Retrouvez le dossier complet
1964 - 2024 : 60 ans
La CFDT s’est toujours adaptée aux changements sociétaux. La secrétaire générale Marylise Léon pose un regard sur ces six dernières décennies d’évolution de l’organisation qu’elle dirige depuis 2023.
1. Les Dégâts du progrès - Les travailleurs face au changement technique. Éditions Points.
En 1977, la CFDT publie un livre qui va faire beaucoup de bruit. Les Dégâts du progrès1 a été écrit à partir des réflexions d’un groupe de militants issus de tous les secteurs professionnels. Il ausculte très concrètement les conséquences de l’automatisation du travail et de l’évolution des techniques de production sur les corps, mais aussi sur l’environnement ou plus exactement sur le « cadre de vie », selon le vocabulaire de l’époque. Ce livre, c’est un condensé de ce qu’est la CFDT.
Des militants s’interrogent sur leur travail, là où ils l’exercent. Ils confrontent leurs réflexions aux enjeux de la société et construisent des revendications. Près de cinquante ans plus tard, la CFDT n’a pas dévié de sa route. Une route qui emprunte les chemins du réel pour mieux la dessiner. Une route qui s’intéresse, en premier lieu, au travail et au quotidien des travailleurs tout en prenant soin de ses abords : la santé de la planète, la vitalité de la démocratie ou les aspirations à la liberté exprimées partout dans le monde.
La CFDT répond par l’action
Dans les années 70, peu d’organisations se souciaient des dégâts provoqués par un modèle de production qui « tirait sans scrupules sur la bête ». Les ressources naturelles n’étaient pas moins limitées qu’aujourd’hui mais l’illusion d’une croissance boostée par le développement technologique emportait tout sur son passage. « Nous vivrons ce que nous changerons », scandait déjà la CFDT à l’époque. Aujourd’hui, nous disons : « Au travail pour le climat ! »
Au travail ! Le slogan peut s’entendre comme une injonction. Dans une société parfois traversée par une forme de fatalisme, voire de résignation, face à des événements qui semblent inéluctables, comme le réchauffement climatique, la CFDT répond par l’action. Fin 2023, nous avons souhaité graver dans un « Manifeste pour la transition écologique juste » notre corpus revendicatif construit au fil des années autour des enjeux sociaux, environnementaux et économiques. Nombre de militants s’engagent sur ces questions sous des formes d’organisations nouvelles. Elles répondent davantage à l’évolution des aspirations des citoyens. Un engagement plus ponctuel, plus ciblé, parfois hors des instances officielles ou de prise de mandat.
Un syndicalisme évolutif
La CFDT, dans son objectif réaffirmé de congrès en congrès de s’appuyer sur un syndicalisme d’adhérents, se réinvente donc régulièrement. Nous avons, ces derniers mois, rencontré quasiment l’ensemble des syndicats pour réfléchir à une évolution de notre organisation. La CFDT est un corps vivant. Et comme tout corps vivant, il évolue en associant au maximum ses forces vives, les militantes et militants.
En 1964, la CFDT a introduit dans son nom le D de démocratie. La démocratie est une exigence pour un projet de société apaisé, qui combat les inégalités. Elle l’est aussi pour notre organisation. Tout au long de ces six décennies, la CFDT n’a cessé de plaider pour répondre aux évolutions de la société. Coller au réel pour l’améliorer, c’est l’essence même de notre syndicalisme. Améliorer les conditions de travail, anticiper et guider les transformations du travail, les évolutions sociétales, les nouveaux rapports au temps, les modes de vie et de production dans une société post-carbone, les relations femmes-hommes…
Associer les travailleurs et les travailleuses
Récemment, la CFDT a affirmé son rôle de porte-voix des travailleurs et travailleuses invisibles, de celles et de ceux qui ont permis à la France de tenir debout pendant une des crises les plus angoissantes de ces soixante dernières années puisqu’elle menaçait la vie de nos concitoyens.
La CFDT a coconstruit ses revendications durant toute cette période avec les premiers concernés pour qu’elles apportent du mieux et du plus. Au cours de cette période, nous avons joué à fond la carte du dialogue social pour répondre à l’urgence. Avec toujours à l’esprit le souci de l’utilité et de l’efficacité. Pas un syndicalisme de slogan. Les pouvoirs publics l’ont compris sur le moment. Ces mêmes responsables politiques qui voient trop souvent les corps intermédiaires comme des empêcheurs de tourner en rond et des freins pour agir vite.
Le syndicalisme, et singulièrement la CFDT, a fait preuve de responsabilité et a fait la démonstration de la pertinence du dialogue social. Cette parenthèse s’est malheureusement vite refermée. Sans surprise. La CFDT n’a jamais tout attendu du politique. Peut-être encore moins dans la période que nous vivons !
La transformation sociale que souhaite la CFDT depuis sa naissance oblige à répondre à la double tension de la responsabilité et de l’engagement. Autogestion hier, qui implique qu’il ne peut y avoir de transformation sans implication des premiers intéressés que sont les travailleurs et les travailleuses.
En revendiquant et en obtenant la reconnaissance de la section syndicale d’entreprise dès 1968, puis le droit d’expression des salariés, l’obligation de négociation sur les salaires, la durée et l’organisation du travail, elle a fait de sa volonté d’associer le plus largement possible les travailleurs aux décisions qui les concernent un véritable marqueur. Codétermination aujourd’hui. Elle exige, entre autres, plus de proximité dans le dialogue social et la présence de représentants du travail dans les instances de gouvernance pour peser sur les stratégies des entreprises. Et lorsque la CFDT revendique le droit de s’emparer des sujets qui concernent les citoyens et citoyennes et de s’engager pour faire progresser ses idées, elle plaide également pour son implication dans la définition des politiques publiques.
La CFDT a toujours travaillé avec l’ensemble de la société civile. Ses militants n’ont d’ailleurs pas attendu la Confédération pour investir le champ des associations de proximité, de défense des consommateurs, du cadre de vie, de lutte contre le racisme ou contre les inégalités. Beaucoup de cédétistes ont garni leurs rangs ces soixante dernières années. En 2019, la CFDT a créé, avec dix-huit autres organisations, le Pacte du pouvoir de vivre.
Ce collectif d’associations de lutte contre la pauvreté, de défense de l’environnement, de mutuelles… compte désormais une soixantaine de membres. Il porte une série de revendications et de propositions très concrètes et fait la preuve que des organisations aux histoires différentes, avec parfois des approches nuancées, parviennent à discuter, à échanger et à construire une plateforme commune de revendications.
Agir à plusieurs, dépasser nos champs de compétences respectifs, faire un pas les uns vers les autres pour trouver les voies de passage. Cela nous a paru indispensable pour faire face aux défis écologiques, sociaux et démocratiques. La CFDT continue d’évoluer et de penser ses modes d’action pour être toujours plus efficace.
Des générations de militants
Et la CFDT continue de s’interroger pour représenter et défendre toujours mieux les travailleurs et les travailleuses, quel que soit leur statut : les salariés du privé, petite comme grande entreprise, les agents publics, contractuels comme fonctionnaires, les travailleurs des plateformes, que nous devons soutenir beaucoup plus.
Ce qui caractérise les soixante dernières années que nous avons passées ensemble, c’est aussi notre engagement européen. Il n’a jamais fléchi. Il s’agit d’abord d’un engagement pour la paix et pour la défense d’un espace géographique unique fondé sur les principes de démocratie et de respect des droits humains.
Je suis fière d’être la responsable de cette organisation fidèle depuis toujours à ses valeurs. D’une organisation qui n’a jamais renoncé à dénoncer les dictatures qui sévissent dans toutes les régions du monde, peu importe l’idéologie qui les anime. L’Afrique du Sud, le Chili et la Pologne hier. Le Venezuela, Hong Kong ou l’Afghanistan aujourd’hui. La CFDT est désormais forte de ses 635 000 adhérents, de sa place de numéro 1 des organisations syndicales françaises. Le chemin parcouru depuis 1964 est remarquable. Ce chemin a été façonné par une succession de générations de militants.
Merci à eux ! Merci à vous !
dans le même dossier