la différence de coût de production d’une petite voiture électrique entre la Chine et la France n’est que de 6 %, loin des 25 % qui ont pu être avancés par certains constructeurs pour justifier les délocalisations. Cet écart pourrait d’ailleurs être partiellement comblé par le relèvement des droits de douane récemment annoncé. « Cela constituerait un véritable avantage concurrentiel avec un potentiel de production estimé à 700 000 citadines supplémentaires en France et la création de 25 800 emplois », poursuit la CFDT Métallurgie.

La France, simple terre d’assemblage ?

À propos de l'auteur

Sabine Izard
Rédactrice

La Fédération générale des Mines et de la Métallurgie (FGMM) dénonce par ailleurs l’attitude des acteurs de la filière, entre autres ce qui se passe actuellement chez Stellantis : « Une pression accrue des conditions d’achats imposées par les constructeurs qui sont dans une recherche permanente du moins-disant économique, en favorisant les pays à bas coûts au détriment des pays occidentaux, dont la France, développe Jean-Marie Robert, secrétaire national de la FGMM. Pour ne prendre qu’un exemple récent, Magnetto Automotive France [MAF], à Aulnay-sous-Bois, cesse son activité au profit d’un montage, sur un site Stellantis, qui ne représentera qu’une petite partie de la production initiale de MAF en France, alors que le reste partira en Turquie. Nous tirons les mêmes constats sur la R&D que dans la production. La liste est longue, et les dernières annonces de partenariat avec la Chine chez Stellantis et Renault n’augurent rien de bon. La France ne doit pas devenir une terre quasi exclusivement centrée sur l’assemblage de véhicules mais dépourvue de centres de R&D, de fondeurs, de fabricants de pièces et composants. Les entreprises se doivent d’être socialement responsables aujourd’hui pour leur pérennité et celle des emplois des salariés de la filière ; les investisseurs en sont demandeurs désormais. »