“Consolider le rôle de facilitateur de l’UE pour la production et l’acquisition d’armement ”

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Une Europe en mutation

Albert Corbel, secrétaire général de la CFDT-Défense, décrypte les enjeux de l’Europe de la défense.

Par Nicolas Ballot— Publié le 31/05/2024 à 09h00

Usine Nexter KNDS. Construction de véhicules militaires blindés à Roanne, France.
Usine Nexter KNDS. Construction de véhicules militaires blindés à Roanne, France.© REA

La défense est un serpent de mer de la construction européenne. Où en est-on ?

La sécurité et la défense sont, a priori, des domaines réservés aux États. Pourtant, le traité de Lisbonne, en 2007, intègre la politique commune de sécurité et de défense. L’idée n’est alors pas de créer une défense européenne mais de favoriser les coopérations. Malgré cette petite avancée, le Conseil européen n’a pas consacré de réunion aux questions de défense avant 2013 ! Et ce n’est qu’en 2016 qu’émergent les premières initiatives d’envergure sur le sujet.

2016, c’est à la fois l’année du référendum sur le Brexit et la victoire de Donald Trump aux États-Unis. Ces deux évènements majeurs ont clairement fragilisé la confiance qu’accordait l’Europe aux États-Unis et à l’Otan pour assurer sa défense.

“Depuis 2022, 68 % des achats d’armement européens sont réalisés aux États-Unis. ”

L’Europe de la défense passe aussi par une politique industrielle spécifique ?

Sur le plan industriel, c’est en juillet 2018 qu’est adopté le règlement instaurant le premier programme européen de développement (EDIDP) consacré au secteur, ainsi que le lancement d’une action préparatoire pour la recherche en matière de défense (PADR).

Cependant, les progrès sont minces sur le plan opérationnel. Les États membres s’attachent surtout à protéger leur souveraineté et leurs industries de défense !

Il semble tout de même que les choses évoluent dans le bon sens dernièrement…

Oui, deux crises majeures ont poussé l’Union européenne à progresser en matière de sécurité commune. La première, celle du Covid, a ouvert les yeux sur la nécessité d’autonomie stratégique ; et la seconde, l’invasion de l’Ukraine, sur le fait que cette autonomie stratégique doit concerner la défense et la sécurité des peuples contre les menaces militaires.

Le 5 mars dernier, Thierry Breton, commissaire européen chargé des industries de défense, a proposé de renforcer drastiquement l’industrie de défense de l’UE afin de « mieux s’armer contre la menace russe » et de « moins dépendre des États-Unis ». Mais attention, il ne s’agit pas pour l’Europe de financer les achats d’armes – ce n’est pas dans ses attributions –, mais d’aider les États membres à le faire mieux et ensemble.

Que peut-on attendre de la future mandature européenne  ?

À propos de l'auteur

Nicolas Ballot
rédacteur en chef de Syndicalisme Hebdo et de CFDT Magazine

Le prochain mandat devra consolider le rôle de facilitateur de l’UE pour la production et l’acquisition d’armement. Il n’est pas question que le budget de l’Union se substitue aux budgets nationaux pour l’armement, mais il doit permettre de booster les investissements de la base industrielle technologique de défense européenne et la rendre compétitive face aux États-Unis.

Depuis 2022, 68 % des achats d’armement européens sont réalisés aux États-Unis. Il faut évidemment corriger le tir, au profit de l’autonomie stratégique de l’Europe, bien entendu, mais également au profit des industries de défense et des travailleurs de ce secteur.