La restructuration de la société n’a pas découragé les militants CFDT de Stanley Tools Black & Decker. Ils sont de toutes les batailles : conditions de travail, dialogue social et qualité de vie au travail.
Des mètres, des scies, des pinces à main, des niveaux. Le site de Besançon de Stanley Tools France ferait le bonheur des bricoleurs. Ça n’a pas toujours été le cas pour les 300 salariés. « Nous sommes passés d’une entreprise avec des ouvriers fatigués, sous pression, convoqués, seuls, après chaque arrêt maladie… à un endroit où commence à régner un véritable dialogue social, s’enthousiasme Babacar Kebé, délégué syndical CFDT. C’est qu’on revient de loin. »
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La société d’aujourd’hui est le résultat de la fusion de deux unités. Mabo à Besançon, spécialisé dans les mètres déroulants (racheté en 1970) et Bost à Laissey (à une vingtaine de kilomètres au nord-est de Besançon), fabricant de pinces depuis 1956, racheté par l’américain Stanley Works en 2006. La marque a ensuite changé de nom et est devenue Stanley Tools Black & Decker en 2010. Cette restructuration a engendré des dégâts collatéraux et sociaux avec des licenciements en 2009 et un douloureux passage à vide. « Les gens allaient mal et, malgré cela, la direction était relativement tranquille parce que personne n’osait rien réclamer », souffle un ouvrier en testant le serrage d’une pince.
L’engagement syndical pour remédier au ras-le-bol
La CFDT, présente dans la boîte depuis une dizaine d’années, ne fonctionnait pas très bien. En 2014, l’ancienne équipe a laissé la place à de jeunes militants motivés, engagés, enthousiastes. Babacar Kebé, salarié à Stanley depuis vingt et un ans, n’avait jamais été tenté par le syndicalisme. Le ras-le-bol a été trop fort. Ouvrier, il voyait ses collègues commencer à décliner, déprimer, en raison de la charge de travail, de trop faibles températures dans les ateliers, d’un certain mépris de la direction. « Moi-même j’avais froid, je travaillais sur une machine de grenaillage dans un coin de l’atelier qui n’était pas chauffé, j’en parlais à mon superviseur qui me répondait qu’il lui était arrivé de travailler dans sa vie dans des endroits où la température descendait à 6 °C ! Avant même d’être élu, j’avais essayé d’alerter la direction mais rien ne changeait ni pour moi ni pour personne ; j’ai été mis à pied plusieurs jours, on me reprochait de quitter mon poste pour aller me réchauffer ! » En parlant avec ses collègues, il se rend compte que ses problèmes sont communs à tous les salariés. Melvin, 35 ans, technicien en atelier, est de ceux-là. « J’étais sous pression, j’avais l’impression de ne pas être considéré. Je me sentais encerclé, surveillé, et mon chef me poussait à faire plus vite, sans jamais me remercier pour les efforts, alors il fallait que ça arrive : j’ai fini par craquer », soupire-t-il. Chrystelle Hugues, ouvrière depuis vingt ans, élue au CHSCT, ne s’était non plus jamais investie. Mais l’enthousiasme et les arguments de Babacar l’ont convaincue de sauter le pas. « Je me suis dit qu’il fallait qu’on se fasse respecter par la direction et les chefs. On ne pouvait pas rester comme ça, à être mal considérés, les salariés étaient à bout », se souvient-elle.
Dès leur arrivée dans la section, les élus traitent les dossiers les uns après les autres, avec méthode, patience et pédagogie. Marc Szabo, secrétaire de la CFDT-Métallurgie Besançon-Haut Doubs, se souvient très bien de ces ouvriers à la fois remontés comme des pendules et attentifs, ouverts, prêts à s’impliquer, comprendre, apprendre et s’engager. « C’était incroyable, ils étaient néophytes mais pas du tout naïfs. Ils voulaient améliorer la vie des salariés, c’était très simple, on les a conseillés, et ils ont bénéficié de formations syndicales. » Aux élections de 2014, la CFDT remporte tous les suffrages, la CGT n’existe plus.
Faire cesser les pratiques managériales d’un autre temps
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L’équipe se retrousse les manches, coachée par l’Union régionale interprofessionnelle. « Je ne savais rien, je partais de zéro, je n’avais jamais été syndiqué alors je me suis imposé une discipline de travail en étudiant les textes de lois, le droit du travail, on devait tout m’expliquer au début. J’ai lu énormément, discuté et compris beaucoup de choses de ce qui pouvait se faire et ce qui était inadmissible dans une entreprise », raconte Babacar Kebé. Lorsque des salariés l’informent de leur convocation systématique à la direction après chaque arrêt maladie, son sang ne fait qu’un tour. Il porte le sujet au comité d’entreprise et y détaille la procédure (qui consistait à convoquer en entretien un salarié ayant plus de trois arrêts dans l’année) avant de demander à la direction d’y mettre un terme. « Les explications de la direction ne suffisaient pas, parce que nous ne demandions pas un bilan mais l’arrêt pur et simple des entretiens de retour d’arrêt maladie », explique le délégué syndical. Pour avoir potassé le droit du travail, il sait que ces méthodes ne sont pas réglementaires. Et devant l’aplomb des élus, la méthode cesse rapidement.
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