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Extrait de l’hebdo n°3947
Solide sur ses bases, la section CFDT s’est attelée à la semaine en quatre jours, souhaitée par la direction. Défi relevé puisqu’elle a trouvé un compromis qui satisfait tout le monde.
Avec 69 % des voix aux dernières élections de 2023 devant la CFTC, la CFDT du groupe Gènes Diffusion a les coudées franches quand il s’agit de négocier. Cependant, la partie qui s’est jouée autour de la semaine en quatre jours, durant le premier semestre 2024, n’a pas été facile. « La direction souhaitait supprimer le télétravail. Les salariés éligibles y étaient catégoriquement opposés. Et nous, nous devions étudier la demande du directeur », résume Patrice Dubois, délégué syndical central.
Dans ce groupe (il compte 600 salariés) spécialiste de la génétique et de la reproduction des espèces bovine, porcine, équine et caprine, la moitié des effectifs est constituée d’inséminateurs qui travaillent directement chez les éleveurs. Les sites de production, eux, sont répartis dans toute la France. Aussi, Patrice sillonne-t-il le territoire avec sa casquette de syndicaliste. Il s’est fait connaître en visitant régulièrement les différents sites de l’entreprise, les foires et les salons agricoles, où il a pu nouer des contacts avec l’ensemble des salariés. « Ils sont itinérants et isolés, certes, mais en contact avec la clientèle, précise Patrice. Ce n’est pas toujours le cas pour nos collègues de bureau, et nous avons à cœur, dans notre section syndicale, de les représenter le mieux possible. »
Gènes Diffusion emploie en effet une centaine de personnes au sein des services supports. « Je me suis syndiqué à la CFDT pour pouvoir défendre leurs intérêts », explique d’ailleurs Damien Batin, délégué syndical et responsable SSTService de santé au travail., qui s’est pleinement investi dans la commission « semaine en quatre jours » créée afin de documenter et négocier le sujet face à la direction.
Trouver la bonne formule
Les militants le reconnaissent : a priori, ils n’étaient pas favorables à un aménagement du temps de travail… qui suscitait beaucoup d’inquiétudes. « Demander aux salariés de travailler 35 heures sur quatre jours sans réduction du temps de travail et en supprimant leur jour hebdomadaire de télétravail, cela n’avait rien d’évident », confirme Patrice. Jusqu’à ce que les délégués syndicaux CFDT se penchent plus en détail sur les motivations de la direction, d’une part, et les écueils à éviter pour les salariés, d’autre part. Petit à petit, le cahier des charges s’est précisé. Côté direction, il y avait le souci de retrouver un service opérationnel cinq jours sur cinq qui avait été désorganisé par la pose anarchique de RTT et la perte de contrôle des télétravailleurs. « L’accord télétravail n’avait plus beaucoup de sens, admet Damien. Progressivement, le télétravail nous a fait perdre en efficience et surtout en cohésion d’équipe. »
La volonté de la direction était donc de faire revenir les gens au bureau tout en préservant l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle avec la mise en place d’un jour non travaillé. « Seulement, le modèle que l’on nous a proposé ne nous convenait pas, poursuit Damien. La direction voulait une gestion des horaires simplifiée et des jours non travaillés fixes, ce qui ne nous semblait pas du tout pertinent. Au contraire, nous avons réfléchi et négocié afin d’obtenir un maximum de souplesse et pour que chacun puisse s’adapter en fonction de sa charge de travail et son organisation personnelle. »
Une nouvelle donne…
Ainsi, l’accord trouvé permet de choisir son jour off et d’en changer d’une semaine à une autre, sachant que les mardis et jeudis restent des jours de présence obligatoire. La journée commence entre 7 h 30 et 9 heures le matin et se termine entre 16 h 30 et 18 h 30. L’accord permet d’individualiser ses heures : il est ainsi possible de cumuler jusqu’à trois heures supplémentaires par semaine et de les récupérer pendant d’autres semaines. En contrepartie, la gestion du temps de travail a nécessité la mise en place d’une badgeuse. « Pas facile non plus d’expliquer ça, les salariés étaient vent debout contre cette mesure, poursuit le délégué syndical. Mais, au bout de quelques semaines, ils se sont aperçus que le compteur pouvait tourner à leur avantage, notamment ceux qui étaient auparavant au forfait jour. Maintenant, au moins, c’est carré ! » Quant aux jours de repos compensateur, ils sont négociés entre la section et la direction pour l’ensemble du personnel concerné.
… Et un premier bilan positif
Effective depuis le 1er juin 2024, la semaine de quatre jours donne à voir, d’après les élus, un premier bilan satisfaisant : « Dans un sondage réalisé avant la signature de l’accord, il y avait seulement la moitié des votes “pour”. Finalement, ceux qui étaient contre le passage en quatre jours sont aujourd’hui satisfaits. Certains se sont remis à faire du sport, d’autres planifient des week-ends de trois jours, et les parents trouvent plus de temps pour organiser des loisirs avec leurs enfants… Comme à chaque fois, nous essayons à travers chaque accord d’améliorer la vie de nos collègues, et ils le constatent. »
Afin de communiquer avec les salariés et les informer sur ce qu’elle fait, la section CFDT utilise les outils numériques de Gènes Diffusion. Elle s’applique aussi à leur faire découvrir comment se déroule concrètement une négociation puisque leur accord de dialogue social leur permet d’inviter trois salariés à la table des discussions. « Ils ressortent bluffés, affirme Patrice. Ils comprennent qu’une négociation, ce n’est pas une bagarre mais bien la recherche de compromis. »