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Extrait de l’hebdo n°3912
Le gouvernement a déposé, le 15 mars, un amendement au projet de loi visant à mettre la législation française en conformité avec le droit de l’Union européenne en matière d’acquisition de droits à congés pendant les périodes d’arrêt maladie.
La saga semble prendre fin. Après la Cour de cassation, le 13 septembre 2023, puis le Conseil constitutionnel, le 8 février 2024, c’était au tour du Conseil d’État, le 13 mars, de rendre son avis concernant l’acquisition de congés pendant les périodes d’arrêt maladie. L’occasion de répondre notamment à une série de questions sur les points clés faisant débat et d’apporter la touche finale au dossier. Un article additionnel au projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (Ddadue) a donc été déposé dans la foulée par le gouvernement afin de modifier le code du travail en conséquence.
Quatre semaines par an
Selon cet amendement, les salariés en arrêt maladie d’origine non professionnelle acquerront des congés payés au rythme de deux jours par mois, dans la limite de vingt-quatre jours par an (soit quatre semaines). Les salariés en arrêt maladie d’origine professionnelle continueront, quant à eux, d’acquérir des congés payés pendant leur arrêt au même rythme qu’actuellement, soit cinq semaines, quelle que soit la durée de leur arrêt. Aujourd’hui, en effet, passée une durée continue d’un an, un arrêt maladie qui se prolonge ne crée plus de droits à congés payés.
Le gouvernement met ainsi la législation française en conformité avec une directive de 2003 relative à l’aménagement du temps de travail – et qui garantit à chaque salarié au moins quatre semaines de congés payés par an. Mais il le fait a minima et maintient une différence de traitement entre les salariés selon l’origine professionnelle ou non de leur arrêt de travail.
Une information dans les dix jours qui suivent la reprise
Par ailleurs, le gouvernement tranche sur le sort des congés payés que le salarié n’a pas pu prendre du fait de son absence pour maladie. Et créé une obligation de l’employeur d’informer le salarié sur ses droits à congés dans les dix jours qui suivent sa reprise du travail. Le salarié qui n’a pas pu prendre ses congés acquis (avant ou pendant son arrêt pour maladie ou accident) disposera ainsi de quinze mois après la reprise du travail et l’information reçue de l’employeur pour le faire. « Par dérogation, le délai de report de quinze mois débute à la fin de la période d’acquisition pour les salariés en arrêt maladie depuis plus d’un an et dont le contrat de travail continue à être suspendu », précise l’exposé de l’amendement.
« Le point de départ de ce délai est différent lorsqu’il s’agit de congés acquis au cours de longues périodes de maladie ou d’accident, dénonce Delphine Meyer, juriste à la CFDT. En accélérant la perte de leurs congés payés, le nouveau dispositif va pénaliser les salariés en plus longue maladie. C’est pourquoi il nous semble qu’a minima, dès lors que le salarié revient dans l’entreprise, quelle qu’ait été la durée de sa maladie et la date à laquelle il reprend le travail, la période de report de quinze mois (correspondant aux derniers CP acquis) devrait débuter à la reprise de son travail, une fois qu’il a été informé de ses droits par son employeur. »
Des dispositions défavorables
Concernant les droits acquis dans le passé, le gouvernement a décidé de rendre ces nouvelles dispositions applicables rétroactivement à partir de 2009. Tout est fait cependant pour que les salariés ne puissent pas bénéficier de leurs droits. Ainsi, un salarié qui aurait été en arrêt à partir du 1er décembre 2009 et dont le contrat n’a pas été rompu pourra réclamer des droits à congés au titre de périodes d’arrêt de travail depuis le 1er décembre 2009. Mais il n’aura que deux ans pour le faire à compter de l’entrée en vigueur de la loi. Passé ce délai, il ne pourra plus agir.
« L’introduction d’un tel délai a clairement pour objectif de purger au plus vite toutes les demandes de congés payés portant sur des situations passées. À n’en pas douter, de nombreux salariés en cours de contrat ne feront jamais cette démarche, ou alors pas dans ce délai », alerte Delphine Meyer. Par ailleurs, « sans envisager de modification législative sur ce point, le ministère du Travail a rappelé la position du Conseil d’État selon laquelle les salariés dont le contrat de travail est rompu depuis plus de trois ans ne peuvent plus agir », poursuit la juriste. Dans un communiqué commun, la CFDT et les autres organisations syndicales dénoncent des dispositions nettement défavorables.